Avec un titre qui fait peur, ce nouvel épisode médiatique nous rappelle combien toute information sur le climat doit faire l’objet d’une contre-enquête. C’est le dernier chapitre en date du roman fleuve de la fin du monde.
Samedi 29 février le 20minutes publiait un article intitulé: « La «neige de sang» inquiète les scientifiques » (image 1, clic pour agrandir). Et pour qui n’a pas compris, le sous-titre et l’image font dans le film d’horreur: « Depuis plusieurs semaines, la glace entourant la base de recherche de Vernadsky en Antarctique ressemble à un bain de sang ».
Un bain de sang, carrément. Sur l’image, composée de deux photos, on voit du rouge comme versé à grands seaux – ou comme le sang d’animaux ou d’hommes égorgés. Les masses sombres font penser à des animaux morts, au premier regard.
En réalité c’est le sol pierreux, et cela a toute son importance.
On apprend plus loin que les scientifiques qui ont lancé l’info donnent un autre nom au phénomène: la neige framboise. En anglais on trouve donc raspberry snow. Mais aussi la neige pastèque ou watermelon snow. En Suisse on parle de sang des glaciers.
On lit ailleurs que « une algue rouge dévore les glaciers de l’Antarctique », ou que « Le réchauffement climatique fait saigner la glace en Antarctique ». Des images et des mots forts qui entrent sans effort dans nos imaginaires et dans le post-romantisme écolo. C’est un champ de guerre qu’on nous présente, vision de prédilection des climatistes.
Mais de quoi s’agit-il?
D’une algue verte microscopique de la variété des Chlamydomonas nivalis (image 2). Elle devient rouge une fois exposée à la lumière (image 3).
Cet hôte est bien connu des régions froides, polaires ou de hautes montagnes. Elle est déjà citée par Aristote dans l’Antiquité, puis par le capitaine John Ross en 1848 au retour d’une expédition arctique à la recherche du passage du nord-ouest.
Elle a fait l’objet d’études en 1903, 1967, 1992 et 2008 (liens 1 à 5 en fin de billet, liste non exhaustive).
Cette algue dort sous la neige pendant la saison froide. Pour rappel les températures de l’Antarctique vont de plus 10° en bordure ouest du continent en été, à près de moins 100° en son cœur. Pendant l’été austral de décembre à mars, la péninsule, qui pointe vers la Patagonie (image 4), connaît des moyennes variant entre +5° et -5°, avec parfois des minima et des maxima extrêmes.
Ainsi février dernier a vu une vague de chaleur venir du Pacifique au bénéfice d’un affaiblissement des westerlies (vents forts d’ouest ou contre-alizés), ce qui a permis aux masses d’air chaud de descendre plus bas vers le Pôle sud. Des effets locaux de foehn ont accentué cet apport exceptionnel de chaleur. Exceptionnel, oui, car cela le reste même avec le réchauffement.
Bref, il est normal que la neige du sol fonde à cette période estivale. Et cette fonte réveille les algues qui dormaient dessous.
Elles migrent alors vers la surface pour se reproduire. Au contact du rayonnement solaire elles sécrètent de la carotène, de couleur rougeâtre, pour se protéger des UV. Conséquence: elles sont plus visibles et brillantes un jour de soleil et moins un jour nuageux.
Leur présence en surface diminue l’albédo de la couche de neige (le réfléchissement des rayons du soleil). Celle-ci fond un peu plus rapidement qu’avec le seul soleil. C’est ainsi depuis la nuit des temps. Il n’y a rien de nouveau.
On observe aussi ces algues devenues rouges près des trous de fonte ou les cuvettes des névés de montagne. En Antarctique dès la fin de l’été austral, et en haute montagne, elles sont recouvertes par les nouvelles couches de neige, et leur reproduction est stoppée par le froid.
Le même processus est à l’oeuvre avec l’eau seule. C’est assez simple:
Le soleil, même bas sur l’horizon, fait fondre la surface des champs de neige. Cette fine couche d’eau de fonte est donc plus chaude que la neige en dessous. D’abord elle diminue l’albédo et absorbe donc plus de chaleur.
Ensuite cette chaleur se communique à la neige de dessous qui fond plus vite. La couche d’eau s’épaissit encore et chauffe de plus en plus. La neige fond ainsi de plus en plus vite. On parle de cercle vicieux. Le processus cesse dès le retour des gelées.
C’est cyclique. Il y a des années ou des séries d’années plus douces et d’autres plus froides. Le processus cesse à chaque fin d’été. Il revient l’été suivant, fort ou faible selon la température et/ou le volume de neige nouvellement tombée depuis l’été précédent.
Contrairement à ce qui se dit ce n’est pas vraiment un cercle vicieux puisqu’il cesse de lui-même quand des conditions majeures l’imposent (retour du froid en fin d’été).
S’il y a peu de nouvelle neige, et les emplacements rocheux à découvert le révèlent dans l’image 1, et avec de la douceur et du soleil, les algues sont très visibles.
S’il y a beaucoup de neige, un été austral froid et une couverture nuageuse fréquente, elles sont peu visibles. Et même si nous sommes actuellement dans une série d’années plus chaudes, cette algue cesse son activité dès le retour du froid.
Elle ne saurait avoir d’influence sur la fonte de ces régions de l’Antarctique que ponctuellement et seulement si les précipitations ne compensent pas la fonte. Ce qui varie également d’année en année.
Représentatives de la stratégie climatiste, les images diffusées sont destinées à faire peur. Les gros titres également. L’image 5 montre les effets de la vague de chaleur de février sur l’ile de Eagle Island. C’est en effet impressionnant.
Le titre qui accompagne l’est autant: « Des images satellites alarmantes révèle un événement extrême de fonte des glaces. »
Il faut attendre le cinquième paragraphe pour lire qu’il ne s’agit pas de l’Antarctique dans son ensemble mais de l’Eagle Island (lien 6). Une île de 44 millions de km2, 1/6e du territoire du canton de Genève. Elle est située presque à la pointe de la péninsule antarctique, proche de l’Amérique du sud. 20% de la neige de surface aurait fondu.
Au final cette annonce n’en n’est pas une. Il s’agit d’un processus connu, naturel, qui est la conséquence du redoux d’été et non la cause d’un réchauffement local.
La formule Sang des glaciers est peu utilisée. Sa connotation est plutôt aquatique. Neige de sang est une expression différente, parfaitement impropre mais très suggestive. Elle est destinée à accroître le niveau de stress des populations, par la peur et les accents shakespeariens que le seul mot de sang véhicule.
La communication sur le climat est aujourd’hui un domaine que peu de journalistes contrôlent et où l’abandon de l’esprit critique semble être une tendance irréversible.
1) https://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/712925
2) https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/00378941.1967.10838330
3) http://espace.inrs.ca/1540/1/T000152.pdf
4)https://core.ac.uk/download/pdf/20642573.pdf
Commentaires
"La communication sur le climat est aujourd’hui" etc...
Pas que le climat hommelibre, mais l'ensemble des domaines :-)
La Folie, que personne ou presque n'a vu venir s'installe à grands pas. Je sais que je ne vous convainc pas encore pleinement...Attendez encore quelques petites années et je suis persuadé que vous me donnerez raison.
J'avais dit il y a peu sur le regretté blog de Mme Favre (Voix) que nous étions à l'heure du thé...Nous arrivons gentiment à l'heure de l'apéro...:-)