Emmanuel Macron continue à servir de porte-voix pour Vladimir Poutine. Au fond c’est plutôt bien: parler, faire parler, plutôt que d’enfermer le président russe dans le silence.
Même si Macron a joué l’étouffement: entre la pandémie et la guerre, la vraie compagne présidentielle contradictoire est reléguée en arrière-plan.
Sur le contenu les propos de Poutine sont clairs, et on le sait déterminé. Qu’a-t-il dit en bref?
Qu’il atteindra ses objectifs « … soit par la négociation, soit par la guerre ». On remarque que malgré la fureur des armes sur le terrain une ouverture politique reste envisagée.
Ses objectifs? Dénazifier et neutraliser l’Ukraine. Il veut un no man’s land à ses frontières, et pas d’Otan trop proche. Ce n’est pas exceptionnel, toutes les grandes puissances aiment avoir une zone sécurisée autour de leur territoire.
Dans son récent billet Bruno Hubacher en dit plus sur la présence de groupes nazis dans l’armée et le pouvoir ukrainien. On se souvient que le coup d’État du Maidan était fortement alimenté par de tels groupes.
En suivant un des liens qu’il propose j’ai trouvé cet Institut Iliade pour la longue mémoire humaine. En présentation il est écrit: « L’Institut ILIADE refuse le grand remplacement et appelle à la défense de notre civilisation. Quand l’esprit se souvient, le peuple se maintient ! »
C’est un des chapitres du discours de la droite souverainiste.
Sur quelques pages on peut lire différents articles sur Ernst Jünger, écrivain allemand considéré comme un soutien du régime nazi. C’est autour de sa mémoire que se cristallise aujourd’hui, selon l’article de M. Hubacher, la mouvance néo-nazie en Ukraine.
L’accusation de Poutine sur la présence de nazis structurés est-elle donc envisageable? Il semblerait. Certes l’Ukraine ne donne pas l’image de l’Allemagne sous le 3eme Reich dans les années 1930, mais Hitler a lui aussi commencé petit avant de former des milices puissantes. Cela dit les temps sont différents.
Je n’ai pas de moyen d’évaluer le degré d’influence et de puissance de cette mouvance, ni d’évaluer la capacité ou la volonté de la nation ukrainienne à y résister ou à y adhérer. Je ne sais quelle est la part de la propagande et de la réalité dans ce genre d’info.
Au nom de la souveraineté nationale (qui n’est définitivement pas une idée d’être-droite ou d’une mouvance fasciste) l’éventualité de neutraliser l’Ukraine est choquante. Cela ressemble à une intention que je qualifierais de féodale. Aujourd’hui les relations entre États devraient être abordées dans le sens de la souveraineté nationale. C’est d’ailleurs le discours des européens sur l’Ukraine: Il faut respecter sa souveraineté.
La neutralisation d’un état est décidée par d’autres États. Il s’agit en général de valider la zone d’influence d’une super-puissance.
Cela tient bien sûr des pratiques de l’Ancien monde, le féodal-like, dans lequel la domination était considérée comme presque normale, alors que le nouveau paradigme de la souveraineté nationale devrait avoir changé les règles de comportements internationaux et délégitimé la violence armée entre États.
Ce n’est pas si simple de passer de l’ancien au nouveau. Les comportements du passé sont gravés dans la mémoire collective. Vladimir Poutine se moule d’ailleurs dans la mémoire russe pour susciter l’adhésion.
Je vois combien il est aujourd’hui haï, mais je ne le crois pas fou. Autocrate probablement, tsar moderne oui, impérialiste oui, très fâché du comportement des occidentaux, oui. Mais fou, je ne le crois pas.
D’ailleurs on peut trouver du sens à la présidence de Poutine sans pour autant accepter l’ensemble de sa politique. Faire la part des choses, une grande difficulté quand l’émotion s’en mêle.
Répondre positivement aux demandes de Vladimir Poutine serait-il un gage de paix à long terme? Je ne suis pas devin, je n’en sais rien. Neutraliser l’Ukraine est contraire aux aspirations d’une majorité d’ukrainiens semble-t-il. Mais la géopolitique, impitoyable, pourrait prendre le relais du tsunami de condamnations.
Pour beaucoup ce serait une capitulation devant le « diable », devant une dictature et cela rappellerait Munich. Et en muselant l’opposition et toute critique Poutine leur donne du grain à moudre. Ce faisant il affaiblit les arguments qui permettraient d’expliquer sa ligne politique. Car il y en a, forcément, même si l’on peut être en désaccord profond avec cette ligne.
Je regrette ce qui se passe, pour l’Ukraine, pour la Russie, pour l’Europe. On a beaucoup dit sur Poutine mais aussi sur la déloyauté des occidentaux. Je n’y reviens pas. Ce soir je me demande s’il faut aller vers la neutralisation de l’Ukraine, et ce que cela impliquerait pour les valeurs affichées de l’Occident.
Ce serait admettre que le rapport de force demeure une posture majeure dans les relations mondiales. Ce serait comme une capitulation, une blessure narcissique pour nous occidentaux, chutant du piédestal de l’universalisme dans l’abime des négociations d’épiciers, la peur au ventre.
Si Poutine entretient le culte des fantômes d’une certaine Russie, nous avons nos propres fantômes. Bonaparte était quand-même allé jusqu’à Moscou alors qu’on ne lui avait rien demandé. Jusqu’où faire remonter les germes de la situation actuelle?
Je l’ignore, et je crains qu’il n’y ait ici une boîte de Pandore. De combien d’États faudra-t-il revoir soit les frontières, soit la zone d’appartenance? Et que restera-t-il de la souveraineté? À quelle date devrions-nous arrêter les compteurs de l’Histoire et prendre pour base désormais intouchable ce qui est là, maintenant?
Mais il faut vivre. Alors le compromis, voire la soumission temporaire au plus fort, sera la solution pragmatique. Enfin peut-être. La guerre n’est jamais belle, ni propre, ni humaine. Aucune armée ne fait dans la sensiblerie. Aucune armée ne fait de cadeau.
Alors quand les forces sont si inégales, quand l’Otan déclare forfait, n’est-il pas raisonnable d’envisager une solution, même humiliante en apparence, pour réduire les destructions et les souffrances?
Bien sûr la souffrance ne serait que déplacée, des corps vers la souffrance morale de la défaite. Et l’on ne sait jamais ce qu’une défaite vécue comme humiliante peut produire par la suite – remember Hitler.
L’idée d’une neutralisation de l’Ukraine est choquante pour nos populations au bénéfice d’un haut degré de liberté. Serait-elle totalement absconse et totalement contraire à l’Histoire? Je pose la question.
Et d’un autre côté si une telle solution de neutralisation de l’Ukraine et de satisfaction des exigences russes pouvait assurer par exemple mille ans de paix en Europe (il est encore permis de rêver), pourrions-nous moralement la refuser? Mais quelles garanties aurions-nous que cette limite serait respectée?
C’est évidemment facile de philosopher au chaud chez soi sur le sort des autres. Les images de la guerre sont toujours irréelles, car nous ne sommes pas en danger, notre corps ne ressent rien.
Les personnes à l’écran ne nous touchent que par l’effet de nos propres projections. Nous ne pouvons pas ressentir ce que nous ressentirions à un mètre d’elles, dans le même air, dans le même bruit, dans la même fureur et la même terreur.
Le romantisme des brigades internationales en partance pour l'Ukraine, répliques de celles qui allèrent soutenir les républicains espagnols en 1936, ne masque pas l’impuissance programmée de leur mission.
Poutine ne s’arrêtera pas avant d’avoir atteint ses objectifs dont le majeur: que l’Otan reste à distance raisonnable. Il l’a dit, il le fera. Par la guerre ou par la négociation.
Dès lors que faire qui reste dans le domaine – je ne dirais pas des intérêts supérieurs de l’Europe, mais au moins du raisonnable? Ne serait-ce pas un précédent désastreux que de plier sous la menace et la guerre?
Peut-être, d’un certain point de vue, mais si cela se produisait, qu’en dirait-t-on: serait-ce lâcheté ou sagesse?
Commentaires
"L’accusation de Poutine sur la présence de nazis structurés est-elle donc envisageable? Il semblerait."
Est-ce une raison d'envahir le pays?
On retrouve dans plusieurs blogs l'argument de la dénazification du pays, avec preuves à l'appui.
Étrange n'est-ce pas?
Des ukrainiens adhèrent aux idées de groupe néo-nazi, c'est triste, mais en démocratie ils ont le droit.
Un autre contre-argument : le président a été élu démocratiquement, Poutine peut-il en dire autant?
L'explication donnée par la Russie est un peu simpliste : elle a des
relents de 1933 en Allemagne alors que Hitler vient de prendre le pouvoir !
La religion ne doit pas être une excuse sinon on revient aux guerres de religion dont celles de la chasse aux Protestants en terre de France dans les années dans les années 1500 !
L'Ukraine a le droit de vivre comme tout autre pays comme la Russie le fait actuellement, liberté pas au top !
La Russie a aussi des opposants et aussi des Nazis sans doute, Il y en a en Suisse également : ils sont discrètement surveillés ! J'en ai croisé à l'extrême est de notre pays, des hommes ordinaires vêtus de noir de la tête aux pieds !
Étrange, Poutine veut dénazifier l’Ukraine, alors que son président Zelensky est d’origine juive…
Il y a certes, comme dans nombre de pays démocratiques, quelques groupes ukrainiens de tendance nazie.
« Mais faut-il, pour autant, envahir un pays de 44 millions d’habitants pour se débarrasser de quelques milliers de nazis ? »
Lire à ce sujet l’intéressant et très complet article du conservateur Jean-Patrick Grumberg sur Dreuz.info, intitulé : « Poutine ferait bien de s’occuper de l’énorme problème des néo-nazis russes plutôt que ceux d’Ukraine »
Et M. Grumberg promet un prochain article sur les nazis ukrainiens.
https://www.dreuz.info/2022/03/poutine-ferait-bien-de-soccuper-de-lenorme-probleme-des-neo-nazis-russes-plutot-que-ceux-dukraine-260696.html
"Étrange, Poutine veut dénazifier l’Ukraine, alors que son président Zelensky est d’origine juive…"
Et pourtant ...
Voilà pour ceux qui en douteraient encore ou plutôt préferent ignorer les faits:
https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9giment_Azov
et aussi:
https://www.theguardian.com/world/2014/sep/10/azov-far-right-fighters-ukraine-neo-nazis
et le principal financement vient de ce personnage:
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ihor_Kolomo%C3%AFsky
Et voilà un autre billet pour ajouter au débat:
http://stephanemontabert.blog.24heures.ch/archive/2022/02/27/de-la-guerre-en-ukraine.html
Homme Libre vous devriez apprécier ces quelques vérités générales qui font mal au narratif mondialiste et qui nous montrent à quel point on nous manipule tous:
https://odysee.com/@Roms17:d/Candace-Owens-balance-quelques-bombes-de-v%C3%A9rit%C3%A9:1
@hommelibre,
Vous écrivez :
"Les comportements du passé sont gravés dans la mémoire collective. Vladimir Poutine se moule d’ailleurs dans la mémoire russe pour susciter l’adhésion. "
Effectivement, on a pu lire les textes récents de V. Poutine au sujet de l'Histoire de la Russie.
Mais il a aussi interdit l'organisation "Mémorial" , comme si il fallait bien choisir la mémoire à effacer et celle à sauvegarder.
Il y a bien sûr une différence entre la mémoire russe et la mémoire soviétique, mais est-il intellectuellement honnête d'effacer la période soviétique, surtout lorsqu'il s'agit des pays ex-satellites !
Nous ne sommes peu nombreux à être experts en histoire de l'Europe de l'Est et c'est pourquoi nous devons être très attentifs aux analyses et affirmations que l'on nous sert.
Les cartes que vous avez montrées dans le billet du 1er mars dernier sont parlantes.
On comprend bien des choses après coup et voilà qu'il faudrait prendre des décisions au moment présent.
Certains croient comprendre qu'ayant toléré la Tchétchénie, la Géorgie, la Crimée, la Syrie, les Occidentaux ont donné un feu vert tacite à V. Poutine. Il aurait compris qu'on est faibles et attachés à notre confort mou qui repose entre autres sur le pétrole et le gaz..
Poutine n'arrêtra pas avant d'avoir atteint ses objectifs ? Est-ce que ça signifie qu'il faut lui donner ce qu'il veut ?
Admettons que l'Ukraine décide souverainement d'être démilitarisée et neutre, après avoir été détruite aux deux tiers.
Il faudra ensuite accepter un gouvernement qui ne cherchera pas à s'associer à l'UE ( souvenons-nous que c'est à l'origine des événements de Maïdan) , car c'est une ligne rouge pour V. Poutine.
Que faire de ce peuple qui ne veut pas se soumettre et qui résiste solidement ?
Va-t-il se soumettre aux diktats venant de l'extérieur ?
On peut en douter et même si on se retrouve face à une guerre à l'ancienne, on peut tout de même espérer qu'il n'y aura pas de camps de rééducation ou de travail forcé.
Tous ceux qui érigent " le peuple" en référence ultime auront un peu de peine à nous expliquer pourquoi dans ce cas l'envahisseur extérieur est le plus légitime.
A mon avis, tout est possible et envisageable, mais il faut rester cohérent : si on érige la souveraineté en vertu cardinale, on ne peut pas négocier celle d'un pays tiers.
On a peut-être une idée des objectifs actuels de V. Poutine, mais en suivant sa logique, on sait déjà que l'Ukraine ne suffit pas. Ca a même été dit : l'Otan doit partir des pays aux frontières de la Russie et même mieux : se dissoudre.
Il faudrait être un pacifiste très idéaliste pour penser que cela garantirait la paix et la prospérité en Europe. A qui peut-on faire confiance ?
En ce moment, l'ambiance est favorable à une armée européenne, mais quand il faudra la créer réellement, on assistera à un crêpage de chignons magistral. Les divisions sont garanties d'avance.
A cause de la souveraineté nationale.
Et, pendant ce temps, on meurt côté ukrainien et côté russe. Mais l'émotion n'est pas bonne conseillère. Alors comment arrêter cette guerre, dévastatrice comme toutes les guerres ? Sans doute est-il trop tard pour donner des garanties à Poutine, par exemple en supprimant l'Otan comme on a dissout le Pacte de Varsovie. Personnellement, je n'en sais rien...