Les problèmes de logement à Genève sont endémiques. La pénurie coûte cher. Y a-t-il des solutions pour pouvoir vivre décemment sans grever les salaires par le prix des loyers?
Compte tenu de l’éloignement, le coût des déplacements augmente aussi. Que peut trouver actuellement une famille avec deux ou trois enfants? Un loyer d’au minimum 2’000.- dans la majorité des cas, ce qui suppose deux salaires, les frais de crèche, les impôts, le stress.
Habiter dans sa région, voir ses enfants dans une école à proximité, ne pas passer 2 à 3 heures par jour en déplacement, fait fondamentalement partie de la qualité de vie. Mais à Genève c’est un luxe. Alors soit on trouve des solutions, soit Genève deviendra de plus en plus une ville de privilégiés, la classe moyenne étant reléguée dans des banlieues aléatoires de plus en plus éloignées.
La décision de rehausser les immeubles de deux étages est un premier pas vers une décongestion du logement à Genève. Je pense que l’on aurait dû aller plus haut pour les immeubles qui le supportent. Et profiter au passage d’équiper les nouveaux toits de panneaux solaires.
L’autre solution est de construire. Mais où? Créer des cités-dortoirs en France voisine? Pour autant que les français le veuillent bien. Cela pourrait faire l’objet d’une étude dans le cadre d’accords transfrontaliers. Mais la qualité de vie étant aussi de vivre pas trop loin de son travail, cela suppose que du travail se crée en France, et peut-être qu’une partie de l’activité économique genevoise soit transférée. Ce qui veut dire: développer le concept de région afin que tout le monde soit gagnant. Pas simple.
En attendant il faudra continuer à construire à Genève. Où? Des choix cruciaux sont devant nous. Il faudra envisager de déclasser des zones, de moins protéger certains espaces verts. Ce n’est guère écolo, me direz-vous, et bétonner le territoire genevois est une perte de qualité de vie. Mais habiter trop loin, trop cher, payer des montants déraisonnables pour les loyers est une grande perte de qualité de vie. Le choix est donc clair entre deux conceptions de la qualité de vie.
Privilégier les habitants veut dire construire. En rendant le droit au logement opposable dans la nouvelle Constitution, les pouvoirs publics seront contraints de développer le logement. En effet le droit opposable veut dire: si vous ne trouvez pas de logement correspondant à votre salaire, vous en prendrez un plus cher et l’Etat paiera la différence. Cela veut dire donner une impulsion forte, décider nous-même de l’aménagement de notre territoire, et encourager à construire des logements sociaux sur le canton.
Le choix est simple: soit habiter loin et venir à Genève en famille le dimanche pour visiter les espaces verts, soit construire à Genève et aller respirer le dimanche l’air du Salève ou du Jura.
On peut aussi décider de bloquer la croissance de Genève, freiner l’expansion démographique et économique. Cela signifie que les habitants paieront de plus en plus de taxes et des loyers plus chers. Est-ce cela que nous voulons? Genève est-elle à ce point de développement qu’elle n’a plus besoin de grandir? Pas certain. Et si l’audace politique venait à Genève, nous reprendrions rapidement, en plus de logements: la traversée de la rade, nous construirions un métro à la place du CEVA, nous équiperions les toits en panneaux solaires, et Genève connaîtrait une longue période de croissance économique.
Il y a de vrais choix à faire. Ce n’est plus l’économie contre l’humain avec l’écologie en Monsieur Loyal, c’est l’économie avec l’humain.
John Goetelen
Liste 9 MCG
Mouvement Changer Genève
http://www.mouvementchangergeneve.ch
PS: à venir demain, DOGMA 3
Commentaires
Genève est un petit canton. Si elle veut garder son territoire agricole, la ville doit effectivement rester petite, en toute logique. Il n'est en réalité pas anormal que Lausanne ait des perspectives de développement plus claires.
Une fusion avec la région environnante veut dire, en fait, que sur le modèle traditionnel, on compte aussi sur la France pour l'agriculture : il n'y a pas la campagne au milieu de l'agglomération. Je crois que le problème est insoluble.
Voyez la Savoie, elle-même : elle a été longtemps indépendante de la France ; eh bien, cela a limité son développement économique : les frontières étaient closes. A partir du moment où elle entre en dépendance, elle perd de son âme, mais elle se donne aussi les moyens de se développer matériellement.
C'est un choix : l'îlot de civilisation au milieu de la barbarie, c'est aussi la stagnation économique. C'est une forme de décroissance. Rester libre, c'est souvent rester seul : un chansonnier bien connu l'a dit.
Et la vérité est que je ne crois pas possible que des pôles économiques se déplacent de Genève à la France voisine, car des entreprises françaises délocalisent à Genève, déjà, pour des motifs fiscaux. Le seul pôle économique qui pourrait se déplacer de cette façon, c'est bien l'agriculture, puisque la France voisine offre des possibilités. Les produits savoyards peuvent être détaxés : au fond, en Haute-Savoie, peut-être que c'est ce qu'attendent les élus, que le reblochon puisse être acheté à Genève sans ajout fiscal ! Dès lors, pensez aux emplois créés dans la fabrication du produit !
Merci pour votre commentaire et votre analyse. En effet une étape possible est que Genève accepte de dépendre des Savoies pour son agriculture. L'importance des liens économiques entre les partenaire de part et d'autre de la frontière poussent à imaginer de nouvelles perspectives. Pourquoi pas une fiscalité spécifique à la région? L'inconvénient est que les Etats resteront maîtres et que même des zones franches ne seraient pas pérennes, ce qui ne permettrait pas d'envisager un système équilibré à très long terme. Pour que la possibilité de spécificités régionales prenne plus forme, il faut peut-être aussi que cela soit entériné au niveau européen de façon à permettre cette stabilité durable.
Pas simple, c'est clair, mais Genève doit loger ses habitants et avoir une vie économique permettant de leur procurer du travail. L'étroitesse territoriale du canton demande des choix forts.
Vous savez, sur le plan agricole, le duché de Savoie n'a plus d'unité claire : les liens économiques sont davantage liés au tourisme. L'agriculture de montagne forme un pôle syndical sans doute plus important. Sinon, la Haute-Savoie a ses propres sections syndicales et professionnelles, dans l'agriculture. Cela dit, lorsqu'on parle de vendre les produits au nom du label "Savoie", évidemment, on se retrouve aussi un peu : mais c'est lié au tourisme. Je dis cela pour qu'on entre dans le concret, et qu'on évite de mêler l'économie concrète aux sentiments patriotiques et historiques.
Il est patent que Genève protège beaucoup ses agriculteurs, non seulement sur le plan de l'immobilier, comme les Genevois le savent, mais aussi sur le plan de la production et de la distribution : et de cela, les Genevois n'ont pas l'air aussi conscients que les agriculteurs de la France voisine. Car si on se met à la place de ceux-ci, que perçoit-on ? Qu'ils n'arrivent pas à vendre à Genève, mais que l'agriculture souffre des prix de l'immobilier, notamment lorsqu'il s'agit de la succession. Or, si on scrute attentivement la politique de Haute-Savoie, que perçoit-on, aussi ? Eh bien, que le pôle agricole reste quand même très important, par exemple au sein du Conseil général, des élus.
Une fois qu'on a cela en tête, et qu'on comprend de l'intérieur les voisins, on peut peut-être plus facilement trouver des solutions.
Même la zone franche, vous savez, n'est pas forcément à mentionner. Car dans les faits, la balance commerciale, à l'époque de la grande zone, était très favorable à Genève. Mais dans ce cas, du côté français, même si on profite de la libéralisation des échanges, on reste dans l'attente : on ne va pas être le premier à manifester un désir particulier. Ou alors, seulement juste de l'autre côté de la frontière : voyez Borrel. Mais Borrel n'est pas majoritaire en Haute-Savoie. Lorsqu'il s'est proposé aux sénatoriales, son score n'a pas été bon, vous savez. Or, ce sont les élus de Haute-Savoie, qui votent, alors.
En lisant vos différents billets sur l'histoire de la région j'ai pu apprécier votre bonne connaissance de ces questions. Les échanges transfrontaliers sont importants, et l'on ne peut indéfiniment rester sur les mêmes positions. Je n'ai pas de solution toute faite, n'étant pas un politicien aguerri connaissant tous les dossiers. Je soutiens des idées dont l'application demandera réflexions et consultations. Il est donc important d'avoir d'autres avis fondés, d'autant plus que la Constituante va probablement aborder la question transfrontalière. Je ne peux anticiper sur le résultat, ni même s'il y en aura un. Simplement le développement de Genève et sa région suppose que l'on examine toutes les possibilités. J'ai une question: dans l'hypothèse (très incertaine à l'état actuel) d'une zone régionale, pensez-vous que les savoyards seraient intéressés, et quels seraient leur intérêt à cela à votre avis? Et pourrait on envisager quelque chose où tout le monde soit gagnant?
Les Savoyards sont comme tout le monde : ils ont envie de bien vivre. Croire qu'ils sont par essence favorables ou hostiles à Genève, c'est à mon avis déjà mal partir. C'est ne pas comprendre la réalité des échanges. Car justement, quand on sait que les produits agricoles savoyards ne parviennent pas à franchir la frontière, et que l'agriculture est un point incontournable, en Haute-Savoie, on comprend que ce n'est pas à cause du duc de Savoie ou au contraire grâce à Napoléon que les Savoyards sont dans l'expectative. Ils s'en fichent bien. Il est évident que si vous dites aux agriculteurs savoyards qu'ils pourront vendre leur production - leurs reblochons, si vous voulez -, à Genève sans aucun obstacle, ils seront contents. Ensuite, je ne pense pas que ce soit aux acteurs économiques de fixer le cadre institutionnel de la chose. Mais pour faire adhérer les gens à un cadre institutionnel donné, il faut évident qu'ils y voient leur intérêt. Personnellement, je ne suis pas agriculteur. Je suis plutôt amateur de littérature locale, et je produis des livres contenant des textes en lien avec l'histoire locale. Eh bien, je ne vois pas partout à Genève un intérêt prononcé pour la production éditoriale savoyarde. Je l'ai du reste dit déjà souvent. En soi, les institutions, moi aussi, je m'en fiche un peu. Elles ne luisent pas à mes yeux d'un éclat qui leur soit propre. J'attends de voir ce qu'elles pourront permettre. Et si les Savoyards, en tant que tels, ne peuvent pas avoir plus de prérogatives au sein d'institutions nouvelles, qu'ils n'en ont actuellement, je ne pense pas qu'elles pourront les intéresser beaucoup.
Tenez : nous avons produit un livre sur la Vallée verte, où logent beaucoup de frontaliers, français ou suisses ; en Vallée verte même, c'est un grand succès. Si la Vallée verte est vraiment devenue la banlieue de Genève, pourquoi est-ce que les librairies genevoises ne nous le commandent pas ? C'est cela, à mon avis, la réalité des échanges. Car en Haute-Savoie, Töpffer, par exemple, nous le lisons bien.
Il EST évident (erratum).