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Union européenne: l’Europe oui, le traité non?

Avez-vous déjà lu le texte du traité de Lisbonne? Je m’y suis collé (il est disponible sur le net). J’avoue que cette lecture m’a laissé perplexe. Bien qu’européen convaincu, je me demande si ce texte va dans le bon sens.

Assimiler la complexité

Je ne suis ni exégète ni spécialiste en politique, je propose simplement mes questionnements. Je n’ai pas le sentiment que le non irlandais doive être considéré comme un refus de la construction européenne. Qui voudrait en revenir aux années 1900, aux guerres terribles engendrés par les conflits des nationalismes et des idéologies entre autres? Les échanges commerciaux et culturels ont de tous temps été une source de richesse, et seule la paix civile pouvait les permettre.

Le chemin parcouru en 50 ans d’Europe est énorme, incroyable, au sortir des déchirements passés incessants. L’Europe unie a été pensée comme facteur de paix. Combien de vieilles querelles il a fallu enterrer pour arriver à cet élan unioniste désiré par les pères fondateurs!

Le processus d'union est complexe. Tant de langues, de cultures, de passés historiques parfois opposés entre eux. Mais l’entreprise est courageuse et je l’approuve. Elle peut cependant provoquer des résistances. La complexité n’est jamais simple à assimiler...


Vers une vraie Constitution européenne?

Justement, le texte du traité de Lisbonne n’allège pas cette complexité. Ce traité est un assemblage de positions construit sur d’autres traités plus anciens. S’il fallait au début des traités n’empiétant pas sur les souverainetés nationales, est-ce encore opportun? Les références incluses dans le traité de Lisbonne sont parfois l’émanation des pouvoirs politiques en place.

N’est-il pas temps d’aller vers une véritable Constitution européenne? Un texte simple, clair, comportant les bases les plus fondamentales sans aller dans des détails qui sont plus de l’ordre du programme de gouvernement que d’une constitution? Car aller trop dans les détails, comme le fait de stipuler que l’UE instaure la stabilité des prix, n'est-ce pas déjà l’action d’un gouvernement?

L’Europe reste une aventure formidable à accomplir, à réfléchir. Le texte de base doit définir un cadre général et non en décliner par avance certaines applications. Par exemple, promouvoir une économie hautement compétitive n’est pas forcément opportun dans le texte, car dans l’économie de marché l’économie est forcément compétitive si elle veut se développer. Aller trop dans le détail, sans marge de maneuvre, ne peut que susciter des oppositions.

Il manque au traité une meilleure définition des compétences institutionnelles de la nouvelle Europe. L’idée d’une régulation par l’Etat en est trop absente. Préserver un socle étatique est une garantie de stabilité et de qualité dans divers domaines, comme dans les services publics. Ce n’est pas être gauchiste et anti-libéral que de dire cela. Le libéralisme étant fondamentalement la liberté, celle-ci ne peut se concevoir sans un minimum de régulation et de règles collectives, justement pour éviter de perdre cet acquis si précieux et fondamental qu'est la liberté.

Par exemple, le maintien des équilibres entre public et privé, entre individuel et collectif, entre national et supra-national, n’est pas assez explicite dans le traité. Or l'investissement de l'Etat dans un certain nombre d'activités d'intérêt général est non seulement cohérent avec l'esprit de la république, mais sert aussi de tampon aux fluctuations du marché, et de pérennité au corps social.

Les USA, au libéralisme économique affirmé, ont bien soutenu le marché en injectant des milliards lors de la crise des subprimes. Je ne pense pas que l'on puisse taxer de gauchisme l'administration américaine. On voit bien qu'il faut des mécanismes tampons et régulateurs sans lesquels toute une économie et tout le corps social pourraient s'effondrer.

L’Europe doit aller de l’avant, elle ne doit pas attendre 50 ans de plus pour se définir et prendre une place influente dans la multipolarité des puissances. Mais elle se doit aussi de réfléchir à ce qui va la rassembler, au texte fondamental qui lui donnera une identité originale et un socle durable et admis par l’ensemble de ses habitants.
Catégories : Politique 7 commentaires

Commentaires

  • Vous avez eu le courage de vous coltiner le texte du Traité de Lisbonne? Bravo! Je crois qu'en dehors des juristes et de certains députés européens ainsi que bien sûr des acteurs de la rédaction de ce document, vous êtes certainement un des seuls à avoir réaliser cet exercice. ;-))

    Je ne pense pas non plus que le refus irlandais de ce texte ne signifie un rejet de l'UE ou même d'un texte à visée constitutionnelle pour l'ensemble des 27. Mais, effectivement, il sera toujours difficile, même dans une démocratie directe comme la Suisse, de demander aux individus d'ingérer 350 pages d'arguties juridico-politiques et autant de notes de bas de pages en référence à des tas d'autres textes. C'est une chose que je n'ai pas encore exploré, mais je me demande s'il existe un ou des sites Web financés soit par les institutions européennes, soit par les autorités nationales des pays concernés, vulgarisant et synthétisant le contenu de ce traité, histoire d'en faire ressortir l'esprit et les points majeurs. Ce qui permettrait alors aux citoyens de s'y retrouver un peu, qu'ils décident de lire le texte original en entier ou pas. Je vais faire un petit tour sur les moteurs de recherche et voir ce que je trouve.

    Mais il y a un slogan qui m'a quand même choqué dans la campagne du "non" en Irlande, celui qui encourageait les gens à voter non s'ils ne savaient pas de quoi retournait le texte ("If you don't know, vote no"). A mon sens, un citoyen responsable, lorsqu'il a l'impression de ne vraiment rien savoir des enjeux en question (et ne veut pas faire l'effort d'en savoir plus), s'abstient, mais ne vote pas simplement par la négative (ou la positive) sans aucune connaissance de l'objet.

  • @greypower,
    Si un gouvernement propose à son peuple un texte incompréhensible et dont les enjeux pourrait le dépasser, c'est que le texte est mauvais. Donc il faut le refuser. Le texte proposé par le traité de Lisbonne est en premier lieu un renoncement de souveraineté principalement pour les petits pays membres de l'UE.
    Je peux comprendre qu'au nom des intérêts "supérieurs" de l'Europe on accepte de réduire sa marge de manœuvre, mais pas à n'importe quel prix!
    Dans ce cas, le peuple irlandais avait sans doute l'impression de de faire avoir. Le fait que La France ait renoncé cette fois à interroger le peuple n'y est probablement pas pour rien. Si le traité était si bon, pourquoi donc ne pas le soumettre su "vrai" souverain?

  • Je ne suis pas d'accord avec vous sur la question de la complexité d'un texte. Ce n'est pas parce qu'il est ardu ou technique qu'il est mal fait. Un texte de loi ou constitutionnel sera toujours plus difficile à comprendre que la prose de la presse quotidienne ou d'un roman de cap et d'épée. Il ne s'agit pas non plus d'infantiliser les citoyens au point d'en faire des quasi-assistés intellectuels. A mon sens, être citoyen ne se résume pas à attendre que les institutions et les représentants politiques (partis, députés, candidats,...) vous machouillent complètement le travail d'information, de recherche et de réflexion en une espèce de bouillie pour bébé qui glisse toute seule dans le tuyau. Par contre, je pense effectivement, et je l'ai dit plus haut, que l'on peut difficilement attendre d'un citoyen qu'il se coltine 350 pages de prose juridico-politique complexe sans lui en donner au moins les pistes principales et lui en expliquer l'esprit. Et c'est pourquoi je me demandais s'il existe des sites web d'informations sur ce fameux Traité de Lisbone qui en synthétisent les principaux axes et éléments.

    Maintenant, comme vous l'avez souligné vous-même, ce texte est un patchwork visant à concilier des positions juridico-politiques souvent contradictoires ou partant dans diverses directions en fonction des intérêts de chaque membre. Je lisais l'autre jour dans le Temps ou la TdG (honnêtement, là, je ne m'en souviens plus) l'analyse d'un spécialiste de l'UE qui disait, et je pense qu'il a raison, que l'un des principaux problèmes de l'Europe actuelle, c'est l'incapacité de ses membres à dépasser le cadre de l'état-nation pour réfléchir en termes européens. Et, si je l'ai bien compris, ce serait cette incapacité à penser à un niveau encore plus "-macro" que celui de l'état national, c'est-à-dire à celui de l'UE, qui aurait mené à un texte aussi indigeste. En d'autres termes, il n'y a pas encore d'"identité européenne" à proprement dit, comme par exemple, celle développée par les citoyens des Etats-Unis, qui, eux aussi, peuvent se référer à plusieurs niveaux (local - communauté, régional - état, fédéral-Washington D.C.) et n'ont pas particulièrement de problème à se penser comme habitants d'un pays-continent. Je ne prétends pas non plus que l'histoire de l'UE soit comparable en tous points à celle des Etats-Unis, dans la mesure où ces deux constructions n'ont pas débuté en même temps ni pris les mêmes directions. Mais, il me semble qu'il y a quand même certaines similitudes, comme l'assemblage en une seule nation de diverses unités politiques (les états actuels étaient à l'origine des colonies dépendants de diverses autorités européennes ou américaines, sans compter le découpage politico-géographique des populations autochtones avant l'arrivée des Européens), la réunion de populations d'origines diverses, avec des bagages linguistico-culturels variés et parfois opposés,...

    Lorsque les citoyens et leurs députés européens auront appris à se penser comme participants d'un même ensemble, et pas simplement comme bénéficiaires ou prestataires nationaux d'une entité abstraite et hors de leurs frontières appelée UE, je pense que les textes constitutionnels qui émaneront de leurs discussions et débats s'en trouveront énormément simplifiés et plus généraux. Mais, pour que cela advienne, et cela a été beaucoup souligné ces dernières années, il faut absolument imaginer de nouveaux modes de communication entre les institutions supra-nationales européennes et les citoyens de l'UE qui permettent une meilleure interaction. Pour l'instant, il semblerait que les citoyens de l'UE aient surtout l'impression de servir de faire-valoir, en étant simplement mis devant le fait accompli ou consulté de temps à autres, quand on ne peut pas faire autrement, lois nationales obligent. Je pense que beaucoup a déjà été fait pour améliorer l'image des institutions européennes et leur compréhension par les citoyens, mais on est encore loin du compte pour ce qui est d'une véritable relation de confiance. Et les dirigeants nationaux, qui s'approprient les succès socio-économiques, culturels et politiques de leurs pays tout en se déchargeant systématiquement de leurs échecs sur les institutions de l'UE, n'aident pas beaucoup.

  • Oups! La première partie de mon dernier commentaire s'adressait à Salegueule (c'est lui qui a choisi ce pseudo...), par contre, la deuxième partie faisait référence au texte d'hommes libres...;-) Désolée de la confusion!

  • Gonflés, les Irlandais ! On profite un max de l'aide européenne et ensuite on se fout des autres ! A croire que, vouloir le beurre et l'argent du beurre est un exercice propre et bien connus des petits pays.... suivez mon regard....

  • Ils ne veulent pas d'un texte mal ficelé, débile! Le liblralisme politique n'a rien à voir avec le socialisme en matière économique!

  • @ Greypower:

    Ok j'avais bien pensé que vous vous adressiez d'abord à salegueule, et ensuite à moi. Merci de le confirmer. C'est vrai que préciser son intention évite les malentendus, et j'apprécie votre précision (légendaire!) à ce propos.

    Sur le fond: en effet l'argument du non: "Je ne sais pas donc je vote non" est franchement n'importe quoi. Un encouragement à l'analphabétisme! Ce n'est ni un argument de vote, ni une réaction citoyenne, et parfois la démocratie nous fait avaler des couleuvres pas tristes... Et quand on pense aux millions d'années qu'il a fallu pour affiner la merveilleuse machine à penser humaine, c'est désolant d'en voir revendiquer le fait de n'utiliser qu'un ou deux neurones.

    Sur les sites qui synthétisent le texte du traité, j'en ai trouvé, mais qui n'étaient pas beaucoup plus clairs. Je n'ai peut-être pas assez cherché. Voici le lien sur lequel j'ai pris mes infos: http://europa.eu/lisbon_treaty/full_text/index_fr.htm.

    Pour le reste je partage votre analyse et celle de l'article que vous citez. L'ambiguïté de la relation à l'Europe est patente dans nombre de pays. La France de gauche par exemple est experte dans ce domaine, avec ses critiques régulières contre Bruxelles alors que les subventions agricoles sont les plus importante de l'UE. La gratitude pour les bienfaits de l'UE rendrait plus crédibles les critiques. Comme vous dites, on ne peut se défausser indéfiniment sur l'UE pour des difficultés internes ou internationales. Le langage des dirigeants n'étant pas assez clair les citoyens sont imprégnés d'un ressenti sous-jacent anti-européen.

    Mais là encore à chacun d'être adulte et de s'informer, de réfléchir, puis de penser par soi-même, et pas seulement de penser émotionnellement.

    Penser Européen n'est en effet pas encore installé dans les esprits. L'Europe est pourtant, à mon sens, un beau et grand projet, facteur de stabilité dans le monde. Mais alors, en effet, il faudra bien quitter l'effet patchwork du texte du traité et se décider à envisager une constitution, des institutions claires, une supranationalité avec les avantages mais aussi les renoncements que cela comporte.

    Les critiques sur l'excès de libéralisme du traité diminueraient peut-être si les citoyens européens trouvent dans l'Europe une vraie démocratie avec de vraies institutions. Le lien entre citoyens européens et institutions sera il est vrai moins proche que celui de citoyen à député. Internet pourrait en partie combler le déficit de communication. Des débats sur l'Europe devraient être programmés dans les écoles et lycées. Il y a, oui, un déficit à combler.

    En même temps, je me rends bien compte que pendant des années, il fallait un groupe - la commission de Bruxelles - pour mettre en place des normes communes aux différents pays de l'UE. La trop grande disparité des référents techniques dans de nombreux domaines aurait demandé peut-être plus d'un siècle à être aplanie par voie parlementaire. Si la commission a permis de faire avancer un ensemble de normes communes pour l'UE, elle a subi en contrecoup les critiques de technocratie de telle ou telle catégorie. On sait bien comment sont les humains: changer, oui, surtout les autres...

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