En France, Ciel & Espace est une référence en astronomie. C’est un magazine scientifique de vulgarisation de qualité. Si l’on observe les courriers de lecteurs et les photos envoyées à la rédaction, il y a une franche majorité d’hommes. Pas parce que les femmes seraient exclues, mais parce qu’elle sont moins nombreuses à s’y intéresser.
La rédaction de C&E, par mimétisme avec des tendances culturelles actuelles ou sur l’injonction d’une obscure procureure féministe, a voulu faire mode et passer à l’écriture inklusive. Mal lui en a pris: elle a fait marche arrière suite à la fâcherie des lecteurs. Dont celui-ci, qui n’a pas échappée à mon correspondant breton Henri L’Helgoualc’h. Il a pris sa plume et envoyé ceci à la rédaction:
« … vous répondez à un lecteur qui remarque que, dans votre revue, « depuis quelque temps, il arrive que l’on tombe sur de l’écriture inclusive (par exemple candidat.es). Ça pique les yeux ! Je préférerais un français correct... », dit-il. Vous lui répondez : « Ce point est la manière la plus simple* pour signifier que ce recrutement d’astronautes concernait des hommes et des femmes. Nous n’en faisons pas un usage excessif, mais il nous permet d’alléger le texte. Quand cela fait sens, vous rencontrerez donc parfois dans nos colonnes des astrophysicien.nes, car dans notre domaine bien des chercheurs sont des chercheuses.
C’est sans doute la raison pour laquelle vous utilisez encore cette méthode (p 125) où, dans le stage 2ème étoile, vous proposez un hébergement possible « avec conjoint.e stagiaire ou non. Prix en pension complète : 340 €, réduction de 10 % pour les adhérents de l’AFA » Il faudrait donc comprendre que l’Association Française d’Astronomie (AFA) n’a aucune adhérente puisque vous n’avez pas ajouté .e à ce mot. De la même façon, quand vous dites (p 124) que l’AFA invite « nos concitoyens à observer le ciel d’hiver… en compagnie des animateurs de clubs volontaires », vous ne vous adressez qu’aux hommes en indiquant que les clubs d’astronomie n’ont aucune animatrice.
Si vous nous recommandez (p 128) « l’Atlas virtuel de la lune [qui] s’adresse aux observateurs du ciel », vous excluez les observatrices. Lorsque vous rendez compte des rencontres de Carcans, consacrées à la photographie nocturne, en écrivant (p 122) : « Une cinquantaine de débutants ou confirmés… Les participants ont débordé de créativité… Les lauréats du concours 2020 sont... », il faut savoir qu’aucune participante, débutante ou confirmée n’était invitée. Ce qui est étonnant car vous citez quand même trois lauréates dans le palmarès.
En prenant ces quelques exemples, on voit que l’importance que vous accordez à l’écriture inclusive est à géométrie variable. La visibilité des femmes en astronomie, vous la jugez tantôt nécessaire, tantôt inutile, mais sur quels critères ? Pourquoi féminiser conjoint mais pas le reste ?
Peut-être faudrait-il revenir aux fondamentaux en se souvenant qu’à l’école primaire, on nous expliquait déjà avoir choisi mot masculin pour représenter tout le monde car c’est la forme la plus courte de l’écriture. Ce qui n’est pas le cas d’astrophysicien.nes qui cumule la complexité et l’absence du s qui est aussi la marque du pluriel au masculin. Il faudrait alors écrire astrophysicien.ne.s pour l’accorder aux deux genres. Une sémantique en lambeaux n’a jamais amélioré le sens de la phrase. D’ailleurs vous intitulez la page réservée aux lecteurs : « Écrivez-nous », au lieu de Courrier des lect.eurs.rices, ce qui, vous l’avouerez, est indéchiffrable à l’écrit et imprononçable à l’oral.
Non seulement cette écriture inclusive n’allège rien du tout mais elle n’a aucune légitimité. Vous n’êtes pas sans savoir que l’Académie française (gardienne de la langue) la refuse, ainsi que le gouvernement dans les textes administratifs. Pourquoi ? Tout simplement parce que le mot au masculin n’est pas ici utilisé comme un terme sexué mais générique. Même un enfant est capable de comprendre que, dans l’expression que vous employez (p 6), vous vous adressez à vos lecteurs comme à vos lectrices : « Découvrez la boutique. Pour les passionnés de l’espace ». Je m’étonne donc qu’une revue aussi sérieuse que Ciel et espace en vienne à utiliser un tel graphisme. »
Philippe Henarejos, rédacteur en chef de Ciel & Espace, lui a répondu:
« J’en profite pour vous répondre également sur l’écriture inclusive. Cette pratique a posé question à de nombreux médias et Ciel & Espace n’y a pas échappé. Nous en avons fait usage, pensant qu’il y avait probablement une évolution sociétale à prendre en compte, mais sans règle nettement définie. Cela va vous plaire : cela nous a été reproché. Et ce qui va vous plaire davantage encore, c’est que nous y avons renoncé en l’absence de règle nette et code typo facile à lire.
Notre souci reste la lisibilité des articles. En revanche, il y a une manière sans doute plus élégante d’inclure davantage la moitié de l’humanité*** dans certains propos, c’est de préférer des termes plus globaux. Par exemple, "envoyer des humains sur la Lune" plutôt que "envoyer des hommes sur la Lune". J’espère que cela ne vous heurte pas car c’est le sens que je souhaite prendre dorénavant. »
À quoi Henri répond à son tour:
« A propos de l’écriture inclusive, qui a déjà fait l’objet d’un courrier de ma part (24/12/2020), j’ai en effet remarqué votre marche-arrière, ce que j’approuve totalement. Par contre, je ne comprends toujours pas cette volonté d’inclure davantage la moitié de l’humanité***. C’est déjà le cas dans la langue française depuis qu’elle existe. Comme moi, vous avez appris que le masculin, utilisé comme terme générique afin de simplifier l’écriture et éviter les répétitions, n’est pas genré.
D’ailleurs le contexte permet facilement de comprendre que ce mot désigne bien les deux sexes, ce que les générations précédentes ont toujours su. Quand on dit : On a sauvé les habitants du village inondé par la crue, on sait qu’on n’a pas laissé les femmes dans l’eau. Quand on écrit : Le gouvernement demande aux soignants de se faire vacciner, on comprend que les infirmières aussi sont concernées. Il est donc inutile d’utiliser habitant.e.s ou soignant.e.s, illisibles à l’écrit comme à l’oral.
Notre façon habituelle de rédiger un texte est donc tout à fait compatible avec la visibilité féminine. Vous dites aussi préférer des termes plus globaux comme humains à la place de hommes, pourquoi-pas. Mais j’entends déjà les féministes protester en exigeant un nouveau substantif : humaines par exemple. Sans compter que les mots désignant les deux genres ne sont pas légion. Irez-vous jusqu’à alourdir votre style, avec femmes et hommes, celles et ceux, Françaises Français, etc, que nos élus démagos utilisent à l’envi ?
Question lisibilité, croyez-moi, il n’y a pas mieux que notre traditionnelle langue maternelle (et non paternelle mais aucun hoministe ne s’en plaint !) qui a fait ses preuves. Pourquoi ajouter des couches au dictionnaire quand on sait déjà qu’une vigie de l’armée peut être un homme et un chef d’entreprise, une femme. N’est-ce pas suffisant pour refuser le diktat féministe de l’écriture inclusive ? Moralité : science et idéologie ne font pas bon ménage. »
J’ai appris il y a quelques jours par une amie allemande qu’une télé d’outre Rhin ajoute systématiquement *innen, après une petite pause vocale, pour féminiser. Ce qui est incohérent à l’audition. Mais la bêtise n’a pas de limites.
Ciel & Espace a heureusement fait marche arrière. La bâtardise de l’écriture dite inclusive n’y est plus. Un magazine que les progressistes n’auront pas.
Commentaires
Une bonne nouvelle, en effet.
Avec mes félicitations pour votre article et à Ciel et Espace, auquel je suis abonné depuis des décennies.
Fan d'astronomie j'ai toujours apprécié cette revue. Je suis ravi d'apprendre que vous aussi.
Un bon coup de pied au cul à l'écriture inclusive! C'est une de mes revues préférées et j'en suis bien heureux, car sinon je l'aurais boycottée.
Excellent et merci pour la pause fou-rire !
J'ai tenté de prendre en sténo l'écriture inclusive et ça ne marche pas par ce que la phonétique est impossible à suivre dont cet exemple " les lect.eurs.rices " à l'écoute cela donne un cafouillage monumental !
Bien content, moi aussi, de voir que cette écriture inclusive est loin de faire l'unanimité. Précisons que ces réactions ne sont pas dirigées contre la gent féminine mais pour la défense d'une langue qui a traversé des siècles et fait la preuve de son utilité et de sa richesse. Non, les femmes ne sont pas brimées par un langage qui voudrait les ignorer. De nouveaux mots, en particulier des noms de métiers peuvent se féminiser sans problème, mais de grâce, arrêtons de déconstruire au nom d'une idéologie dite "progressiste".