Suite à mon précédent billet sur la campagne d’Extinction Rébellion (XR), je précise ici un point: le risque d’inondation du quartier de la Jonction par l’Arve.
Pour les non-genevois la Jonction est le quartier où l’Arve se jette dans le Rhône (image 1 source site ville de Genève, clic pour agrandir). Ce quartier a été maintes fois inondé, il y a très longtemps, comme le relate le site de la bibliothèque municipale de la ville de Genève.
Mentionnant le livre d’Emmanuel Garnier, chercheur au CNRS, historien du climat: Genève face à la catastrophe, 1350-1950 : un retour d'expérience pour une meilleure résilience urbaine, l’institution genevoise relaie un article de la Tribune de Genève.
Jusqu’au XIXe siècle les inondations graves se succéderont. Par exemple:
« En 1733, l’Arve déborde deux fois, en septembre et en décembre. Les gens se déplacent en barque entre le Mail et la Coulouvrenière. Plusieurs maisons sont emportées par les eaux (voir illustration ci-dessus). Le pont reliant Carouge est à nouveau détruit et le village doit être ravitaillé par bac. Il faudra attendre les importants travaux d’aménagement des rives entrepris au XIXe siècle pour que les dégâts causés par l’Arve soient considérablement réduits. »
Réduits, mais pas totalement écartés, comme le rappelle la crue majeure, centennale, de 2015. L’Arve jetait tellement d’eau dans le Rhône que celui-ci s’est arrêté de couler et est remonté vers le lac. Un autre article écrit par deux spécialistes de l’Université de Genève on peut lire:
« Le changement climatique actuel à « bon dos ». En effet, tout événement météorologique qui sort même légèrement de la norme lui est facilement attribué. Or, par définition, la science du temps présente des aléas, et des fluctuations, et sont normales dans certaines limites.
Dans notre cas on constate que ce phénomène d’inversion du cours du Rhône s’est produit déjà à bien des reprises dans le passé : cinq fois durant le dernier demi millénaire si on en croît de Saussure.
Or, il faut se souvenir de cette époque, nous nous situant en plein petite tache glacière. C'est l’époque de la dernière crue généralisée des glaciers dans l’arc alpin et il n’y avait donc pas de réchauffement du climat à cette époque.
L’analyse des crues historique du Rhône en Arles montre quant à elle une claire augmentation de la fréquence durant le petit âge glaciaire et une diminution graduelle au XXe siècle. »
Le rehaussement des berges de l’Arve a été décisif pour faire reculer cette menace d’inondation de la Jonction (image 4 gravure ancienne). Le risque n’est toutefois pas entièrement écarté, comme le montre l’image 2 (clic pour agrandir) du SITG. En ville de Genève le Rhône est le plus dangereux.
Et si Genève n’est pas inondée régulièrement c’est grâce au nettoyage périodique du lit du Rhône, où des mètres de limon s’entassent année après année.
On le voit les grandes crues de l’Arve sont anciennes. Elles sont documentées depuis plusieurs siècles. Pour les 120 dernières années, la figure 3 montre les plus grandes de ces crues, y compris la crue centennale de 2015. Les relevés des débits de l’Arve, à part 2015, ne montrent pas d’augmentation réellement significative. Curieusement la période chaude 1930-1950 connaît des débits globalement moins élevés que la période plus fraîche 1950-1970.
Faut-il rehausser à nouveau les berges, pour une crue centennale? Je laisse le soin aux politiques d’en décider. Mais ce n’est pas un scoop de parler d’inondations dans le quartier de la Jonction. Sur ce point au moins la campagne de XR dont je parlais précédemment enfonce une porte ouverte. Avant que les berges ne soient aménagées c’était même une partie de Plainpalais qui était sous l’eau, jusqu’à la Place de Neuve.
Enfin, j’ai traité récemment de la vague de chaleur de mai 1953, comparable à celle de 2022. Autre vague précoce: en avril 1968 une vague de chaleur a touché une bonne partie de l’Europe entre le 20 et le 29 avril. Le 20 il faisait 27.8°à Paris, 28.9° à Bruxelles. Le lendemain 21 avril on atteint 30.2° à Karlsruhe, 30.1° à Mannheim et 29.5° à Bâle. Cela sans réchauffement significatif.
Le 22 avril on relevait 31.9° à Magdebourg au nord-est de l’Allemagne, et 30.7° à Postdam.
Quelques semaines plus tard il faisait 37.8° à Bordeaux. L’image finale montre que ce que j’appelle l’autoroute espagnole de la chaleur était déjà très active il y a 50 ans.
En février 1957 un coup de chaleur fait monter le mercure à 20° à Auxerre. Suit un coup de vent à 163 km/h à Vichy. Le 7 mai Romme reçoit 20 cm de grêle.
Extrêmes, extrêmes! Et encore:
En juin un retour d’est, des pluies torrentielles et la fonte des neiges produisent des inondations catastrophiques en Savoie, dans le Var et en Hautes-Alpes. Dans le Queyras la désolation fait penser à celle, récente, de la vallée de la Vésubie en octobre 2020 (image 5 Queyras Météo-Paris).
La dernière décennie fut riche en catastrophes dans le sud de la France, mais comme dit dans Wikipedia:
« La fréquence inhabituelle de ces évènements ne doit pas laisser croire qu'il s’agirait de phénomènes nouveaux. Beaucoup des inondations du passé ont également été meurtrières, alors que le département était beaucoup moins peuplé et urbanisé qu’aujourd'hui. Mais ces inondations ont été occultées par la mémoire collective, dans un département surtout préoccupé par son développement économique, urbain, touristique, au détriment de la sécurité publique, comme le soulignent les expertises produites à la suite de ces catastrophes. »
Ainsi va la météo
"Autoroute" espagnole de la chaleur, 1er juillet 1968: