Sur leurs blogs trois personnalités politiques genevoises se sont attelées au rituel du moment: poster un message lumineux pour l’an neuf. De mon côté j’ai fait l’effort de les lire et d’y penser. Voili voilou le résultat.
« La solidarité, mon vœu pour 2020 »
Le titre ne mange pas de pain. Il est sans danger, fédérateur et fait pour récolter des « j’aime ». La solidarité dans la collaboration c’est Bien. Personne ne dit: « Je veux un monde moins solidaire, plus agressif et égoïste, et où les faibles peuvent crever ».
Son crédo est d’opposer solidarité et profit:
« … Faire le choix de la solidarité, c’est refuser un monde qui risque de devenir inhumain et inhabitable à force de tout sacrifier au profit. »
On retrouve un vieux schéma moral manichéen, clivant même, opposant un certain humanisme social et le business. Cette opposition est factice. Sans profit il n’y a pas d’entreprises, pas de travailleurs, pas de fiscalité, pas d’État, pas de social.
Il faut former des vœux ET de solidarité ET de profit. Ça c’est progressiste. L’opposition factice des deux notions est une pensée archaïque. Dans le monde réel il n’y a pas d’opposition: il y a un temps et une place pour la solidarité comme il y a un temps et une place pour le profit. En même temps.
La Suisse en est un exemple: un État libéral doté d’une politique sociale avancée. Alors je forme le souhait de continuer à être multiples, et de ne pas opposer ce qui n’a pas lieu de l’être.
« Meilleurs Vœux 2020 ! »
Monsieur Rielle prend prétexte des vœux pour commettre une longue auto-congratulation. Au nom de 2020 il ne parle que du passé.
« À l’aube d’une nouvelle année, 30 ans de militantisme et plus de 20 ans de mandats d’élu me permettent de mesurer un certain chemin parcouru ! »
Suit une énumération de ses faits d’armes, de ses camarades de combat, et toutes sortes de choses formidables dégoulinantes de bonnes valeurs variées. Jusqu’à encenser le grand GOS (Guy-Olivier Segond). M. Rielle a un fameux coup de langue pour faire autant de lèche.
Et soudain, vers la fin, alors que rien ne nous y prépare, il balance (je ne vois pas d’autre mot) le suicide de sa mère quand il avait 17 ans. Pas pour expliquer tel ou tel aspect de son cheminement intérieur. Plutôt pour faire une sorte de pirouette. Elle lui permet de limiter les dégâts et de terminer à moindre coût un billet mal engagé.
En effet, comment parler autant de soi et de sa propre beauté morale, et terminer en s’adressant quand-même aux autres pour, enfin, montrer un petit signe d’intérêt pour eux?
Ce texte est une rétrospective personnelle. Il n’a rien à voir avec des vœux.
« Joyeuses fêtes »
Amis de la langue française, accrochez-vous! L’usage au moins d’un correcteur a-t-il été envisagé? Bon, la qualité du français ne préjuge pas de la valeur intrinsèque d’une personne, d’accord. Mais quand-même…
Si on arrive à le lire jusqu’au bout, l’auto-satisfaction exprimée par ce texte est réjouissante. Par exemple cette phrase:
« … nous travaillons toutes et tous pour le bien-être et l’intérêt de notre population et ainsi vous offrir un cadre de vie meilleurs, des prestations de qualité et une écoute active. »
Cela nous rassure. Imaginons qu’il ait écrit: « nous travaillons toutes et tous pour le mal-être et le préjudice de notre population et ainsi vous offrir un cadre de vie pire, des prestations pourries et un dédain actif… »
Aucun politicien ne dirait cela. Tous et toutes travaillent au bien-être de la population, chacun et chacune selon ses principes. Par ailleurs, sans faire de procès d’intention, je doute que M. Cerutti connaisse précisément la définition de l’écoute active, pratique due au psychologue américain Carl Rogers.
Il termine cependant sur un élan lyrique:
« Je me réjouis de vous retrouver en janvier pour poursuivre ensemble notre odyssée, une riche et belle histoire que j’ai la chance d’écrire conjointement avec vous. »
Enfin une phrase forte écrite correctement. Qui la lui a soufflée?
Le mot odyssée remet un peu de sel dans la soupe et de rêve dans nos neurones. Mais n’est pas Homère qui veut pour écrire cette Odyssée-là. Peut-être faudrait-il engager un scribe…
Résultat de ma lecture? Ces vœux résonnent comme trois gros ronronnements d’auto-célébration.
Mais la critique est aisée et l’art est difficile. Je n’aurais probablement pas fait mieux: je n’ai aucun talent pour la politique.
Commentaires
Hum, le paragraphe sur le suicide de sa mère ne vous pas plus intrigué que ça? Je me suis posé la question: est-il à l'orée de son propre suicide?
Et son invocation de la divinité, pff... et ça se dit "socialiste"?
Je suis très perplexe devant ce paragraphe. Je n'ai pas de piste.
Thomas Gordon fut l'élève de Carl Rogers. Il est l'auteur d'une méthode enseignée dans des ateliers qui portent son nom. À l'écoute active, il ajoute le message «Je» d'affirmation. Une combinaison judicieuse de ces deux éléments intervient avec efficacité dans la résolution de conflits sans perdant.
Bien dit @M. Homme Libre:"Résultat de ma lecture? Ces vœux résonnent comme trois gros ronronnements d’auto-célébration. Mais la critique est aisée et l’Art est difficile. Je n’aurais probablement pas fait mieux: je n’ai aucun talent pour la politique."
L Art de la politique que vous citez est tout d abord que le vers est dans le fruit! Puis, comme Paul Valéry a dit:" La politique est un Art d empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde" et Amen...
Résultat des courses est que souvent, ce n est pas à craindre de ne pas comprendre mais plutôt craindre énormément de comprendre...
Bien à Vous et Bonne Année M. H.L.
Charles 05
Passez une belle année 2020
Je l'ai essayé et je vous le recommande très fort.
Amour, Argent, Euromillions et Emploi.
site: www.voyancemediumserieux.com
Happy New Year to you and yours Homme Libre! Merci pour ce billet décapant.
Voici le dernier numéro d'Imédias, émission hebdomadaire que je vous conseille de ne jamais manquer:
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