Qu’est devenue la deuxième armée du monde? Kherson, ville décrétée russe par un récent référendum, est abandonnée aux ukrainiens. L’opération de « simple police » initiale tourne au désavantage de l’envahisseur.
Au printemps Vladimir Poutine comparait sa politique à celle du tsar Pierre le Grand. Celui-ci a combattu la puissance suédoise, conquérante et dominatrice en Europe du nord. La Suède d’alors avait fait de la Baltique une mer intérieure. Pologne, états Baltes, Danemark, Allemagne, Russie, ont subi la violence des guerriers scandinaves.
C’est grâce entre autres à la Russie de l’époque que l’hégémonie suédoise a pu être brisée. Poutine a déclaré:
« Nous venons de visiter une exposition consacrée au 350ème anniversaire de Pierre le Grand. C’est étonnant, mais presque rien n’a changé. (...) Pierre le Grand a mené la guerre du Nord pendant 21 ans. On a l’impression qu’en combattant la Suède, il s’emparait de quelque chose. Il ne s’emparait de rien, il reprenait. »
Il ajoutait:
« Lorsqu’il a fondé une nouvelle capitale (Saint-Pétersbourg), aucun des pays d’Europe ne reconnaissait ce territoire comme appartenant à la Russie. Tout le monde le considérait comme faisant partie de la Suède. Mais depuis des temps immémoriaux, des slaves vivaient là-bas aux côtés des peuples finno-ougriens. (...) Il reprenait et renforçait. »
Avant de conclure:
« Apparemment, il nous incombe aussi de reprendre et de renforcer. ».
L’intention est claire: il est en re-conquête. Il veut redessiner les frontières européennes. L’impérialisme s’exprime ici sans détour.
Depuis février je cherche une justification à cette invasion militaire. J’ai besoin de donner du sens.
Je pouvais comprendre le courroux de Moscou en voyant l’Otan disséminer des armes pointées vers la Russie. Est-ce une pratique de bon voisinage et de paix? Pas vraiment. Pour l’Otan, l’Ukraine permettait de faire barrière à la Russie et de lui bloquer le passage vers les mers du sud.
D’autre part les russophones, dont des milliers sont morts dans le Donbass, ne pouvaient être abandonnés à leur sort. La situation de quasi-guerre héritée de 2014 et ds accords de Minsk non appliqués ouvrait la porte à des suites a minima fâcheuses, inévitablement. En Europe de l’ouest on aurait dû l’anticiper. Mais on a fermé les yeux sur une situation héritée du XXe siècle, apparemment non réglée pour le pouvoir russe, et qui pourrissait inexorablement.
Je ne suis ni anti-occidental ni anti-russe mais je me méfie des interventions guerrières « bienveillantes » présentées comme une libération des peuples. La dénazification invoquée par Poutine? Le thème est écorné, la réalité n’y donnant guère de validation, du moins ni massive ni généralisée.
Il s’agit d’un acte impérialiste de la part de Moscou, même si les populations du Donbass sont russophones. Un pays, ne peut décider de modifier les frontières d’un autre pays par sa seule volonté. Sans quoi l’État de droit est mort, la souveraineté est balayée, le droit des peuples idem, et l’on revient au monde sauvage où règne la loi du plus fort.
L’agression russe fait tomber quelques illusions. J’aspirais à une Europe où la Russie serait incluse, une Europe de l’Atlantique à l’Oural comme disait De Gaulle. C’est compromis sans doute pour longtemps.
Je pensais comme beaucoup que l’opération russe en Ukraine mettait face à face des forces disproportionnées au détriment de Kiev. Or depuis quelques temps le rapport de force s’est modifié. Propagande ou réalité?
La propagande n’empêche pas le constat suivant: une intervention militaire ne respecte pas la souveraineté du pays attaqué. Et à part dans le cas d’une guerre défensive la souveraineté des nations est le principe auquel nous faisons aujourd’hui référence.
La position de Vladimir Poutine peut cependant être audible en ce qui concerne le fait que l’Occident continue d’une certaine manière à vouloir exercer une hégémonie sur le monde.
Poutine reprend le discours de nombre de pays émergeant qui mettent en cause l’attitude des grands pays occidentaux. Ceux-ci veulent toujours faire la loi et dire aux autres ce qui est bien et comment ils doivent faire, au nom de nos valeurs universelles – enfin, universelles chez nous. Cela, ni les Indiens ni les Chinois, ni beaucoup d’autres, ne l’acceptent plus.
Poutine fait sienne la résistance à cette tentation hégémonique occidentale, une tentation qui me gêne et qui nourrit ma critique de certains comportements d’États occidentaux. Il ne parle plus tellement de dénazification, mais beaucoup plus des modèles de société.
Certains diront que l’intervention russe servait à défendre les russophone de l’est de l’Ukraine, ce Donbass où les accords de Minsk n’ont jamais été mis en oeuvre. Les opérations militaires montrent cependant que l’objectif russe était plus vaste.
Les référendums sur le rattachement des provinces de l’est (Donbass) à la Fédération de Russie sont invalides à mes yeux car n’ayant pas fait l’objet d’un accord entre toutes les parties, y compris Kiev. Si le rattachement de la Crimée trouvait à l’époque des échos favorables même auprès de certains juristes internationaux, ici ce n’est plus le cas.
Mais peut-être que Vladimir Poutine s’est raté avec cette guerre. S’il veut vraiment être le reconstructeur de la grande Russie, il aurait dû tirer le peuple russe de la pauvreté des campagnes. Il ne l’a pas fait. Il avait pourtant tout pouvoir, et du temps, pour le faire.
Il y a chez Poutine une crainte d’être atteint par le modèle américain: wokisme proto-fasciste, culte immodéré des minorités, police des mœurs féministe aux méthodes nauséabondes et climatisme hystérique, entre autres. cela je peux le comprendre.
Mais s’il perd cette guerre il s’en suivra un affaiblissement de la Russie qui profitera aux occidentaux, principalement aux USA (qui grâce à Moscou peuvent vendre leur gaz de schiste aux européens qui refusent d'extraire le leur pour des raisons environnementales).
Peut-il perdre cette guerre? Les images récentes montrent qu’il est en train de perdre la main sur le terrain. Bien sûr il faut enlever la propagande que l’on trouve dans tout discours de guerre, occidental ou russe. Mais enfin, les responsables russes eux-mêmes reconnaissent que ce qui se passe sur le terrain ne suscite pas l’enthousiasme. La récente mobilisation partielle laisse entendre que l’opération initialement projetée n’a pas abouti.
Et là, il y a un moment dramatique pour la Russie. Comment cet homme, qui pouvait représenter quelque chose de positif à un moment dans la géopolitique mondiale (même si ce n’est pas l’avis de tout le monde), a-t-il pu aussi mal se préparer à l’opération militaire qu’il a lui-même lancée?
C’est invraisemblable. Sur le terrain, Poutine patine face à une armée ukrainienne patriote et motivée (au fait, nous aimons à nouveau le patriotisme...).
Il n’a pas anticipé la réaction des occidentaux, ou bien il l’a sous-estimée comme il a peut-être surestimé les capacités de son armée que beaucoup disent gangrenée par la corruption et vieillotte. Il n’a probablement pas plus anticipé l’attitude patriotique des ukrainiens, qui se battent pour leur patrie alors que les soldats russe ne font qu’obéir aux ordres.
Nous sommes aujourd’hui dans une situation que les Européens continuent à envenimer, je pense en particulier à la présidente de la commission de Bruxelles qui roule des mécaniques et ne veut pas d’apaisement sur le front.
Mais je comprends que l’Europe ne puisse accepter cette guerre sur ces terres, même si elle semble moins gênée par une guerre bien saignante au Yémen. Même si elle est prête à acheter du pétrole à l’Azerbaïdjan, pays qui n’est pas particulièrement un modèle de vertu et qui mène une guerre contre l’Arménie, ou au Qatar si décrié et honni par ailleurs.
Nous soutenons l’Ukraine au nom de valeurs morales et politiques, mais nous ignorons ces mêmes valeurs ailleurs où nous n’avons pas d’intérêts à défendre. Morale à plusieurs vitesses.
Vladimir Poutine est décrit comme un personnage autoritaire et je suppose que c’est vrai. Comme Macron l’est aussi et combien d’autres. À ce niveau c’est difficile d’être un enfant de cœur.
Mais même sans être un enfant de cœur, on n’est pas obligé de faire la guerre à son voisin. Poutine ne rend pas service à la cause qu’il prétend défendre: le multilatéralisme.
Quelle tristesse.
Commentaires
Monsieur Goetelen,
Le comprends votre sentiment de frustration devant la situation en Ukraine, celle bien légitime d’un Occidental. Je me permets toutefois de mettre vos conclusions en doute. Contrairement à la propagande occidentale, ce n’est aucunement parce que Vladimir Poutine fait référence à l’histoire qu’il s’identifie à Pierre le Grand. Son projet n’est aucunement d’envahir l’Ukraine dont il a besoin comme état tampon contre l’envahisseur occidental. Tout ce qu’il a demandé et continue de demander c’est l’application des Accords de Minsk, soit la neutralité de l’Ukraine et l’autonomie des région russophones ukrainiennes. Mais comme cela n’a pas été le cas par omission des puissances occidentales garantes, après près de huit ans de patience devant les massacres ukrainiens dans le Donbass, reconnus par les Nations Unies, il est intervenu à la demande de ces populations en accord avec la disposition de droit international demandant l’intervention de l’Etat constatant des exactions perpétrées dans un Etat voisin.
Cela dit, que les Etats occidentaux aient la patience d’attendre et de voir les résultats du suicide de l’Europe fomenté par les Etats-Unis, la fin de la mondialisation et de son unipolarité face à la multipolarité en construction par la majorité de la population mondiale. Si l’armée russe a connu des revers cela est dû à la guerre par procuration des Etats-Unis qui, comme à leur habitude, sont en train de lâcher l’Ukraine dont, malgré l’aide occidentale, les chances de l’emporter sont inexistantes. Entretemps, cette guerre régionale est devenu une guerre mondiale opposant l’Occident mené par les Etats-Unis et par l’Orient mené par le Brésil, la Russie, l’inde, la Chine, l’Afrique du Sud avec la concurrence de nombre de pays d’Amérique du Sud, d’Afrique et du Moyen-Orient bénéficiant des ressources énergétiques, de la technologie, de la puissance militaire des BRICS ainsi que de la souveraineté de leurs monnaies nationales garanties par des valeurs réelles et non virtuelles comme celles d’un Dollar voué à causer une inflation et une récession mortifère en Occident.
Bernard J. Wohlwend : Depuis la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine, les ressentiments anti-américains se multiplient. En un retournement dont seule la nécessité a le secret, les détracteurs de gauche et de droite se retrouvent d’accord et se tombent dans les bras pour cacher sur l’Amérique. Ils ont en commun une attitude extrêmement négative à l’égard de la politique, de la culture et du mode de vie des Américains, auxquels ils attribuent tous les vices et tous les défauts. Les États-Unis sont impérialistes, agressifs, belliqueux, matérialistes, capitalistes, sans culture et décadents.
Et depuis le début de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, de plus en plus de personnes expriment des critiques véhémentes et méprisantes à l’égard des États-Unis. Ces fous vont même jusqu’à leur attribuer la responsabilité de la guerre lancée par Poutine, et affirment que le pays « profite de la guerre » (l’Europe, qui vient de débloquer 2 milliards d’euros supplémentaires d’aide militaire, et que la droite a l’habitude de critiquer, n’est pas même évoquée). La sympathie envers la Russie et l’anti-américanisme deviennent les deux faces de la même pièce. De plus en plus, j’observe sur les médias de droite que l’anti-américanisme sert de couverture à l’antisémitisme, et est lié aux théories conspirationnistes les plus délirantes...Désormais, les anti-américains primaires considèrent l’UE comme le dernier rempart contre l’Amérique. Ils voulaient sa disparition, ils la veulent forte, très forte. Poutine ? C’est le rempart contre la dégénérescence Woke... L’Amérique a tous les vices, la Russie toutes les vertus... Anti-américanisme et antisémitisme
Dans l’idéologie d’extrême droite, les États-Unis sont considérés comme l’empire du mal. Leur antiaméricanisme est lié à l’antimondialisation et à l’antisémitisme. Dans leur esprit, les juifs contrôlent les États-Unis afin de dominer le monde par le biais de la mondialisation. Les codes des antisémites sont : « la côte Est américaine », « Wall Street », car New York est le centre mondial du capital financier, forcément dominé par les juifs.
Dans l’idéologie de gauche, les codes des antisémites sont « pro-palestine », « antisionisme », et par ricochet, anti-Etats Unis, parce qu’ils soutiennent Israël.