Je suis surpris par la levée de boucliers contre ce projet d’aménagement des retraites bientôt soumis au vote. J’entends en particulier des femmes qui se revendiquent féministes et font une bronca d’enfer aux accents populistes non dissimulés, simplificateurs et générateurs d’amalgames improbables.
Il y a dix jours la Rédactrice en chef du Matin Dimanche, Ariane Dayer, publiait un édito enflammé contre la réforme (ici sur Facebook).
Rappelons que celle-ci vise à contenir le déséquilibre des comptes, et qu’elle trouve sa légitimité dans la notion d’égalité femmes-hommes.
Dans son édito Ariane Dayer lie d’emblée l’année supplémentaire de travail à l’égalité salariale. Pas d’égalité des salaires, pas d’année supplémentaire. Cette forme de chantage avait déjà été pratiqué lors de la votation de 2017. Pas besoin de repenser aux arguments, on prend les mêmes.
Elle se pose d’étranges questions: « … on peut se demander sur quel ressort psychologique les partisans de la révision comptent jouer : la crédulité des femmes, leur masochisme, un syndrome de Stockholm ? »
Elle fait passer les femmes pour des idiotes manipulées. Celles qui voteront pour la révision n’auraient donc pas toute leur lucidité. Un argument stalinien, ça! Elles seraient bêtes, peureuses, mal éduquées politiquement. À quand les camps de rééducation pour femmes dissidentes ou non conformes à la doxa?
Il n’y a rien de pire qu’une femme féministe pour enfoncer et mépriser ses consœurs – qui sont la moitié de l’humanité quand-même. Ça en fait des idiotes, fussent-elles aussi ravissantes que Brigitte Bardot dans le film qui porte ce titre!
Je ne pense pas du tout que les femmes soient idiotes. Mais dans son argumentaire populiste madame Dayer le suggère de manière implicite.
Elle veut un deal, donnant-donnant. Je te donne une année de plus si tu me donnes quelque chose en échange.
« La politique, ce n’est pas un épisode des « Télétubbies ». On passe de deals. On ne grille pas ses munitions. Tant que les inégalités de salaires stagnent autour de 18 %, tant que les violences faites aux femmes ne sont pas davantage prises au sérieux dans les lois, il faut refuser un sacrifice de plus. »
C’est étrange. Que donne-t-on aux hommes en échange d’avoir travaillé plus longtemps que les femmes depuis des décennies, ou du fait qu’ils vivent en moyenne moins longtemps et perdent quatre années de retraite par rapport aux femmes? On va invoquer le travail invisible des femmes, comme l’éducation des enfants si elles passent plus de temps au foyer que les hommes.
Mais l’homme aussi fait des choses à la maison même si ce n’est pas valorisé. Gérer la maison, éduquer les enfants, c’est le pot commun des couples. Faut-il mettre une pointeuse dans les appartements pour calculer le nombre précis des heures-maison, et salarier par l’État chaque partenaire dans le couple en fonction du temps passé? Et qui surveillera si le temps de travail-maison est bien réel?
Compliqué. D’autant plus que si l’homme travaille et gagne davantage pour des raisons structurelles (plein-temps, choix de métier, etc) c’est d’abord pour s’occuper de sa famille et des charges y afférentes. Mais ce n’est pas le sujet et madame Dayer ne l’aborde pas.
De plus elle mélange tout, ou bien elle ment délibérément. Elle ne fait pas un travail de journaliste mais de la propagandisme militant. En tous les cas c’est faux et cela fait désordre pour la rédactrice en chef d’un grand média suisse romand.
Car non, les différences de salaires entre femmes et hommes ne sont pas de 18 % en défaveur des femmes. Elle devrait s’informer ailleurs.
Les différences existantes ne sont pas des discriminations.
« L’effet d’écart salarial est complexe et multivarié. Il est impossible de conclure à une discrimination massive des femmes dans le monde du travail. Les cas de discrimination connus sont rares et l’intégralité de l’écart salarial peut s’expliquer par des facteurs quantifiables. »
Cet extrait et l’image 3 (clic pour agrandir) proviennent de ce document pdf expliquant les causes des différences salariales, à partir de 40 documents (la plupart officiels) sur le sujet. Presque toutes s’expliquent par des différences objectives et structurelles, non par une supposée volonté de porter préjudice aux femmes. La différence finale relativement aux critères, non encore expliquée, est quasiment nulle.
L’argument des discriminations salariales est non-pertinent, quand bien-même il aurait quelque place dans ce débat sur l’AVS – ce que je ne pense pas. Et l’argument des violences faites aux femmes?
Non pertinent là encore. Chantage. On met un plein pied dans la mauvaise foi. Ces violences sont déjà largement prises en compte par la loi et les médias. Par contre les violences faites aux hommes (entre 20 % et 50 % des victimes selon les pays et études, pour ne compter que la violence domestique) restent invisibles. C’est une discrimination massive.
Les féministes ne veulent pas l’égalité, elles veulent des privilèges.
Je serais toutefois prêt à soutenir un « privilège »: tirer la rente de la retraite AVS vers le haut pour les femmes qui ont réduit parfois leur engagement professionnel pour raison de maternité. Comment réaliser cela, je l’ignore puisque cette rente est calculée selon les versements donc les revenus, soit la vie professionnelle des personnes. Mais pensons-y.
En attendant je voterai oui à la retraite à 65 ans pour les femmes comme pour les hommes.
Commentaires
"Mais l’homme aussi fait des choses à la maison même ce n’est pas valorisé. Gérer la maison, éduquer les enfants, c’est le pot commun des couples."
Et que fait-on des divorcés?
Moi, par exemple, garde partagé, je gère la maison, éduque les enfants. Ai-je droit à la retraite plus tôt?
Juste un petit détail à rajouter : les hommes payent les 2/3 des fonds AVS, les femmes en touchent le 56%...
Ariane Dayer a trouvé son chiffre de 18% d'écart sur le site de la confédération:
https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/travail-remuneration/salaires-revenus-cout-travail/niveau-salaires-suisse/ecart-salarial.html.
Elle omet de préciser que plus de la moitié de ce pourcentage est expliqué par des raisons structurelles. Elle dit bein le savoir.. Sur les moins de 9% restants l'analyse ne va pas assez loin dans ses critères.
Deux études récentes montrent que même à 8-9% on est largement au-dessus du réel. Elles ont étudié les salaires de 270'000 employés suisses.
"La majorité des entreprises présentent des résultats «bons à très bons»
https://www.pme.ch/strategie/2022/01/17/egalite-salariale-des-chiffres-qui-font-debat
"Il en ressort que l’égalité salariale n’est pas respectée dans moins de 5% des entreprises. Aussi, la différence salariale inexpliquée représente en moyenne -3,6% en défaveur des femmes."
3,6% non encore expliqués.
On est loin des 18% ou même des 8-9%.
Intéressant aussi ceci:
"..... il faut refuser un sacrifice de plus".
Sacrifice, sérieusement?! Le fond victimaire se teinte de religiosité.
C'est curieux, on a le même mensonge en France à propos des inégalités salariales hommes-femmes. Les statistiques de l'Insee sont pourtant très claires. Toutes les différences salariales s'expliquent logiquement (temps de travail, ancienneté, investissement dans l'entreprise, etc), sauf pour 5 à 6 % des cas. Tout simplement parce que l'Insee se contente de statistiques au niveau national. Il est donc impossible, pour cet organisme, d'aller voir ce qui se passe dans chaque boîte. D'ailleurs, on n'a pas plus de discriminations salariales contre les femmes qu'envers les hommes au tribunal des Prud'hommes où sont réglés les conflits au sein de l'entreprise.
Et surtout réfléchissons une minute : si les patrons avaient la possibilité de moins payer une femme pour le même boulot, ils n'emploieraient que des femmes, à moins d'être masochistes !
«Elle ne fait pas un travail de journaliste mais de la propagandisme militant.» (sic)
Vous avez parfaitement raison. Le journalisme, celui dont la fonction est d’apporter de l’information, est mort. Aujourd’hui, les journalistes sont devenus des procureurs et des juges !
L'inégalité, c'est l'ignominieuse "rente couple" égale à 1,5 fois deux rentes individuelles.
Comment peut-on accepter ce statut moyenâgeux, à deux partenaires qui ont chacun cotisé individuellement depuis 40 selon leurs revenus ?
Pour ma part, tant que cette réforme n'aura pas lieu; tout ce qui viendra de Berne sur les assurances sociales, ce sera NON !
«pour toustes»
Ah que... ce langage pissoit sur mes chausses !
Pétard, je m'amuse à pousser le bouchon vers l'absurde, dans le secret espoir qu'un jour trop d'absurde tue l'absurde et que l'on passe à autre chose.
Désolé pour vos chausses. Je suggère de les porter sur la tête. C'est moins pratique mais cela permet d'éviter de malencontreuses éclaboussures inévitables, forcément inévitables...
"Pour ma part, tant que cette réforme n'aura pas lieu; tout ce qui viendra de Berne sur les assurances sociales, ce sera NON !"
Encore un qui mélange les pommes et les poires. C'est d'ailleurs la faille majeure de la démocratie. Je vote NON parce que j'ai mal digéré le repas de la veille. Il y a beaucoup trop de gens qui fonctionnent de cette manière. C'est malheureux...
« Encore un qui mélange les pommes et les poires »
NON et NON ! C'est une façon de dire qu'on est pas toujours d'accord avec les mots d'ordre, surtout ceux venant du CF.
D'ailleurs, je n'apprécie pas du tout sa façon d'intervenir dans les initiatives et les référendums; à mon avis ça ne le regarde pas. Si ces "droits" existent, c'est pas pour qu'il ramène sa fraise chaque fois pour influencer les résultats du scrutin.
« C'est d'ailleurs la faille majeure de la démocratie »
C'est sûr que la démocratie directe ça emmerde tous ceux qui n'acceptent pas ceux qui ne fonctionnent pas dans le sens du courant dominant.
Sur le sujet d'actualité (égalité de l'âge de la retraite), je ne partage évidemment pas les arguments féministes de la gauche; mais je regrette que les questions plus essentielles d'égalité de traitement sont toujours poussées sous le tapis: taxation fiscale individuelle, perception des rentes individuelles.
En somme chaque fois que les citoyens auraient quelque chose à gagner, c'est pan sur le bec !
Quant à l'argument: «et on le prend où l'argent ?»; je remarque que l'IMAGINATION, c'est pas le fort de ceux qui posent la question... d'ailleurs c'est bien pour ça que nombre de choses partent en sucette.
« C'est d'ailleurs la faille majeure de la démocratie »
C'est sûr que la démocratie directe ça emmerde tous ceux qui n'acceptent pas "
Malhonnêteté intellectuelle ! La faille majeure de la démocratie, c'est que pas tous les citoyens ont les moyens intellectuels d'analyser la question posée et répondent tare pour barre. Par exemple, je suis scandalisé par le fait que les couples touchent "seulement" 150% (pas moi, je paie 100% du loyer et des charges de ma maison !!!) et donc je vote contre l'égalité Hommes-Femmes...
« Par exemple, je suis scandalisé par le fait que les couples touchent "seulement" 150% (pas moi, je paie 100% du loyer et des charges de ma maison !!!) »
Mais quel rapport ??? Ça c'est typiquement du tare pour barre...
Un couple marié c'est quoi ? Pour raccourcir disons que c'est deux personnes qui ont choisi de s'unir (pour des raisons mystiques) et de vivre ensemble en principe pour faire des gamins...
Maintenant, ces deux personnes ont chacune un boulot et touchent un salaire à la fin du mois. Il se peut que l'un ou l'autre, ou les deux soient patron d'une entreprise. Ils paient les deux des cotisations sociales.
Et à la retraite, parce qu'elles sont mariées et qu'elles vivent sous le même toit, il est normal qu'on les prive de 25% de ce qui leur est dû en regard de ce qu'elles ont payé ?
Plus anti-libéral que ça, c'est impossible !