Il vit une aventure à la Martine. Martine aux Antilles. La photo qui en résulte célèbre un moment de franche camaraderie républicaine. Mais voilà, on lui cherche des poux.
De gros poux. Je ne partage pas tout. J’ai par exemple de plus en plus horreur du ton imprécateur/victimaire de Marine Le Pen, un ton qui finit par noyer ses arguments. J’essaie une autre lecture de cette séquence. Mais je partage en partie certaines critiques qui le visent. D’abord, comme le suggérait un intervenant sous mon précédent billet:
« J’imagine qu’il doit considérer que des jeunes hommes noirs peuvent se mal se tenir. C'est "culturel". Par contre un jeune blanc de province doit savoir dire "Monsieur le Président" et se comporter avec politesse.... J’y vois presque une forme de racisme. »
Oui, un traitement différent. Un possible racisme en creux. Il semble partager la culpabilité de l’homme blanc occidental face au reste du monde. L’image le montre dans une posture plutôt « djeun », avec une expression improbable – de celles qu’on partage avec des copains. Pas celle qu’on attend d’un président en exercice. À noter qu’il semble que monsieur Macron n’ait pas vu immédiatement le doigt d’honneur.
Un autre élément renforçait dans un premier temps cette idée de traitements différents selon la couleur de la peau. En avril dernier un retraité avait fait un doigt d’honneur en public. Il visait le président. Ce retraité a été interpellé, placé en garde à vue et sanctionné d’un rappel à la loi.
Cependant, on apprenait quelques heures plus tard que le jeune homme au doigt d’honneur ne visait pas le président mais tous ceux qui considèrent la population de ce quartier comme des riens. L’exclusion sociale existe toujours, même dans des populations historiquement victimes de ségrégation.
Ceux qui ne vont pas dans ce quartier voient sa population comme peu fréquentable. En réponse, le doigt d’honneur leur dit: « Voyez, nous sommes suffisamment bien pour que le président nous rende visite. » Il exprime une fierté.
Changer les codes
Pour moi cette justification est prenable. Le langage des corps invalide l’idée que le président ait pu être visé. En cas de doigt d’honneur on s’adresse directement à la cible et on ne la touche pas avec son corps comme c’est le cas ici. De plus les images qui précèdent et suivent cet épisode ne montrent pas d’hostilité envers le président.
Par contre l’image montre qu’il cède le pouvoir aux jeunes gens. On le voit en-dessous d’eux, en infériorité symbolique, décontenancé, dans une attitude de début de soirée plus que dans celle d’un président. La posture des jeunes gens est forte, pleinement assumée, et montre leur aplomb. Ce sont eux qui mènent le bal.
Qu’attend-on de la fonction présidentielle? Qu’elle soit incarnée de façon parfois hiératique et plutôt distante. Au-dessus des gargouillis du monde. La proximité n’est pas forcément perçue comme un bon marqueur de l’autorité, même si elle est parfois réclamée.
Cependant chacun l’exerce selon sa vision et sa personnalité. Macron veut changer les codes, pourquoi pas. C’est un défi à l’intérieur de son quinquennat. La tradition française est coriace et contradictoire à souhaits, bon courage pour lui.
Cette autophot (auto-photographie, ou selfie en anglais) d’une seconde, avec ce doigt d’honneur, va marquer son mandat. J’ignore si elle va le desservir, ou au contraire si les français apprécieront qu’il se soit jeté dans l’arène.
Pour moi se pose à nouveau la question de sa jeunesse émotionnelle. Soit il fait trop djeun pour son âge, soit il fait trop sérieux comme le soir de sa victoire. Son attitude sérieuse est à mon sens discontinue.
Par exemple je trouve ses silences peu épais, peu habités. Comme une séquence interrompue, sans continuité secrète, celle que l’on attendait, que l’on entendait, chez De Gaulle ou Mitterrand. Macron peine visiblement à se laisser libre de ses comportements (la fonction n’étant pas un carcan mais au plus un habit), et en même temps à incarner ce sérieux solide, stable et posé qui représente un aspect fréquent de l’autorité sage et bienveillante.
On lui reproche aussi son attitude et ses propos avec l’un des jeunes hommes, l’ex-braqueur. C’est vrai, il ne le tance pas comme il l’a fait avec d’autres. On peut en être étonné. La logique que j’entends dans ses propos mesurés est de vouloir ne pas en rajouter. Le garçon a purgé sa peine, il reconnaît avoir fait une bêtise. What else?
Cela ne mange pas de pain évidemment, et l’on pourrait craindre le serment d’ivrogne. Mais j’ai trouvé intéressant de voir Emmanuel Macron proposer un contrat, même une sorte de pacte, validé par la parole et la présence de témoins. Ce faisant je pense qu’il parlait un langage assez proche de celui du jeune homme. Celui-ci s’est engagé publiquement, il est tenu à tenir son engagement par simple respect de lui-même.
À suivre donc. Il serait intéressant qu’un journaliste retourne voir dans quelques années ce que ce garçon est devenu. Il pourrait aussi enquêter sur l’hypothèse que cet échange avec le président aurait fait des émules: d’autres jeunes en délicatesse avec la société pourraient, qui sait, suivre la même voie.
Faille
En fin du compte je n’accorde pas une importance excessive à cette séquence. Je ne sais pas si je me serais justifié après coup, comme l’a fait l’Emmanuel. Je constate qu’il attire des comportement irrespectueux parce que trop familiers.
Il est jeune, il a encore beaucoup de travail à faire sur lui-même pour accéder enfin à une posture d’autorité calme, ouverte, proche et distante à la fois. S’il y arrive il pourra jouer au père de la Nation qui aime tous les enfants de la République en étant un peu plus crédible.
On peut déplorer la vulgarité qui a envahi à ce point la communication. Le doigt d’honneur ou le bras d’honneur sont très prisés par nombre de jeunes. Mais quand on voit ce qui parfois s’écrit sur certains blogs, ou quand on entend Cyrille Hanouna (TPMP) lancer à son chroniqueur Jean-Michel Maire, sur son ton mi-figue mi-raisin: « Je vais te balancer mon pied dans la gueule », en direct, parce que ce dernier a exprimé un avis qui n’a pas plu à l’animateur, on a en politique le spectacle que l’on mérite. Et le CSA s’en fiche: il n’intervient que dans ce qui a trait au sexe et aux femmes. Le CSA est-il devenu une annexe de l’internationale féministe ou un club d’obsédés sexuels?
Ce qui me cause du souci dans cette image du doigt d’honneur est la possible culpabilité du président en tant qu’homme blanc, et le fait qu’un président cède si facilement autorité et pouvoir. Je n’ai pas d’animosité envers Emmanuel Macron, mais je crains que cette faille d’autorité ne le conduise à agir de manière peu appropriée en cas de crise politique majeure.
Pour finir, et parce que c’est la France, cet extrait d’une courte vidéo impertinente de Fabrice Éboué qui surfe sur une des rumeurs récurrente à propos du jeune Emmanuel:
Commentaires
"Ceux qui ne vont pas dans ce quartier voient sa population comme peu fréquentable. En réponse, le doigt d’honneur leur dit: « Voyez, nous sommes suffisamment bien pour que le président nous rende visite. » Il exprime une fierté"
Je pense plutôt que ce jeune fait ce doigt d'honneur, car cela est un moyen d'exister. Ce jeune délinquant, probablement en manque de repère, ne fait que reproduire ce qu'il voit dans les médias. Luchini ou Rihanna qui font des doigts d'honneur, c'est une manière d'exister aussi. Car dans le show biz ou la publicité (Benetton), il faut casser les codes... Le rebelle est devenu la norme. C'est pour cela qu'on voit des agents de banque se balader avec des tatouages ou des cadres en assurance faire de la Harley avec leur moto-club le week-end ou encore la secrétaire qui prend des cours de pool-dance.
Le gangster noir est devenu un modèle pour les jeunes. A la base le rap était bien plus politisé. Mais les majors américaines l'on travesti avec des pantins qui prônent la violence, le machisme et le matérialisme. Ils s'appellent cela de la culture. C'est pas grave, c'est pour les noirs.... Et c'est normal qu'un noir puisse jouer au nègre, surtout quand on culpabilise de les avoir mis en esclavage.
Et c'est aussi la génération, "je me cherche des excuses".... A la Nick Conrad. qui appelle à pendre les blancs. Puis nous explique que son texte est un message d'amour et une revanche vis à vis de l'esclavagisme. Le texte et les images sont hyper violentes et le but est clairement de choquer.
A mon sens, Macron est en train de se perdre. Il veut incarner une fonction et en même temps une forme d'ouverture sur la bêtise. Il veut être "cool". Mais sa fonction n'est pas d'être un mec cool et "ouvert". Obama savait jouer sur les aspects raciaux. Il savait faire le noir et faire le blanc, suivant les situations et se basant sur les clivages raciaux américains qui ne sont pas transportables dans la société française.
Certains font une différence entre acteur et comédien.
L'acteur habite un personnage, le comédien joue un rôle, je dirais que Macron cherche à jouer tous les rôles et qu'il n'est pas toujours un très bon comédien.
Homme Libre,
Je n'ai pas le même ressenti, ni la même interprétation que vous. Il y a d'ailleurs d'autres photos. Par exemple une où l'on voit le personnage de droite torse nu. D'où ma question: lui a-t-on demandé d'enfiler ou d'ôter son maillot?
Sur le "doigt d'honneur". C'est une bonne question que de se demander à qui il s'adresse. Maintenant, c'est bien gentillet de parler de "doigt d'honneur". Ce signe veut dire plus directement: je t'encule ou je l'encule suivant à qui il est destiné. On peut l'interpréter comme étant destiné aux blancs de manière générale. Je noterai dans ce cas que Macron est un blanc.
Vous n'avez pas analysé les visages. Celui de gauche est fermé et je l'interprète comme manifestant de la haine. Vous pouvez avoir une autre interprétation et je suis prêt à la lire. Macron est dans une position de soumission avec un sourire crispé, la tête prête à se poser sur l'épaule du mâle, l'épaule si ce n'est le torse déjà collée.
Maintenant le troisième personnage. Je dirais que son visage est inexpressif. mais sa main avec index et auriculaire dressés signifie clairement: tu, vous, il ou ils sont cocus. Les cornes. Qui est cocu(e)? Brigitte, Macron, le peuple français, les blancs? Chacun peut y aller de sont interprétation. Mais lié le "j'encule" et le "cocu", cela ne peut pas être passé sous silence quand la "dignité" de la fonction présidentielle, veste tombée, manches retroussées, siège au milieu de la photo dans l'attitude décrite plus haut.
Question: pourquoi cette attirance pour les noirs? On connait l'histoire de l'enfant et du balcon que je ne peux explique que comme une mise en scène.
Après cela, le "manu" du collégien, c'est de la roupie de sansonnet.
Je ne ferai jamais confiance à un politique qui n'a pas d'enfant.
Pour rappel:
https://www.agoravox.tv/actualites/politique/article/macron-est-un-psychopathe-l-73298
Ce qui est invraisemblable c'est qu'un service presse ait laissé passer une photo pareille... mais bon, par les temps qui courent, qui a la maîtrise de l'image? Ce selfie a du passer par la bande, tweeté et retweeté entre djeuns jusqu'à arriver dans une rédaction quelconque.
Il n'est même pas sur que Macron se soit rendu compte des gestes - qui selon moi n'ont aucun sens si ce n'est pendre une attitude de bravaches à bon compte - de ces deux gamins, placé comme il est: le geste peut être très rapide. Et une fois que le vin est tiré il faut le boire.
C'est un risque que l'on court avec des images dans des situations non encadrées. Et que l'on prend en faisant une descente dans ce genre de milieu: on veut se montrer proche des classes "défavorisées" et ça dérive. C'est incontrôlable.
Pour moi c'est un non événement, mais qui reste symptomatique de l'attitude d'une certaine jeunesse. Et d'une sorte de connerie et de vulgarité endémique qui fait florès.
Les réactions explicatives ultérieures du Président et de ses services de 'com ressemblent plutôt à une sorte de pare-feu maladroit pour justifier ce qui n'aurait pas du l'être en d'autres circonstances.
Bref, une maladresse indiscutable. Mais c'est tout.
PDO
@ Daniel:
Il y a en effet plusieurs perceptions et interprétations possibles. La vôtre est également plausible, surtout avec Macron comme s’il était « pris en otage » entre les deux jeunes gens.
De ce que j’ai compris, Macron a décidé de changer son programme de visites sur place. La rencontre de cette famille n’était pas prévue, elle s’est décidée au dernier moment, semble-t-il.
À partir de là et dans ce contexte, je vois les jeunes plutôt épatés. Pensez! Le président! Chez eux!
Alors ils ne sont pas bien habillés, je ne sais pas si on leur a demandé de mettre un maillot et à leur place c’est ce que j’aurais fait. Mais sur d’autres images on les voit plutôt émoustillés et je continue à pencher pour cette interprétation. La posture est adressée à la caméra, donc à certains qui regardent, pas au président. Bien sûr le doigt
Les visages: pas si fermé selon moi (mais il faudrait voir si nous avons la même évaluation des expressions). Je les vois faire ce que beaucoup de jeunes font: faire une démonstration de puissance. Et ils se montrent forts, d’où le visage « fermé » (?), que je trouve pour ma part plus grave que fermé.
Quelque part ils viennent de gagner des années de notoriété dans leur quartier. À leurs âges, dans le contexte, cela me paraît plus proche de leurs préoccupations.
D’autre part Macron est très tactile, et se veut proche, il le montre aussi dans cette vidéo avec une jeune fille, avant de rencontrer les deux garçons. On les voit souriants, regards admiratifs, pas le comportement de petits voyous locaux:
https://www.youtube.com/watch?v=5hVDUbVXW6Y