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L’appropriation culturelle est-elle un pillage ?

Alors que d’autres concerts ont été récemment annulés pour raison « d’appropriation culturelle », le Matin Dimanche publie une interview d’un sociologue, Henri-Michel Yéré, sur ce thème polémique.

 

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L’appropriation culturelle en tant que spoliation est un combat identitaire et diviseur.

Identitaire car il revendique que certains éléments culturels sont issus et appartiennent en premier lieu à certaines populations. Ce faisant il participe au retour en puissance des particularismes géographiques, raciaux, artistiques, etc. Ceux qui défendent les cultures européennes ne peuvent que s’en réjouir.

Diviseur puisqu’il veut réserver le port et/ou l’expression de ces formes exclusivement aux populations propriétaires et l’interdire aux autres. On sent déjà poindre un stéréotype et ses raisonnements simplistes.

On peut cependant considérer que l’appropriation est normale, et que la culture ne doit pas permettre la création de nouveaux apartheids. Dans les faits les mélanges et échanges culturels ont toujours eu lieu et continuent d’être pratiqués. Ce n’est pas univoque.

Le port du costume-cravate par un africain est-il déjà une appropriation culturelle? Ou Nina Simone chantant Jacques Brel? Non, pas pour moi, pas plus que Claude Nougaro reprenant des rythmes et thèmes brésiliens par amour de la musique. Ni que les punks et autres célébrités ou inconnus arborant fièrement leurs cheveux en crêtes d’Iroquois.

 

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On a fait jouer des rôles de blancs par des noirs. On a plus l’habitude de l’inverse, comme quand Depardieu joue Alexandre Dumas, pourtant d’origine antillaise. On a vu le rôle d’Anne Boleyn joué par une actrice noire, contre toute cohérence historique.

L’appropriation culturelle existe partout où des personnes utilisent un élément technique, artistique, vestimentaire, extérieur à leur culture, et supposé leur apporter une amélioration des conditions de vie ou une satisfaction. Nous nous approprions la pizza quand des asiatiques préparent une raclette à la chinoise, dégustons des sushis, savourons le couscous marocain, portons des paréos et des créoles, écoutons des concerts de musiciens blacks habillés en jeans et grattant des guitares américaines ou des claviers technos.

La mode contribue à l’appropriation culturelle depuis des décennies. 

Mais il semble que seule celle pratiquée par des blancs avec des éléments de cultures différentes pose problème. Pourquoi? Parce qu’il y a un biais de départ, assumé ouvertement, dans la définition même de l’appropriation culturelle. Une culture dite dominante (donc la blanche) ne peut en être victime:

« C’est une situation dans laquelle un élément qui provient d’une culture en particulier est mis en avant par des individus d’un autre groupe. Les tensions surgissent quand la personne qui met cette aspect en œuvre appartient à une culture majoritaire et dominante, tandis que l’élément culturel mis en œuvre provient d’un espace culturel minoritaire et dominé. »

 

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Ces propos et cette catégorisation cultivent une forme de rente victimaire. À quand un certificat de bonne conformité morale pour être autorisé à chanter par exemple du reggae blanc? Le sociologue laisse entendre que les musiciens blancs devraient subordonner leurs prestations à une réflexion politique préalable. Pourtant le reggae contient son origine et quiconque le chante la transmet.

Personnellement je pense qu’au théâtre on doit pouvoir jouer tous les rôles. Des hommes tiennent des rôles de femmes, et inversement. Pas de problème, c’est le théâtre.

Mais quand monsieur Yéré déclare, à propos de critiques exprimées par des jeunes UDC dénonçant du racisme anti-blanc:

« Le racisme anti blanc n’existe pas. Le racisme anti blanc est une invention de l’extrême droite pour essayer de se poser en victime. »

il s’approprie le verrou intellectuel qui rend le débat impraticable: extrême-droite! C’est une forme de détournement, de censure qui ne dit pas son nom, en plus d’être une réplique presque pavlovienne. Je ne suis certainement pas d’extrême-droite, mais j’estime que le sujet vaut une vraie discussion.

Je pense qu’aujourd’hui le racisme anti-blanc existe, est théorisé et validé moralement, et devient très prisé dans certains milieux radicaux.

 

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Plus loin il déclare encore que l'appropriation culturelle relève d'une certaine manière un pillage. Comme le fait de piller l’obélisque! Monsieur Yéré mélange tout, peut-être par excès de communautarisme. Dans son idée un artiste français de souche et blanc qui sculpterait une obélisque sur un modèle égyptien serait-il un pillard culturel?

Je soupçonne un déni de l’Histoire, alors que les échanges culturels, techniques, agricoles, spirituels, ont existé de tous temps. L’idéologie soutenue par monsieur Yéré conduit à l’isolement culturel (car même chanter pour d’autres populations est dangereux: elles pourraient reprendre nos mélodies). Chacun chez soi, dans son clan, et le monde intersectionnel sera parfait.

Cette ethnicisation de la culture et sa mise en réserve au profit de certaines populations autorisées seulement est un discours raciste. Il fige et maintient les groupes humains dans un mélange de ressentiment-culpabilité, mélange dont le bénéfice n’apparaît clairement nulle part et dont seule une nouvelle domination semble pouvoir sortir.

Monsieur Yéré nuance cependant. Le mal est éventuellement l’intention mise dans cette appropriation: solidarité? Respect? Moquerie?

Mais non. Solidarité, critique, moquerie, chacun a ses motivations, ce n’est pas à lui de dire comment ici nous devons chanter. 

 

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Lui-même ne se prive pas de critiquer la whiteness, la blanchité:

« On en arrive à la question du privilège, au fait de ne pas se demander au préalable si une action peut être un problème. C’est un des attributs de ce qu’on appelle en anglais la « whitness » et qui trouve son origine dans l'histoire de l’impérialisme de ses 500 dernières années. »

Il précise à propos de blanchité (que certains n’hésitent pas à qualifier de toxique):

« C’est l'idée selon laquelle le monde nous appartient et qu’on peut prendre ce qu’on veut pour soi. »

Et cela serait typiquement « blanc »? Je crois pour ma part que la domination est bien plus partagée que cette relecture de la lutte des classes qui devient lutte des races, et que les relations sont plus complexes que réductibles à un stéréotype dominant-dominé. 

Elle est ancienne, depuis bien plus de 500 ans. Les romains ne se sont-ils pas approprié la religion chrétienne? Certains parleront d’adoption ou d’adhésion, cela ne change rien. Finalement c’est le « spolié » qui a gagné.

J’hésite. Cette thématique mérite-t-elle une réflexion profonde ou est-ce une fausse route séparatiste et un effet de mode, une quête collective de réhabilitation, une rédemption dans une période d’exclusion (sociale, politique, géopolitique, etc) de plus en plus généralisée?

 

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Ou est-ce une stratégie dans une guerre culturelle anti-blancs dont certains centres de commandement se trouvent dans des universités de gauche radicale?

Un coiffeur français, Nicolas Alexandre Henry, vante les mérites de la multiethnicité. Sur son site on peut lire: « Mon coeur de prédilection est la multiethnicité. » Cette expression ne signifie pas grand chose: Mon coeur de prédilection.

Son site présente l’extrême de l’appropriation culturelle. Au milieu d’une auto-description si dithyrambique qu’on se demande quel manque l’habite, on découvre en effet « la crête iroquoise, une coiffure afro tendance. » 

La crête iroquoise devenue une coiffure afro (image extraite du site)! Chacun fait ce qui lui plait, certes, et l’imitation est le début de l’apprentissage. Mais qu’en pensent les anti-appropriationnistes?

Appropriation, racisme? Comme l’écrit l’excellent sociologue canadien Matthieu Bock-Côté:

« C’est le nouveau chic mondain, il faut s’accuser de racisme et, de préférence, de racisme systémique, en confessant son privilège blanc pour mieux s’engager à le déconstruire. »

Ceux qui ne se soumettent pas à cette nouvelle doxa racialiste/raciste encourent la stigmatisation et le bannissement social.

Le nouveau monde est en marche.

 

 

 

Catégories : Philosophie, Politique, société 6 commentaires

Commentaires

  • Est-ce vraiment un débat ? Les seules personnes pénalisée font partie de la mêmes ligne idéologique que ceux qui crient à l'appropriation de la culture. Soit la jeunesse de la gauche intellectuelle et les vieux qui veulent faire djeune.
    Faire une coupe rasta pour montrer son opposition à la police et ne pas pouvoir chanter parce que censuré par ses pairs, c'est mort de rire.
    En dehors de cette frange de gauche, la réponse est clair, on peut s'approprier une autre culture.

    En fait, certain ont trouvé une raison de vivre avec la radicalité. Les choses sont plus simples que admettre la complexité de l'existence où finalement l'absolu enivrant n'existe pas.
    C'est le propre de l'humain.
    Les censeurs dans l'âme, sont motivés de censurer en tant que juge de l'absolu. Ils ont juste à trouver un truc qui leurs permettent de jouer au juge. Il y a la morale ou par exemple le thème de l'appropriation.

    On est en plein dans la comédie humaine où le bon sens se perd et où chacun croit détenir la vérité.

    En résumé, le ridicule traverse le temps, Moliere en sait quelque chose, il prend juste des formes différentes. A chaque époque sa comédie. Avec le wokisme, on nourrit les humoristes pour quelques générations. Entre guerres et climat, l'humain en aura besoin.

  • Excellente question. Pour ma part, je pense que non! Par ailleurs, au terme "appropriation", très chargé symboliquement (il évoque le vol), je préfère ceux d'acculturation, de métissage ou d'influence, plus positifs et respectueux!

  • Changer le mot me convient aussi, même si le terme médiatisé que je mets en titre attire davantage l'attention du lecteur.

    Ceux que vous proposez permettent d'élargir le concept et sortir du jeu du voleur. Je dirais aussi: adopter, reprendre, parfois réinventer. Comme "Douce France" par le groupe Carte de séjour.

  • D'accord avec vous:

    "En fait, certain ont trouvé une raison de vivre avec la radicalité. Les choses sont plus simples que admettre la complexité de l'existence où finalement l'absolu enivrant n'existe pas.
    C'est le propre de l'humain.".

    La radicalité devient un style de vie, une mode. Elle conditionne la pensée et le mode d'expression et fait siens les stéréotypes les plus éculés.

  • Et, puisque la bêtise n'a pas de limite, étendons les interdictions à nos amies les bêtes. Nous autres humains dominateurs, n'employons plus les expressions animales pour dépeindre nos semblables : marcher à pas de loup, manger comme un cochon, nager en canard, crier comme un putois, être fier comme un paon, etc. une appropriation culturelle qui pourrait heurter la faune.

  • J'ai encore le droit de danser la salsa?

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