Je termine cette série impromptue avec trois catastrophes qui ont marqué l’Histoire de la Provence. C’est un peu long mais nécessaire. Les inondations font régulièrement la une. Nous verrons que le réchauffement n’est pas déterminant.
En 2010 une une pluie diluvienne transforme la petite rivière la Nartuby (image 1, clic pour agrandir) en une lame d’eau digne d’un tsunami. Cette rivière n’avait jamais connu une telle furie, de mémoire humaine. Mais la mémoire humaine a ses limites.
Car presque deux siècles plus tôt, au même endroit, la même petite rivière causait un désastre quasiment identique le 6 juillet 1827. On trouve sur ce site la description faite par un anonyme de l’époque. Extrait.
« Tout à coup apparaît une masse effroyable d’eau traînant avec elle des charpentes, des meubles, des bestiaux ; cette eau, impétueuse enveloppe, enlève tout ce qu’elle rencontre ; les travailleurs ont à peine le temps de se sauver sur les hauteurs, quelques uns grimpent sur les arbres où ils restent jusqu’à la nuit : le torrent dévastateur sape et renverse les murs de clôture, arrache vignes et arbres fruitiers, et sème partout les débris des premières démolitions… »
Une étude montre que cette crue suit un cycle d’environ deux siècles. Une autre crue équivalente à 2010 et 1827 a eu lieu en novembre 1674:
« Avec des hauteurs d’eau de 4 à 6 m, la Nartuby sort de son lit en amont et au niveau de Draguignan, la hauteur d’eau dans les zones inondées pouvant atteindre 1,75 m. En amont de Draguignan, elle détruit le pont de la Granégone, change de lit et charrie des arbres déracinés et des blocs parfois énormes (200 quintaux environ). »
Trois épisodes extrêmes, quasiment identique en violence et en destruction, espacés d’environ 170 ans, et à des périodes différentes: on peut ici parler de furie météorologique naturelle sur laquelle la marque du réchauffement récent est invisible.
Un des arguments alarmistes est que le réchauffement doit produire des météores plus intenses et plus fréquents. Le problème ici est que les relevés météo datent en moyenne de seulement 120-140 ans. C’est court pour comparer deux périodes. De plus les relevés sont devenus plus précis, les appareils ont évolué.
Enfin le maillage des territoires par des stations s’est resserré depuis un siècle. Nous captons maintenant des zones qui ne l’étaient pas avant.
De plus aujourd’hui nous comptabilisons en cumul beaucoup plus de régions que par le passé. Des crues fortes mais pas historiques ne faisaient pas forcément la une, alors qu’aujourd’hui on guette le moindre débordement et l’on dramatise sa narration.
Même avec cela on ne peut dire que l’intensité a augmenté entre ces trois épisodes extrêmes. Or ce sont les extrêmes qui devraient nous relier au réchauffement.
Un autre argument alarmiste est que la répétition rapprochée des crues dans la même région, comme cette année, est un signes du réchauffement. Cependant la répétition ne peut être invoquée comme marqueur du réchauffement que si elle n’existait pas avant.
Or elle existait, et les grosses intempéries surviennent parfois par séries. De même qu’il y a des périodes chaudes et d’autres fraîches, il y en a de plus humides et d’autres plus sèches, d’autres plus ou moins venteuses. il y a là une mécanique auto-régulée faite de petits et de grands cycles imbriqués.
La répétition des crues n’est pas nouvelle. Par exemple en 1907, comme indiqué dans le précédent billet. Ou en 1862, comme rapporté dans ce document officiel du Département du Var:
« Automne 1862, quatre inondations surviennent en l’espace d’un mois : les 2, 25, 29 novembre et le 2 décembre. Déjà, la veille, des averses abondantes avaient fait grossir les eaux du Carami, sans toutefois qu’elles fussent sorties de leur lit ; mais dans la nuit, les nuages poussés par un vent violent du sud-est, versèrent une pluie diluvienne, accompagnée de coups de tonnerre, qui ne cessa de tomber qu’à 7 heures du matin [...] les eaux débordant de toutes parts dans les campagnes, coupant les digues, renversant les murs qui faisaient obstacles à leur passage, se versèrent aussi du côté de la ville […]».
On trouve également par le passé d’autres épisodes de crues à répétition.
L’argument de l’érosion des côtes et des paysages n’est pas recevable. Il y a d’abord une érosion normale, naturelle. Le jeu entre la mer et la terre se renouvelle constamment. Par exemple, extrait du site meteopassion.com sur l’incroyable année météo 1907:
« Un phare vient de s’écrouler dans la nuit du 20 au 21 mai à l’embouchure de la Gironde. (…) … la côte sur laquelle il s’élevait est l’une des plus changeantes de notre littoral. Cette côte semblait alors se fixer et même gagner sur la mer. Mais bientôt la mer s’avança de nouveau à l’assaut du rivage et recommença de le ronger. (…) On ne parlait pourtant pas encore de réchauffement climatique !!! Ni d’élévation du niveau des océans… ».
En 1907, en septembre, dans le Languedoc, un témoin raconte:
« Qu’un orage éclate dans les Cévennes ravinées et déboisées, où pas une goutte n’est égarée, et le ruisselet qui serpentait misérablement entre les fentes rocheuses s’enfle subitement ! (…) L’Hérault pénètre dans les maisons et les celliers, entraînant pêle-mêle chaises, bahuts, charrettes et tonneaux ! Ce qui a rendu terrible l’inondation des jours derniers, c’est que tout le bassin de l’Hérault, y compris ses affluents, a débordé, "est sorti" comme disent les gens du pays. Des ruisseaux, comme la Lève à Servian, ont effondré des murs, démoli des files entières de maisons, emmené du bétail et ravagé les vignes… ».
Ce site meteopassion est abondamment illustré et mérite le détour.
Un autre argument alarmiste est que les cumuls de pluie lors des épisodes extrêmes sont plus importants aujourd’hui que par le passé. Oui et non, Cela dépend où. Par exemple, lors des inondations d’octobre 1940, « Un épisode de pluie remarquable et inégalé à ce jour frappe le Roussillon ! Durant la seule journée du 17 octobre il tombe plus de 1000 mm du Canigou à la frontière espagnole. »
À noter que Météo France qualifie cette inondation, cet aiguat en occitan, de « fantastique ». Et précise:
« Il a été mesuré 840 mm de pluie le 17 octobre à l’usine électrique de la Llau. Cette valeur a été officialisée comme étant le record de pluie en 24 heures pour l’Europe. Or le pluviomètre a débordé à 4 reprises entre 12 h 00 et 19 h 30 ce jour-là, la valeur réelle semble donc encore bien supérieure à ce chiffre. La valeur de 1000 mm pour la journée du 17 mesurée à Saint-Laurent-de-Cerdans est certainement beaucoup plus proche des quantités de pluie réellement tombées ce jour là. »
Pour se faire une idée, on dit que 140 mm de pluie équivalent au contenu d’une baignoire déversée sur 1 m2!
Cela confirme que les épisodes du passé peuvent être plus intenses que ceux de ces dernières années. et que c’est la norme de la région, par son arérologie et sa topographie.
Un argument alarmiste affirme que l’explosion des coûts des catastrophes est une conséquence du réchauffement et de l’amplification des catastrophes. C’est inexact. L’image 3 extraite du même document du Département du Var montre que c’est l’urbanisation et la quantité de biens perdus qui explique l’importante augmentation des montants.
À titre d’information je mentionne encore ce relevé des crues de la Charente. L’image 6 montre un recensement des crues par décennies entre 1700 et 2014. On constate une augmentation entre 1860 et 1960, puis une baisse marquée. La période attribuée au réchauffement, depuis 1980, ne valide pas une augmentation des crues donc des épisodes extrêmes. Les auteurs du document précisent:
« La répartition décennale des crues de la Charente n’est pas homogène. Elle montre une augmentation du nombre d’événements dans le temps en liaison avec une augmentation des données disponibles et/ou accessibles. »
Ici ce n’est donc pas le réchauffement qui fait monter la courbe mais la quantité de données disponibles.
La dernière image illustre la situation météo lors des inondations dramatiques dans le Gard de 2002. L’article de Météo Languedoc précise:
« Une telle configuration météorologique est rarissime et ne se présente en moyenne une fois tous les 50 ans. Néanmoins, l’ensemble des régions méditerranéennes sont sujettes aux crues éclairs de façon régulière. »
Tous ces faits montrent que les arguments alarmistes, accusant le réchauffement (et donc la société) d’être générateur d’épisodes catastrophiques, rendant à terme la vie impossible, ces arguments que j’ai énoncé plus haut ne sont pas confirmés par les faits. Il peut y avoir une faible incidence ponctuelle sans qu’il s’agisse d’un phénomène aggravé et général.
Dans ce genre de phénomène et dans cette région du monde, le réchauffement n’est pas visiblement décisif. Peut-être l’est-il si peu qu’il faut se demander pourquoi, et lancer une étude à ce sujet. En tous les cas le réchauffement n’est pas l’Apocalypse.
Il n’y a pas lieu de le citer à chaque crue, fut-elle historique, à moins justement de faire ce travail de documentation sur le passé pour relativiser le discours irrationnel qui prévaut aujourd’hui. Il faut voir plus loin que le bout de son nez et que l’arrière de ses oreilles.
Ce qui est décisif par contre c’est l’aménagement du territoire et la prévention des risques, bien connus.
Commentaires
D'accord avec cette conclusion. Et merci pour ces infos qui ont demandé un effort de recherche.