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Écriture dite inclusive : un scientifique a-t-il perdu le nord ?

Écriture dite inclusive : un scientifique a-t-il perdu le nord ?

Mon correspondant breton, dont j’ai déjà publié des textes, a cette fois écrit à Sébastien Carassou, un astrophysicien spécialiste de l’évolution des galaxies. Lequel a publié un livre de vulgarisation scientifique, « Le cosmos et nous ». Avec une particularité; il l’a écrit en écriture dite inclusive. Parfois je fais l’effort de lire des articles en inklu, mais très vite cela perturbe la fluidité de ma lecture et j’abandonne.

 

ecriture inclisive, inklu, carassou, cosmos, Pourquoi ce choix de l’écriture dite inclusive qui relègue le féminin à la queue du masculin (hé oui…)? Sébastien Carassou a-t-il perdu le nord, ou est-ce un coup de jeunisme?

Henri L’Helgoualc’h a eu le courage de tout lire malgré ce handicap de l’inklu. Il a ensuite écrit à l’auteur. Je reproduis ici cette lettre avec son accord. Je trouve son texte clair et brillant. Le voici:

 

" Lettre à Sébastien Carassou (01/07/23)

 

Monsieur,

Je viens de lire votre livre Le Cosmos et nous, un récit passionnant, de la cosmologie aux questions existentielles, en passant par l’origine de la vie. C’est aussi un modèle de vulgarisation réussie, et qui montre à quel point vous maîtrisez la question. Le style, le vocabulaire, les illustrations, tout contribue à mettre ces notions scientifiques à la portée du plus grand nombre. Malheureusement, une chose rend problématique la lecture de ce texte : l’écriture inclusive, car, comme le dit si bien Sylviane Agacinski, c’est une écriture illisible à l’oral, et donc impraticable.

En effet, comment ferez-vous, lors d’une conférence, pour citer des passages de votre livre ? Et comment lire à voix haute, pour une personne mal-voyante, tous ces mots sensés en réunir deux autres ? L’utilisation des points médians devient alors une méthode réservée à certains, ce qui amena l’Académie française à déclarer en 2017 que l’écriture inclusive offusquait la démocratie du langage. Il faut le dire, cet idiome discriminant, aujourd’hui imposé dans de nombreuses universités, risque de mettre en péril la langue que nos ancêtres ont forgée pour assurer l’unité du pays.

Voyons de plus près cette étrange construction dite inclusive, et destinée, semble-t-il, à rendre le féminin plus visible. Dès la première page, on peut voir le mot tou.te.s (au lieu de tous) qui comporte donc une racine tou commune aux deux genres, puis un te représentant les femmes , enfin le s marque le pluriel. Mais la règle n’est plus appliquée (page 14) puisque vous écrivez ses lecteurs et ses lectrices, dont la contraction devrait être lect.eur.rice.s, en séparant la racine et les terminaisons genrées.

ecriture inclisive,inklu,carassou,cosmosMais surprise, (p 35) on trouve les lecteur.ice.s où il est impossible de refaire le nom féminin lectrices en ajustant les parties. On retrouve cette bizarrerie (22) avec attentif.ve ou (228) avec ambitieux.ses. Sans compter l’accent grave qui disparaît au féminin (67) dans dernier.e.s. Ajoutons à cela les inventions qui n’existent pas dans le dictionnaire (qui nous donne déjà le féminin chercheuse), comme (181) avec chercheur.e.s au lieu de chercheu.r.se.s qui, on le comprend, est impraticable même s’il est plus logique. Autrement dit, le règlement inclusif ne peut être rigoureusement appliqué en toutes circonstances.

Même si vous remplissez votre livre de mots inclusifs, on voit bien que ces difficultés, concernant ce nouveau moyen d’expression qui peine à trouver une cohérence, sont de nature à décourager le lecteur comme le rédacteur. On devine d’ailleurs une certaine lassitude chez l’auteur car vous oubliez d’appliquer les consignes tout au long de l’ouvrage, et en excluant les femmes, comme dans l’écolier (35), la folie et la vanité des hommes (44), amis (113), un adulte (114), habitants (187), déroutés (230), lancés (231), les descendants (237), entourés (240), prisonniers (246), client (249), etc.

Pour éviter le bégaiement inclusif, Il était pourtant plus simple de revenir aux fondamentaux, ceux qui étaient enseignés par nos maîtres d’école. Ils nous apprenaient tout bonnement que le masculin devient générique, c’est-à-dire commun aux deux sexes, quand il s’agit de les représenter ensemble.

Quand vous lisez Les passagers du bateau qui a coulé ont été sauvés, vous savez pertinemment que les femmes n’ont pas été oubliées. Pour cela, il est inutile d’écrire passager.ère.s et sauvé.e.s, ou de charger la phrase en empilant les répétitions comme passagers et passagèrestoutes et touscelles et ceuxtéléspectateurs et téléspectatrices, etc, qui imposent une lecture lourde et pénible. « Rendre cet ouvrage beaucoup plus clair et accessible », dites vous dans vos remerciements (254). Oui, sur le fond, c’est une réussite mais la forme nous interroge.

Un masculin neutre, plus court dans le nom comme dans l’accord, donne à notre langue une souplesse qui n’enlève rien à la compréhension. Et croyez-vous que l’on change le sexe de celle qu’on appelle Madame le Maire, ou celui de l’homme dont on dit qu’il est une victime ? C’est le contexte qui donne tout sons sens à la narration. On n’a pas besoin de triturer les mots au point de les défigurer. La langue française est déjà suffisamment abîmée par le franglais pour ne pas, en plus, se soumettre au diktat néo-féministe. Et cette déconstruction du langage ne répond nullement à une exigence égalitaire dans un pays où les femmes ont autant de droits que les hommes. La science n’a pas besoin d’idéologie pour plaire à ses lecteurs.

Mes sincères salutations.

 

Henri L’Helgoualc’h"

 

 

Catégories : Féminisme, société 2 commentaires

Commentaires

  • Excellent texte, merci Homme libre !
    Sans parler des candidats aux élections fédérales qui se sentent obligés de se répéter en langage inclusif même dans les partis bourgeois, on déplore aussi que les moindres associations, organisations ou syndicats penchant à gauche, passent sous le joug du diktat inclusif en publiant des bulletins écrits indigestes.
    Ainsi, dans l’agriculture, à côté de la grande Union suisse des paysans (USP) de tradition bourgeoise, toujours droite dans ses bottes, nous trouvons à gauche, le syndicat Uniterre nous infligeant un "Les paysan.ne.s se font rouler dans la farine" ou alors la petite dernière Association des petits paysan.nes / Kleinerbäuer:innen-Vereinigung, qui hésite encore un peu…
    Une exception louable en Suisse romande est la Fédération romande des consommateurs (FRC), mais jusqu’à quand ?
    Le pompon, pour l’inclusif bégayant à l’oral, revient à la RTS où, soit les journalistes obéissent à un ordre venu d’en haut, soit ils sont partie prenante du diktat néo-féministe. Heureusement, certains d’entre eux, peut-être lassés, se lâchent parfois et reviennent au langage normal.

  • Bonjour hommelibre,

    Vous et votre ami avez raison, l'essentiel est dans le texte, pas à la traine de quoi que ce soit.

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