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DOGMA 5 - La puissance du rêve

Le rêve a toujours accompagné les humains. Il peut être une représentation du monde présent ou des origines, comme le mythe. Il donne aussi la force de lever l’espoir dans la vision d’un monde nouveau. Un monde sans rêve est livré à l’intendance entropique ou à la désespérance. Rêvons, rêvons encore, plus que jamais prenons en nous la puissance du rêve.

Dream1.JPGLes rêves humanistes

“Je rêve que, un jour, sur les rouges collines de Géorgie, les fils des anciens esclaves et les fils des anciens propriétaires d’esclaves pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité. Je rêve que mes quatre petits enfants vivront un jour dans un pays où on ne les jugera pas à la couleur de leur peau mais à la nature de leur caractère. I have a dream !” Martin Luther King


"Le droit même de vivre ne nous est donné que si nous remplissons notre devoir de citoyens du monde. Le nationalisme n'est pas la plus haute conception. La plus haute conception est la communauté mondiale." Gandhi
 

Ces deux exemples illustrent ce que peut être un rêve en tant que projet social humaniste.

Le rêve n’est jamais fermé ni trop défini, afin que chacun y trouve sa place pour le continuer et le partager. Certains rêves comme ci-dessus ont une valeur presque épique. D’autres peuvent être plus politiques: les pères fondateurs de la Communauté européenne, dont Robert Schuman, Jean Monnet et Konrad Adenauer, ont rêvé une Europe sans guerre, unie dans ses différences, donnant au monde un nouveau pôle de paix. Ce rêve a quelque chose d’inouï et d’extraordinairement moderne. Notre continent est formé de pays si variés dans leurs langues et leurs cultures, bien qu’ayant un bout d’histoire commune, que l’unité ne sera pas l’uniformité ni l’hégémonie, mais l’alliance des diversités, la gestion du complexe et du multiple. Ce qui est très nouveau en regard de la plupart des empires du passé.

“Assez de guerres civiles ! Nos populations des frontières sont bien placées pour le savoir. Les frontières qui nous séparent ne doivent pas être une barrière entre des peuples, entre des hommes, qui, en fin de compte n'ont jamais été eux-mêmes à l'origine des conflits, il faut en finir avec la notion " d'ennemi héréditaire " et proposer à nos peuples de former une communauté qui sera le fondement un jour, d'une patrie européenne.” Robert Schuman
 
 

Les rêves mythiques
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D’autres rêves ont une valeur à la fois intime et universelle comme le mythe d’Icare. Pour s’enfuir du Labyrinthe et échapper à la vengeance de Minos, Icare et son père Dédale s’envolent au moyen d’ailes formées de plumes collées sur leur corps. Ce rêve symbolise, entre autres lectures possibles, le désir de l’humain de dépasser sa condition, les contingences de la matière, et la dureté de la vie. Dans une certaine mesure la technologie moderne a réalisé ce rêve: on vole, on travaille avec des outils qui rendent la peine moins dure. Mais Icare a voulu aller trop près du soleil, trop près de la lumière: la colle des plumes fond, il chute et se noie.

La chute est présente aussi dans la Genèse, où Adam et Eve perdent le paradis à cause de la faute. Car la chute est liée à la faute et à la culpabilité. On peut se demander à ce sujet si la chute est la punition et la conséquence d’une faute, ou si ce n’est pas la peur de la chute qui est elle-même la faute. Quoi qu’il en soit la chute est souvent associée au rêve d’envol.

Le catastrophisme actuel, les imprécations dont notre mode de vie est l’objet, n’est-il pas une réalimentation de la deuxième phase du rêve d’envol: la chute? Si, à force de nous dire que nous faisons faux et que nous allons tomber, nous n’allions pas finalement vraiment tomber? Comme si nous nous programmions nous-même pour cette fin. Serions-nous notre pire ennemi? Au diable la chute, à dieu l’éternité. Choisissons donc notre camp… C’est une image, bien sûr. Pouvons-nous reprogrammer ce rêve d’envol, et le terminer par la liberté plutôt que par la chute? Travailler ainsi sur nos inconscients? Car la puissance du rêve donne autant de force à la chute qu’à l’envol, et tout rêve est voué à l’échec s’il comporte la chute dans sa genèse.

Graal4.jpgLa quête du Graal est un autre rêve collectif. Là encore différentes lectures symboliques sont possibles. Les auteurs s’accordent à dire que cette quête, cette recherche mi-celtique mi chrétienne du calice qui peut sauver et guérir, est plus à prendre comme une voie initiatique intérieure que comme une réalité matérielle. Ce qui compte, ce n’est pas tant le calice lui-même que l’attitude intérieure du chevalier qui le rend digne de sa quête. Le Graal est donc comme un appel à développer en nous des valeurs de clarté d’intention, de bienveillance, de dépassement de soi, de service à l’humanité. Dans cette quête, l’important n’est pas le but mais le chemin pour y parvenir. Si tous nous devenions des chevaliers intègres, le monde changerait.

Le rêve de l’enfant ou de l’adolescent de faire quelque chose de bien de sa vie est la dimension individuelle du rêve collectif. La culpabilité programmée depuis l’enfance est la promesse d’échec du rêve. Vient alors un autre rêve: celui de de l’innocence retrouvée, que ce soit par une conversion, un baptême et la confession dans les religions chrétienne, ou par un changement de vie, ou de couple. C’est encore une autre illustration du désir d’échapper à notre condition, de refaire notre monde. De recommencer après la chute, comme Sysiphe. Il y a beaucoup à méditer autour de ce thème.

L’Eldorado est aussi un mythe fort. Sous ce nom il a alimenté les rêves des conquistadors dès le XVIe siècle . On disait qu’il y avait une terre regorgeant d’or en Amérique du sud. Et en fait les colons ont pris aux Incas leur or, souvent au prix de massacre. Triste rêve. Mais sous d’autres formes c’est le même rêve que la Terre promise (extrapolée à l’ensemble de l’humanité), et le pays de Cocagne - contrée supposée riche et généreuse, sans famine ni guerres, et sans besoin de travailler.


Les rêves poétiques
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Il y a aussi des déclinaisons plus poétiques du rêve d’un autre monde. Le poème d’Eluard, Liberté, en est un exemple. La dernière strophe est explicite de la puissance du rêve:


“Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Car je suis né pour te connaître
Pour te nommer

Liberté”




Mes rêves

Je donne ici un témoignage personnel, car si le rêve est une vision théorique, encore faut-il voir comment on s’efforce de le rendre concrêt afin d'aligner mes actes avec mes idées. Personnellement j’ai beaucoup rêvé ma vie. J’ai plusieurs grands rêves. Il y a le rêve amoureux d’une transformation l’un avec l’autre, l’un par l’autre. Mais celui-ci est trop subjectif pour être abordé ici. Un autre de mes rêves s’inscrit dans la tradition anti-autoritaire. Je rêve d’un monde où les humains ne se donnent pas de pouvoir les uns sur les autres. Sauf des pouvoirs temporaires, délégués, délimités, comme en politique. Je pourrais lui donner le nom de “rêve de la non domination”, à l’opposé de certains qui ont ou ont eu des rêves de domination. Il est de bon ton de dire aujourd’hui que mai 68 a été une chienlit, un chaos. Par rapport au monde d’avant, très rigide et cloisonnée, peut-être, et tant mieux. Il y a eu des excès, oui. Mais cela a été une avancée puissante vers moins de domination entre humains. La parole s’est libérée. Le rêve s’est libéré. Mai 68, c’est la puissance du rêve. De nombreuses perspectives nouvelles ont pris forme depuis, dans de nombreux domaines. Bien sûr, il faut apprendre à gérer cette liberté et cette complexité qui s’est manifestée avec évidence. On ne change pas de monde si facilement.

La non domination, dans mon itinéraire, se loge moins dans le combat politique – même si cela passe aussi par là – et plus dans la conscience individuelle. La domination est en chacun, comme une empreinte atavique, un héritage de formes de relations animales qui ont aussi servi la survie de l’espèce, jusqu’à un point. Nous ne savons pas encore si une grande liberté sans domination et la grande complexité qui en découle seront viables. Nous essayons. Il faut donner des repères pour cela. Edgar Morin en propose une conceptualisation, trace des piste de fonctionnement intellectuel. Il y a selon moi un autre passage obligé: celui de la remise en question individuelle de nos mécanismes de fonctionnement. Les contestataires de 68 ont échoué à se réformer eux-mêmes, ils n’ont pas questionné leurs atavismes mentaux et intimes.


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Aucun système n’ira en fin de compte plus loin que les humains qui l’incarnent. La mise en pratique individuelle de ce rêve de la non domination est encore à baliser. Dans mon travail de formateur d’adultes, je suis parfois surpris de l’autorité que l’on m’attribue, et de la crainte liée pour certains à cette image de l’autorité. Alors que mon travail est une fonction, un service limité à l’espace de cours, et en aucun cas un privilège. Je pratique une pédagogie interactive, loin des formes univoques de transmission, pédagogie qui responsabilise l’étudiant. Même la géographie de la salle de cours est alignée sur ce principe d’interactivité: petits sièges au sol, disposés autant que possible en ovale, sans marque classique de domination pour l’enseignant. J’essaie ainsi de mettre mon rêve en pratique.

Les médecines douces font pour moi partie de la réappropriation par chacun de son propre pouvoir sur soi. Par l’écoute de son corps, l’identification de ses besoins, l’expression de son vécu sans risque d’être jugé. Et par la participation à son chemin de santé.




Babel 2

Si j’étais milliardaire, j’irais plus loin dans ce rêve. Je ferais construire une ville, pour environs 5’000 habitants. Je réunirais des penseurs, des chercheurs, des gens qui souhaitent disposer d’un laboratoire vivant sur la non domination. Il pourrait y avoir différentes religions, mais l’esprit critique serait supérieur à la croyance. Il y aurait un espace de palabre où chacun aurait sa place pour discuter des litiges et de la gestion de la ville. Des individus y viendraient du monde entier faire des stages, pour s’imprégner des comportements et des relations de non domination. Et repartiraient chez eux mettre cela en pratique dans leur propre environnement. Il n’y aurait pas de maître à penser, pas de gourou, pas de privilège, seulement beaucoup d’écoute mutuelle.

Le travail sur soi sera simple. En face de chaque personne on se pose la question: “Ai-je envie, ou besoin, de lui prouver quelque chose, d’être mieux qu’elle, de la dominer?” Quand ce besoin devient inopérant en soi à force d’être vu, on a mis un pied dans la non-domination. On l’adapte ensuite progressivement à différents secteurs de la société. Car ôter la domination des rapports humains, c’est ôter un bug majeur aux implications multiples.

Je nommerais cette ville: Babel 2. La tour de Babel de la Bible n’a pas fonctionné, les humains n’étaient pas prêts à gérer le multiple et le complexe. Peut-être le sont-ils maintenant.
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Une des valeurs fondamentales que je proposerais dans les relations interpersonnelles serait: la bienveillance. Une autre serait la lucidité. Une troisième serait la liberté. J’ai peu de chances de réaliser un jour ce rêve, mais l’important est que ce rêve existe, trace son chemin, et qu’un jour peut-être d’autres trouveront les moyens de le réaliser.


Conclusion

Voilà quelques pistes pour illustrer la puissance du rêve, à la fois comme incantation supra-personnelle, et comme mise en pratique personnelle. Comme vision et comme mise en mouvement. Un billet pour traiter ce sujet c’est très court. J’aurais pu prendre de nombreuses autres pistes. J’ai dû faire des choix, prendre des options et en écarter d’autres. Je ne saurais prétendre être exhaustif, chacun ayant sa propre vision et se rattachant à tel ou tel rêve collectif. Ce thème est donc à compléter par votre vision, par vos propres rêves.

Tous les rêves ont en commun un dépassement de soi et du réel du moment. Ce qu’il me semble c’est qu’un rêve peut, un jour, transformer le réel.

Rêver c’est une attitude, un regard sur le monde. Notre regard est notre choix. J’ai plus parlé du rêve que je n’ai rêvé dans ce billet. Alors pour finir, un court extrait de Christian Bobin et un d’une chanson connue, puisque la poésie est, une des portes du rêve.

“L’arbre est devant la fenêtre du salon.

Je l’interroge chaque matin: “Quoi de neuf aujourd’hui?” La réponse vient sans tarder, clamée par des milliers de feuilles: “Tout”.

(L’enchantement simple)



podcast



Rêvons de toutes nos forces.



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Catégories : société 19 commentaires

Commentaires

  • Le problème d'un rêve où il n'y a pas de domination des uns sur les autres, c'est qu'on se demande : Alors, qu'y aura-t-il ? Peut-être que la réponse vous paraît évidente, mais pour beaucoup, ce n'est pas le cas. Beaucoup pensent que le progrès lui-même vient de la compétition, laquelle dépend du désir d'être supérieur aux autres. Votre cité merveilleuse où tout le monde discute librement présuppose qu'on ait envie de discuter. Mais pourquoi discute-t-on, au moins la moitié du temps, si ce n'est pour prouver qu'on a plus raison que les autres ?

    Le problème est bien de savoir ce qui peut remplacer l'instinct de compétition. Si vous ne le dites pas, on peut très bien s'imaginer que dans votre cité de rêve, les gens n'auront pas d'instinct, qu'ils seront comme aseptisés de l'intérieur. Qu'à la place de l'instinct, il n'y aura rien.

  • Il est possible que je sois un peu atypique par rapport à la mentalité courante. Non pas que je sois exempt d'esprit de compétition et que je ne sois pas porteur des même atavismes. Mais j'ai pu réaliser des activités et une démarche personnelle dans lesquelles je m'investis et où ma valeur n'est pas seulement comparative, mais se jauge au résultat intrinsèque.

    La compétition peut être une émulation utile, cela ne me dérange pas. Le problème est d'être "supérieur". Notre mentalité évalue une variété très larges d'humains différents sur une même mesure. Alors que dans le monde multiple et complexe, il y a plusieurs échelles d'évaluation. Par exemple, l'école privilégie une forme d'apprentissage selon un modèle de perception de l'information. Peut-on juger un visuel en cours de musique de la même manière qu'un auditif? Certainement pas.

    Si je devais donner une image, notre système nous pousse à tous courir vers le même mât de cocagne. On sait que c'est un système de gagnants et de perdants. Alors que si l'on se rend compte qu'il n'y a pas qu'un seul mât de cocagne mais plusieurs, chacun peut prendre celui qui lui convient, et l'on entre dans un système où tout le monde est gagnant.

    Il n'y a pas de fatalité ni de légitimité "naturelle" à notre système qui produit des perdants. Il n'y a aucune obligation de fabriquer des perdants, et aucun empêchement à n'avoir que des gagnants. C'est le paradigme qui change, et la valeur accordée aux différentes positions dans le groupe. Dans un système qui valorise les 3 premiers du podium aux JO, il est clair que le 4e et les suivants n'ont pas de valeur, ni marchande ni autre. Si tous sont fêtés de la même manière pour le travail accompli, si le premier trouve sa récompense non seulement dans la reconnaissance des autres, mais d'abord dans l'estime qu'il s'accorde à lui-même, tout change.

    Le problème est que nous sommes dans une société infantilisée, dépendante. La médaille d'or brandie vers le ciel est un signe grave d'une dépendance infantile envers la reconnaissance d'autrui. Les meilleurs athlètes sont des mutilés affectifs, des immatures.

    Ma cité "idéale" inclurait de nombreuses échelles d'évaluation, et favorisera le fait que chacun trouve sa réalisation à sa manière dans un domaine à la fois utile pour tous et créatif ou plaisant pour lui. L'acceptation de nombreuses variables en place d'un modèle unique est - je l'espère - de nature à replacer la compétition dans une perspective d'émulation et non plus de guerre. Ce n'est pas parce que notre modèle s'est construit ainsi que c'est le seul modèle.

    L'instinct existera, les pulsions. Il ne s'agit pas d'envisager Babel 2 comme un lieu aseptisé - car le risquer en serait que même la sexualité serait désamorcée et que la reproduction ne se ferait plus, ce qu8i serait à l'encontre de la survie de l'espèce. Donc, pas de négation ou de castration de l'humain. Mais plutôt une acceptation de l'instinct et de la compétition comme des moments de l'être, ou des phases de la vie, et non comme une finalité en soi.

    Ce serait clairement une cité plus "écologique" mentalement et socialement parlant. Par exemple, la consommation compulsive où les individus sont mis peut être remplacée par une vie sociale plus communicante. Parler ne serait pas simplement prouver aux autres que l'on a raison, quoi que cela ne me dérange pas fondamentalement, si l'on peut inclure aussi le fait que d'autres aient raison, mieux dans certains domaines, ou d'une autre façon, ou à un autre moment. Tout dépendra. les besoins doivent être mis à jour: est-ce que je parle pour montrer que je suis le meilleur, ou pour exister, ou pour communiquer en vue d'une perception ou d'une action?

    En fait ce sera une société situationniste. L'adaptation aux situations, aux moments, aux relations, prendra le dessus sur les systèmes de règle unique, qui sont eux forcément des systèmes de domination. Un libéralisme éclairé en quelque sorte.

    Donc plutôt que d'empêcher l'humain d0'être, on lui proposera des outils de compréhension de lui-même, qu'il fera d'ailleurs évoluer selon ses besoins. Mais cela sera autour non pas d'être le meilleur comme dans notre culture, mais d'être non-dominant. C'est un autre paramètre pour lequel il faut encore trouver des balises. C'est pourquoi une telle cité serait toujours en système ouvert, non fini, car en évolution permanente selon les besoins et situation.

    Ce serait peut-être le commencement d'une société de la sagesse.

    J'apprécie que vous apportiez la contradiction, ou du moins un regard critique, cela me permet de préciser ma vision, voire d'en découvrir de nouveaux aspects.

  • Cher Hommelibre, on est encore très loin de cette société. Merci de nous faire rêver malgré tout. En dehors des normes, la plupart des gens sont incapables de penser par eux-mêmes et n'ont aucune idée des valeurs à défendre, sauvegarder, réaliser! Dur, dur, la condition humaine ...

    Bien à vous, qui savez parler à notre intelligence autant qu'à notre coeur!

  • Et bien Babel 2 pourrait devenir un laboratoire pour l'humanité future! Même dans l'éducation, des tests seraient fait pour évaluer la meilleure manière de mettre en pratique la non domination dès l'enfance sans priver les enfants de leur instinct pour autant. Imaginez, Micheline, qu'un groupe d'humains influents, parmi lesquels des savants de premier plan, des prix Nobles, d'anciens politiciens respectés, des gens de tous rangs, se réunissent autour du projet Babel 2. Puis demandent à lONU, aux gouvernements, partout, des fonds. Il faudrait budgétiser le projet sur 30 ou 50 ans, voire 100 ans. Après la mise de fond initiale pour la création d'une ville de 5'000 habitants, écologique, il faut un fond de fonctionnement en attendant que les habitants soient autonomes, mais aussi pour soutenir les recherches, les conférences mondiales, etc. Qu'en pensez-vous, Micheline? En 10 ou 20 ans Babel 2 pourrait voir le jour!

  • @ R. Mogenet: Je reviens encore sur la première phrase de votre commentaire, qui est à plusieurs points de vue importante: "Le problème d'un rêve où il n'y a pas de domination des uns sur les autres, c'est qu'on se demande : Alors, qu'y aura-t-il ? "

    En effet, qu'y aura-t-il? On ne le sait pas encore précisément, pas à un niveau collectif. Sera-ce une immense déprime collective, une démotivation? Les humains auraient-ils leur moteur cassé? On ne peut exclure cette hypothèse. D'un autre point de vue, on ne peut pas le savoir avant d'avoir essayé. Le système qui produit des perdants produit aussi beaucoup de souffrance. Faut-il accepter la souffrance, serrer les dents, même se soumettre à des épreuves "virilisantes" d'endurance? Accepter de n'avoir rien quand d'autres ont tout? Ne plus avoir de solidarité humaine, clanique, sociétale?

    Parce que s'il faut cela pour permettre la survie de l'espèce, alors nos sociétés font complètement fausse route. Je pousse à l'extrême pour faire l'avocat du diable, et je ne vous impute pas cette pensée: on doit laisser mourir les faibles car ils coûtent et affaiblissent la société. Dans cette hypothèse, les assurances sociales et maladie, l'égalité, le respect mutuel, sont la perte de l'humanité.

    Mais peut-être peut-on vivre aussi dans une société sage, intelligente, sans domination, avec la solidarité mais sans l'assistanat, peut-être est-ce le futur. Comment le savoir? Nous savons plus ou moins d'où nous venons, mais par définition nous ne pouvons savoir où nous allons, et pour le savoir il faut essayer. C'est une position de confiance dans l'humain.

  • Mais on ne peut quand même pas essayer en partant totalement au hasard. C'est un peu comme si on devait chercher dans le noir un objet qu'on n'a encore jamais vu en pleine lumière. L'absence de domination, c'est un peu comme vous disiez : vous pouvez chercher partout dans l'obscurité cet objet, sauf de l'endroit même où vous venez, c'est à dire celui que vous connaissez déjà.

    La raison doit déjà chercher quel principe peut l'éclairer, dans l'obscurité.

    Mais dans la vie, on ne parle pas seulement pour avoir raison, ni même seulement pour exister, mais aussi pour représenter par la parole une vérité ou une réalité qui peut guider. Par exemple, la parole peut servir à décrire la pièce obscure dans laquelle vous cherchez votre objet inconnu. La discussion qui peut s'instaurer alors n'est pas là forcément pour assouvir la vanité des orateurs, mais pour mieux préciser la situation de la pièce, la confrontation de plusieurs points de vue permettant d'avoir une vision plus complète, et donc de trouver plus facilement l'objet.

    Mais cette situation est déjà celle que nous vivons. A mon avis, pour ce qui est d'essayer du neuf, il ne faut pas commencer par agir, et puis penser seulement après : il faut bien commencer par y réfléchir, et proposer des modèles réellement nouveaux, qui contiennent clairement un élément nouveau pouvant améliorer l'ensemble : car opérer par suppression d'éléments malades (et ils le sont vraiment, je l'entends bien), cela n'est pas progresser absolument, c'est simplement survivre. Il faudrait avoir quel élément nouveau pourrait permettre de rendre la santé aux parties malades. Or, partir dans l'inconnu, à cet égard, c'est risquer d'empoisonner l'ensemble.

  • Errata : "c'est un peu comme SI vous disiez" ; "sauf DANS l'endroit D'où vous venez" ; "il faudrait Savoir quel élément nouveau" : désolé.

  • Bonjour, oui c'est en partie cela: chercher dans le noir un objet que l'on n'a encore jamais vu. Deux réflexions à ce sujet.

    1. Les humains avancent vers l'inconnu dans beaucoup de domaines. Les problèmes rencontrés ne peuvent pas toujours être résolus par le connu: car c'est le connu limité qui contribue à les générer. Donc de ce connu ne peut pas venir une solution complète. Il y a un moment où un "saut quantique", un changement de paradigme, est nécessaire. Mais ce n'est pas toujours le connu qui génère ce saut: ce peut être l'intuition, ou une application imprévue de la recherche fondamentale, ou la capacité qu'a un chercheur d'associer à un moment donné des éléments disparates qui ne présentaient pas de lien auparavant.

    Dans bien des domaines nous sommes aujourd'hui dans un monde que personne n'aurait pu connaître ou imaginer précisément il y a des siècles ou des millénaires. Je pense à la technologie, bien sûr, mais aussi à la démocratie. Cela n'existait pas il y a longtemps. Il a fallu un besoin, un rêve, ou une intuition initiale, qui peu à peu s'est formée, a été testée, avant d'aboutir à une application concrète. La recherche scientifique sur les rayonnements, ou même sur l'électricité, ne disposait pas d'éléments avant que des chercheurs en aient un pressentiment et ne fassent des recherches plus systématiques. L'intuition a souvent précédé l'expérimentation, laquelle a ensuite permis de théoriser, de penser. Parfois on pense avant d'agir, parfois l'inverse, et les deux cas de figure peuvent produire de la connaissance et des applications.

    2. Cependant, même avec un saut quantique ou un changement de paradigme, rien ne sort tout seul de l'obscurité. D'une part, l'intuition que l'on a de la chose permet d'explorer l'obscurité à la recherche d'indices. D'autre part, il y a souvent des expériences du passé qui, bien que limitées, servent d'éléments de base. C'est le cas de la démocratie.


    Si donc j'en reviens à la non-domination, qui est un aspect des relations humaines et de la notion d'autorité, je n'ai rien inventé. C'est un sujet qui fait débat depuis longtemps. On peut même dire que les premières communautés chrétiennes tentaient de vivre la non-domination entre les membres. La remise en question des privilèges à la révolution française participe à cette démarche.

    Donc d'une certaine manière vous avez raison de dire que c'est déjà, en partie du moins, ce que nous faisons. Mon idée est d'aller plus loin, délibérément, consciemment. De faire de la non-domination un thème social, philosophique, comportemental, à part entière, et de travailler dessus au plan individuel - car le changement de système ne change pas automatiquement les mécanismes de fonctionnement.

    La démocratie est un système d'organisation qui contribue à limiter les rêves de domination et les pouvoirs. D'une part il n'y a plus de pouvoir divin, et ce pouvoir est limité dans le temps. D'autre part des contre-pouvoirs ont été mis en place. Mais on est ici dans la limitation, l'encadrement du désir de pouvoir et de domination, pas dans son extinction/transformation individuelle.

    Plutôt que de limiter cette "pulsion" de domination, je propose d'aller à sa source, et de réorienter cette forme d'énergie dans la conscience individuelle. On voit dans certaines psychothérapie comment, quand un individu prend conscience de ses propres besoins, et de ses blessures intimes, son agressivité ou sa volonté de soumettre autrui change. Il n'en perd pas son instinct, il le réoriente.

    Donc: nous ne sommes pas totalement dans l'obscurité, mais il faut admettre une part de non-connu dans la recherche quelle qu'elle soit. Il faut tenter, essayer, vérifier, changer ce qui ne marche pas, trouver constamment de nouvelles pistes. Et plutôt que d'en faire une démarche essentiellement individuelle comme en thérapie, je propose d'en faire un fait culturel majeur collectif.

    Dans Babel 2, je ne renoncerais pas aux éléments mis en place actuellement, je les pousserais plus loin, plus à leur source.

  • C'est sûr que ne pas accepter la part d'inconnu, c'est une forme de pathologie, une fausse prudence qui en fait relève de la peur. Mais à mon avis, l'intuition elle-même doit avoir une direction : c'est ce qu'on appelle le génie. La différence entre le poète romantique de génie et le poète romantique pas de génie est justement dans la qualité de l'intuition. Sur cette question, évidemment, on peut estimer honnête de ne rien dire, car il est facile de donner des pistes en réalité complètement arbitraires. Mais même sur un plan philosophique, l'intelligence et l'honnêteté ne suffisent pas, pour emporter l'adhésion : il faut bien que le public ait le sentiment d'avoir affaire au génie.

    Il faudrait chercher qui, dans ce que j'appellerais le courant scientiste, donne le sentiment aujourd'hui d'avoir du génie. Je ne vois pas grand monde, mais je ne connais pas tout le monde. Isaac Asimov avait une littérature très porteuse, mais c'était une autre époque.

  • D'accord avec vous: l'intuition doit avoir une direction, mais tout en laissant des espaces non définis dans lesquels certains pourront explorer des chemins plus personnels, qui d'ailleurs pourraient aboutir ou non. C'est dans la pratique personnelle et relationnelle que les choses se vérifieront.

    Et en effet l'intelligence et l'honnêteté ne suffisent pas. Dans mon idée, je ne voudrais pas non plus dépendre d'un génie, mais en esprit démocrate je souhaite que les orientations et recherches soient partagées par le plus grand nombre. Pour qu'elles le soient peut-être faut-il associer les humains, et non seulement les faire dépendre d'un génie.

    Si le génie devenait l'assemblée de tous dans nos créativités en interaction? En fait dans cette cité laboratoire, j'inviterais des chercheurs et penseurs de tous bords, pour travailler en vaste assemblée ou petites équipes qui ensuite mettent en commun. La palabre et la critique feraient partie de tout processus de décision. Les expériences relationnelles seraient analysées et creusées pour vérifier leur fiabilité dans le temps et dans l'application. Les chercheurs ne feraient pas pour autant la loi. Chacun participerait au processus, et j'ai l'audace de penser que cela rend intelligent même les profanes.

    Comme je l'écris plus haut, il y a des pratiques qui existent déjà actuellement. Ici l'avancée seraient d'en faire un thème majeur et d'en faire une référence sociétale commune, plutôt que de laisser cela en ordre dispersé comme actuellement. Et à nouveau j'insiste sur le fait que la théorie serait passée au crible d'un travail sur soi pour mettre en pratique, en toute liberté. Ce serait un système en constant mouvement, mais dont les orientations stables existeraient pourtant, comme dans toute société. En fait ce pourrait être une forme de synthèse entre certaines traditions: palabre, dimension intérieure, et des approches plus modernes: psychologie, sociologie, sciences physiques, afin de chercher une forme de cohérence encore jamais élaborée socialement.

    J'imagine Babel 2 non pas comme un aboutissement, mais comme une tentative de synthèse et de fondement concrêt, personnel et collectif, d'un nouveau paradigme.

  • Bonsoir: des tas d'dées intéressantes! Néanmoins, Babel veut dire CONFUSION, et relate une histoire qui n'est pas considérée comme positive dans la Genèse (symbole de l'orgueil humain) ...:=)

  • Hello Ark, c'est en plein dans le sujet. D'une part, la confusion pourrait bien être le symptôme de la difficulté à gérer la complexité. C'est tellement plus simple quand il n'y a qu'une loi et qu'une parole, mais c'est encore la structure autoritaire de domination, pas l'assentiment de tous qui produit l'unité dans la diversité. D'autre part, j'ai choisi à dessein Babel en référence à la bible: l'objectif est de reprogrammer les malédictions du passé et de sortir de l'âge de la culpabilité. Ce n'est pas parce que certains ont déclaré à une ancienne époque que la tour de Babel symbolisait l'orgueil humain que c'est vrai! Et cette façon de voir n'est plus ma tasse de thé. Je la refuse clairement et définitivement. Ce n'est qu'une programmation. D'ailleurs, Babel 2 exigera de chacun beaucoup de vérité et d'humilité, mais ce sera tellement plaisant que l'on n'aura rien perdu. Pas de programmation de la chute = pas de chute, cela jusque dans les tréfonds de l'âme humaine.

  • Hommelibre, j'ai un peu l'impression que vous décrivez simplement ce qui se fait à notre époque dans les milieux universitaires. Or, tout le monde y participe, peu ou prou, par l'école obligatoire.

    Pour le génie, je crois qu'il ne peut pas être dans le collectif, parce que le collectif soit est soumis à des mouvements d'ensemble qui sont trop en deçà du conscient individuel, et, je dirai, se situent plutôt sur le plan animal, soit (lorsqu'il passe par l'expression raisonnée) il est forcément intellectualisé et soumis à des modèles conceptuels figés, afin de permettre la compréhension mutuelle, et donc, empêchant l'intuition de se déployer.

    Le génie je pense ne peut être qu'individuel. C'est du reste pour cela que je recommandais de s'appuyer sur des auteurs particuliers, dont le génie était reconnu (au moins par soi). Sinon, du reste, comment créer souplement et normalement un mouvement qui puisse être collectif ? Si chacun veut n'être que son propre guide, l'organisation collective ne pourra être qu'imposée par les individus qui seront sortis vainqueurs de la compétition politique. C'est un paradoxe.

    On ne peut pas changer la nature de l'être humain, je pense. On peut seulement l'améliorer, tel qu'il est.

  • Oui, en effet c'est en partie quelque chose qui se passe déjà. On ne part donc pas de l'obscurité.

    Mon idée va plus loin que la situation actuelle:

    1. Etendre le travail de groupe, l'interaction, la dynamique d'équipe et une démocratie pointue à l'ensemble d'une communauté, alors qu'aujourd'hui elle est le fait de quelques ilôts. Cela suppose un plus grand partage des connaissances, des intérêts, des options de vie. On irait vers une société de moims en moins cloisonnée.

    2. Le thème de la non-domination n'est pas explicite actuellement dans les ilôts où existent ce genre de fonctionnement. Ici il serait totalement explicite, comme une réflexion primaire à laquelle on revient à chaque fois que c'est nécessaire.

    3. Cela suppose un travail sur soi, sur son propre fonctionnement, une définition des besoins personnels mieux articulés à la communauté. Ce genre de travail sur soi n'existe que très peu dans les ilôts actuels. En effet les réflexes primaires sont: l'argent, la notoriété, la domination sociale ou intellectuelle. Ici, chacun comprendrait intimement que le bien de tous est le bien de chacun. L'évolution de la communauté apportant abondance de partage et de communication, ce serait un nouveau type de challenge que de faire profiter tous des qualités de chacun, comme un grand pot commun et non au profit de seuls petits groupes d'intérêt.

    4. En fait, plutôt que de faire reposer l'évolution humaine sur un système ou une corporation, elle reposerait sur une redéfinition des relations humaines. On peut dire que cela existe en partie déjà, mais il manque souvent le mode d'emploi. Par exemple, les religions proposent un travail sur soi - enfin, en principe. Mais ce travail n'est pas complet. La notion de conversion et de péché produisent des humains clivés, divisés en deux, approuvant une part d'eux-mêmes et rejetant l'autre. Cette méthode répressive ne transforme pas les atavisme et ne fait que comprimer la part rejetée, celle-ci ressurgissant soit ouvertement lors de guerres entre autres, soit subrepticement dans les relations humaines. Cela produit ce dédoublement entre l'être social, ou de façade, et l'être intime. Cela donne aussi fréquemment des doubles langage: officiellement je te respecte, mais au fond de moi, souvent inconsciemment, je t'écrase.

    Ici le but est entre autres d'aligner l'intime et le social, tout en redirigeant constamment les pulsions dominatrices vers le partage.

    5. Babel 2 étant un laboratoire, elle serait composée de volontaires, chacun ayant en conscience le travail à faire sur soi. Il faudra ensuite évaluer la faisabilité à plus large échelle.

    6. En ce qui concerne la direction politique de la cité, elle serait la conséquence de véritables palabres où chacun est écouté. Il y aura des différences de points de vue donc je ne pense pas que ces décisions puissent être prises à l'unanimité. Il y aura une part de démocratie comme nous la connaissons. Mais avec davantage de contre-pouvoir et de mise à plat des besoins et objectifs de chacun. De plus les différences d'opinions ne devraient pas aller jusqu'à l'affrontement de deux systèmes. Notre démocratie est clivée entre d'une part la droite, soit l'économie libérale, l'individu, etc, et d'autre part la gauche, soit le social, la redistribution. A mon avis ces deux volets ne doivent pas s'opposer. Ils sont deux élément d'un tout. Les assemblées de palabres devront inclure tous les possibles peu à peu se déterminer en vertu non pas d'un dogme fixé une fois pour toute, mais en fonction du meilleur dans chaque situation et dans chaque période.

    7. Si cela fonctionne pour une petite communauté de 5'000 habitants, il faut ensuite voir comment l'agrandir sans perdre l'acquis. Au niveau politique cela supposera un système fédératif à tous les niveaux. La démocratie viendra vraiment de la base, et la palabre associée au travail sur la non-domination seront des garant du bon fonctionnement.

    Pour étendre un tel système, il faudra qu'il offre une satisfaction plus grande qu'actuellement. Les relations humaines plaisantes, fortes, prendront peu à peu la place des réflexes consuméristes et de la compétition dominatrice. Il y aura toujours des gens qui, soit en bossant plus ou mieux organisés, gagneront plus. Mais il n'y aura pas de privilège particulier attaché à cela.

    Le pilier central de cette cité est bien le travail sur la non-domination. Car par ailleurs elle sera un prolongement de notre démocratie, mais à la quelle il sera rajouté ce pilier comme exigence de base. Sans contrainte, mais avec le plaisir d'une beaucoup plus grande liberté.

    C'est un pari, bien sûr, sur l'amélioration de l'humain. Il ne s'agit pas de nier la configuration de l'humain, avec tout ce qu'on lui connaît de magnifique et de terrible. Mais d'orienter consciemment une des pulsions (la domination) qui est celle qui pose généralement le plus de problèmes.

    La loi par exemple punit le crime. Normal et souhaitable, car une société qui tolère le crime se perd elle-même tant ses membres se dressent les uns contre les autres. Mais le crime est une forme de domination: je me permets de voler ou de tuer autrui. La punition ne change pas l'orientation intérieure. Ici l'accent sera mis sur ce changement. C'est le nouveau paradigme. Ce sera une société hautement éthique, mais sans l'obligation d'entrer dans une religion, d'obéir à un maître.

    C'est un grand pari sur l'humain, une foi en ses capacités.

  • J'ajoute que cette cité de Babel 2 serait une sorte de synthèse des sociétés de type aborigènes (partage des connaissances qui sont mises en commun, écologie, union avec l'univers, fêtes et partage, subjectivité du rêve en bonne relation avec l'objectivité de la communauté), de l'individualisme (le travail sur soi est individuel, sans gourou, chacun devenant toujours plus souverain de sa propre vie et responsable de soi devant le groupe, et créatif, libre), et technologique (tout ce que nous avons développé continuera).

  • C'est ambitieux.

    Cela dit, en principe, les sept vices de la religion chrétienne sont les pendants négatifs des sept vertus. Il ne s'agit donc pas tant de chasser le naturel décrété pervers, que de le métamorphoser. Précisément, la volonté de chasser le naturel décrété pervers et nuisible à la société vient plutôt des philosophes - et des stoïciens, en particulier.

    Je suppose que la mystique médiévale occidentale, pour lutter contre la tentation du pouvoir sur autrui, posait comme modèle tel prince souverain qui eût pu s'il avait voulu être un despote, mais qui, pour autant, n'a pas renoncé à ses devoirs de prince : pour lutter contre la tentation, on le posait comme étant allé visiter les malades et les pauvres, et comme ayant lavé leurs plaies et leurs pieds, etc. Vous reconnaissez peut-être la figure du roi saint Louis, qui n'était pas proposée seulement aux princes pour les remettre dans le droit chemin, mais aussi aux laïcs de plain-pied dans la vie sociale, et exerçant, comme on dit, des postes d'autorité.

    La volonté d'élaguer, et de s'attaquer à toute velléité de domination, revient quand même à s'attaquer à ce qui chez certains individus existe à l'état latent : ce sont de formidables animateurs de communautés ; c'est ce qu'on appelle l'autorité naturelle, ou le carisme (dont je suis personnellement assez dépourvu, je pense). Or, ce goût spontané pour l'action au sein du tissu social peut être légitimé par les oeuvres de bienfaisance, la philothranpie : la tentation trouve alors sa compensation. Regardez Soeur Emmanuelle : tout le monde lui a reconnu du carisme.

    A mon humble avis, ce dont la société manque, c'est surtout une connaissance claire de la nature humaine, susceptible de distinguer ce qui est en l'homme tient de la nature en général, et ce qui peut être dit "bien" ou "mal" : les deux souvent se confondent de façon pas vraiment légitime.

  • Errata : exerçant A des postes d'autorité ; philANthrOpie.

  • Exerçant LEUR METIER à des postes d'autorité, j'entends.

  • Les personnalité plus "leaders" ne doivent pas pour autant être bridées, car ce serait dommage de perdre les qualités de qui que ce soit. Je n'ai pas encore envisagé tous les cas de figure mais dans certains cas ce seront des personnes qui, s'ils ne peuvent transformer leur désir d'entraîner les autres, pourraient trouver une place où cela est utile: enseignement par exemple. Mais il devrait y avoir une supervision car on ne se voit pas toujours soi-même.

    Oui la nature humaine et les fonctionnement fondamentaux doivent être connus. J'ai le sentiment que peu à peu l'on avance vers cela. Pas spécialement par la psychologie, car elle a aussi ses théories et dogmes, mais plus par la neuro-psychologie, où l'on peut faire le lien entre des comportements et la physiologie.

    Mais pour éviter au final d'être dans une nouvelle forme d'obligation et de domination subtile (car après tout la sagesse peut aussi revêtir un aspect contraignant), il sera important d'ajouter à la non-domination la notion de plaisir. Encore un vaste thème, le plaisir, que je traiterai peut-être un jour.

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