Aujourd’hui je jette l’ancre – et l’encre – de ma rubrique du côté du Massif central. Précisément à 45 kilomètres à l’ouest du Puy-en-Velay, à Saugues, dans une campagne plutôt pauvre.
Saugues, à plus de 950 mètres d’altitude, est un bourg de 1’700 habitants. Les montagnes à l’entour ont abrité la tristement célèbre bête du Gévaudan (image 1, wikimedia, clic pour aqgrandir). Au XVIIe siècle, une confrérie spirituelle inspirée d’une tradition catholique y est fondée: la Confrérie des Pénitents blancs, une confrérie d'hommes qui se réunissent régulièrement dans la réflexion et la prière.
Dans la région on pratique l’élevage, en particulier les moutons pour la laine, et la culture céréalière.
« Au flanc des monts de la Margeride, en plein cœur de l’ancien Gévaudan, depuis plusieurs siècles, la cité de Saugues et son activité agricole ont une solide réputation. De la fin du XIXe jusqu’au milieu du XXe siècle, les terres sont consacrées soit aux labours pour la production de céréales, soit aux pâturages pour l’élevage ».
Mais la région s’est dépeuplée. Les agriculteurs avaient de plus en plus de difficulté à écouler leur production, les petits commerçants fermaient. Sur le dépeuplement:
« Bien sûr, il y eut les guerres qui prélevèrent leurs tributs dans la jeunesse. Mais c’est surtout après 1945 que cette inexorable hémorragie met nos campagnes à mal. Chez nous on quitte le pays pour s’embaucher chez Michelin, ou bien on fait les vendanges, les campagnes de sucre dans le Nord afin de soutenir une ferme familiale vivotante, et puis quand on a vu comment c’était ailleurs… Ce phénomène à un nom, c’est la « déprise ».
Jusqu’à ce que le pèlerinage de Compostelle retrouve des adeptes. Saugues est sur l’une des routes. C’est une halte après Le Puy-en-Velay.
Alors les agriculteurs se sont réorientés. Une trentaine d’entre eux se sont associés en Sarl pour d’abord faire revivre le gîte d’accueil du Sauvage, juste avant le fameux plateau de l’Aubrac.
Ces agriculteurs y servent leur production, sans intermédiaire. La qualité de leur service et la valorisation de la production locale, bio si possible, a rendu vie à cette étape du chemin. Dans la foulée des agriculteurs, les commerçants se sont adaptés à cette clientèle et vendent qui des impers totaux ultra-légers, qui de petites rations de biscuits. Qui s’est lancé dans la fabrication de yaourts du crû et en écoule 2’000 par semaine!
Grâce à ces femmes et ces hommes qui ont refusé un destin déclassé, grâce à leur adaptation et leur capacité à saisir et développer une opportunité, grâce aussi à leur adéquation entre leur attachement au local et une demande du public dans ce sens, Saugues et ses environs ont à nouveau un avenir.
Commentaires
Hola John,
J'aime énormément vos belles histoires.
Celle-ci montre que la flexibilité, la capacité d'adaptation sont récompensés...à la longue.
J'aime la ténacité aussi, et il en faut dans ces régions où tout semble perdu.
Bon lundi.
Hola Colette,
J'ai vu un reportage, ce sont des gens du pays, des gens simples, pas universitaires ni économistes, ni même écolos, mais ils ont su et voulu y faire. J'admire. Même dans des conditions plutôt ingrates, il est possible de créer de bonnes choses.
Bonne journée.
C'est l'univers des "Chemins noirs" de Sylvain Tesson.
J'ai traversé cette région en voiture, il y a une année.
De Marvejols à Puy-en Velay, puis de là par les petites routes jusqu'à Tournon-sur Rhône, où on reprend l'autoroute.
On s'est senti revenir au moins 50 ans en arrière. C'était un dimanche et on avait le plaisir de la conduite dans la solitude.
C'est très impressionnant de voir tout cet espace vide. Il n'y a même pas de ruines.
On se demande où les rares habitants font leurs courses. Ca doit être toute une organisation. Et le confinement à la française ne doit pas tellement chambouler leur quotidien ... On n'imagine pas que quelqu'un puisse exiger d'eux de ne pas se déplacer au-delà d'un kilomètre de chez eux ! ;-)))
Déjà qu'il ne peut pas y avoir un réseau de gendarmerie assez serré pour contrôler ce peu de monde.
Ils sont isolés, mais ont un espace incroyable à disposition.
Comme les paysans de montage, les habitants de ces régions ont décidé que c'était ça, leur vie.
Ils en ont les avantages et les inconvénients.
C'est autre chose qu'être écolo en ville, mais je ne pense pas que les deux choses soient en opposition. Ce sont simplement des contextes différents.
Les écolos de ville ne sont pas inutiles aux habitants des lieux reculés et les non-écolos ne sont pas forcément super soucieux des personnes vivant dans le pays des chemins noirs.
Thank you Free Man for this wonderful story. Looking forward to reading the next one!
A Genève, du côté de Vernier on m'a dit que rôdait la bête du Givaudan. A quand un billet sur le sujet?
Thank you Wyatt. It is a new chronicle, this text is the third. I will try to write may be twice a month.
I wish to speak also about good things, about the real life of people, in the dayly things, about people who are engaged in concrete actions for to make the life better, developping their own resources in a positive thinking, with their body and mind, and it works.
Sorrs, i'm not so good in english.
Calendula, j'ai visité aussi cette région en 2003, pendant la canicule. J'étais parti au hasard en voiture: Châlons, Le Puy, Volvic, puis descente vers le sud jusqu'à Toulouse. Je campais ou dormais dans la voiture. Je me suis rempli les yeux de paysages splendides, parfois désolés, parfois luxuriants.
C'est toute cette immensité, cet espace vide qui me fascine.
On se sent très petit, comme en Laponie, en pleine mer ou - je me l'imagine- dans le désert.
La haute montage nous remet aussi à notre place, par la verticalité, mais la région que j'ai traversée offrait un panorama horizontal assez vide, avec une vue qui portait loin.
C'est une expérience à faire.
En mer, il y a du mouvement, tout de même un peu d'excitation, alors que des étendues de terres horizontales presque désertes dégagent un grand calme.