Patrick McGoohan est décédé le 13 janvier. Je ne le connaissais pas avant qu’Azrael m’en parle. Il était le héros d’une série culte des années 60, “Le Prisonnier”. Série que je n’ai pas vue mais que je compte bien découvrir prochainement en DVD.
Pour le clin d’oeil, Azrael me surnomme parfois “No 6”. J’ignorais pourquoi, il m’en a donné l’explication: dans la série, les geôliers du Prisonnier l’interpellent par son matricule: No 6. Et la réplique culte qui figure sur des affiches est:
“Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre!”.
Petit apparté: quand Azrael me surnomme No6, je lui répond en l’appelant “Miaou” - référence au chat de Gargamel dans les Schtroumpfs (j’ai aussi mes classiques...).
Concernant la série “Le Prisonnier” ce que j’en sais m’intéresse. Il s’agit d’un homme retenu dans une sorte de village-prison, qui tente de s’évader à chaque épisode et qui est repris à chaque fois.
Cela me fait penser au mythe de Sisyphe. Ce personnage de la mythologie grecque poussait un rocher en haut d’une montagne, et une fois arrivé le rocher retombait en bas. Il recommençait à le pousser en haut, le rocher retombait, et ainsi de suite. C’est un mythe qui m’a beaucoup intéressé à mon adolescence.
Il illustre pour moi, entre autre, la répétition de comportements, d’actes, d’échecs éventuels, et le non-aboutissement de nos actions ou intentions. Par exemple, reproduire le même comportement dans le travail ou en couple, et en arriver aux mêmes résultats sans que cela ne change jamais vraiment.
Il y a une part de répétition dans l’humain. Elle est même fondamentale et fait partie d’un processus d’apprentissage: nous répétons jusqu’à ce que sous sachions. Alors seulement nous pouvons passer à autre chose. Le mythe de Sisyphe est parfois interprété comme une fatalité, ou comme l’impossibilité à changer nos conditions et esquisse une sorte d’absurdité de nos actions. Je préfère y voir l’aspect positif de l’apprentissage.
En relation avec ce mythe et avec la notion de non-aboutissement, j’ai développé une réflexion et une pratique pour justement tenter d’aboutir et ne pas recommencer éternellement les mêmes choses. J’y arrive dans certains domaines, pas dans d’autres. Comme outil, la Gestalt par exemple permet de reprendre un vécu répétitif et de l’aboutir enfin pour passer à autre chose, pour "boucler une boucle". Mais ce n’est pas toujours simple. La répétition est intimement imbriquée avec la mémoire et en est un constituant. Or sans mémoire (donc sans répétition) il n’y a pas de représentation possible du monde ni de repères.
Etre libre est entre autres, dans ma compréhension, être libre des schémas répétitifs. Je ne prétends pas que ce soit mon cas, toutefois me définir comme hommelibre montre une intention dans ce sens, un choix de vie encore en évolution. Je ne suis pas un produit fini, je continue à avancer. C’est aussi cela ma liberté. Quand j'ai choisi ce pseudo et ce titre pour mon blog, c'était aussi libre par rapport à l'expérience difficile dont je sortais à peine. Je reviendrai à d’autres occasions sur ce que représente la liberté pour moi.
Voilà pour ce matin. Donc l’autre “Homme libre", celui de la série est mort; mais il en reste un...
(:o)...
P.S: Quand nos compatriote retenus en Lybie seront-ils libres eux aussi?...
Commentaires
Salutations,
Pour moi, le mythe de Sisyphe est le symbole de nos limites et d'une partie de notre essence.
Au niveau historique et global, l'humanité est condamnée à répéter les mêmes schémas avec très peu de différences car 1) l'évolution est un processus très lent, 2) il faut tout réapprendre à chaque nouvelle génération 3) il est impossible de s'imprégner fondamentalement et totalement du vécu de nos aïeux.
Au niveau individuel, il est difficile de nous détacher de ce que nous sommes (biologiquement) et de ce que nous avons emmagasiné (consciemment et inconsciemment). Dès lors, si nos synapses ont adoptés un comportement systématique, il est ardu de changer brusquement nos "comportements standards" (*Wink* aux militaires).
Vous avez raison "Le mythe de Sisyphe" est une donnée incontournable quand on cherche à comprendre les humains.
Quant à la série, elle mérite d'être vue. Je suis sûr que vous allez prendre du plaisir à la découvrir. =)
Sincèrement,
Q.
Oui, les gros ballons gonflables blancs qui le pourchassaient me faisaient très peur à l'époque !
;-)
@ Quentin: bonjour, c'est toujours un réel plaisir de vous lire.
Je partage globalement votre point de vue. L'évolution est lente, très lente. Et croire que l'on peut tout changer est un autre mythe. Un mythe que l'époque moderne nomme la nouveauté, ou le changement, etc. Plus cela change plus c'est pareil... (:o).
Au niveau politique, le mot changement est répété inlassablement à chaque élection, mais l'humain étant ce qu'il est, les mêmes choses recommencent. C'est d'ailleurs normal et rassurant car si tout changeait d'un claquement de doigt nous n'aurions plus de repère et notre espèce s'éteindrait rapidement. L'inertie est une garantie de stabilité de toute espèce. Les politiciens qui parlent de changement créent surtout de la frustration quand les électeurs sont déçus - et ils le seront!
J'ai appris par ma propre expérience et dans ma profession que le changement est quelque chose d'incertain, et que si changement il doit y avoir, il se fait à petits pas, en bougeant de petits leviers. L'alimentation en est un exemple.
Par rapport à pouvoir s'imprégner des expériences de nos aïeux, je crois que c'est possible mais là encore très très lentement et après moultes répétitions. Si l'on considère l'évolution biologique, des fonctionnements acquis, instinctifs, on dû mettre des millions de générations depuis les premiers unicellulaires pour s'incruster et se fixer durablement jusque dans la physiologie. Ce sont devenus des mécanismes, des réflexes, auxquels il n'est plus besoin de penser pour qu'ils s'activent, comme tout ce qui a trait par exemple au système neuro-végétatif.
Il est possible aussi que depuis les grognements et jusqu'au son articulé et à la capacité d'abstraction du langage, il y a eu une évolution de la physiologie cérébrale qui fait qu'aujourd'hui un enfant tient un langage organisé dès les toutes premières années.
Cela en effet ne remplace pas l'expérience que nous devons refaire par nous-mêmes. Mais peut-être que cela l'accélère. Peut-être faisons-nous avant l'âge de 7 ans ce que les premiers hominidés mettaient 30 ans à faire. Comme si l'incrustation de l'expérience de millions de générations avait déposé son empreinte en couches successives que nous n'avons plus besoin de re-créer, mais seulement de repasser. Empreinte physiologique ou socio-culturelle, ou les deux
La liberté pour moi se situe déjà en partie dans la conscience des mécanismes et dans leur acceptation, à défaut de leur transformation. De plus il y a des mécanismes mémorisés utiles. la liberté est par rapport à des mécanismes considérés comme limitants.
Cette conscience est aussi liée à l'évolution du cortex, partie du cerveau qui permet de voir en miroir nos expériences, et de dissocier et ré-associer différemment les données acquises et fixées dans le cerveau de la mémoire émotionnelle. Il permets aussi de relativiser l'animalité, qui n'est pas forcément mauvaise en soi - c'est quand-même notre ancrage de base et le lieu de notre expérience individuelle (le corps représentant l'animalité).
Le mythe de Sisyphe est en effet un bel outil pédagogique pour comprendre l'humain et relativiser par exemple la toute-puissance de l'enfant, ou la course à la nouveauté et au changement génératrices d'angoisses et de dysfonctionnements personnels et sociaux.
PS: je réponds à votre commentaire sur l'autre billet (les loyautés parasites) dans un moment.
Bien à vous.
@ djinius: je ne les ai vus qu'en photos ces ballons, je crois que je vais rapidement louer les dvd!
Le dernier épisode est quand même asser déconcertant, je vous déconseille de vous documenter dessus avant de le regarder évidemment !
Mais LA question, terrible, angoissante, métaphysique, demeure sans réponse: QUI est le No1? et surtout existe-il? et enfin , marginalement, que signifie la passivité des autres "pensionnaires" de la colonie?
Et là, timber!, c'est toute la mythologie grecque qui vous tombe dessus: Prométhée, Icare et compagnie! Mâtin, quelle histoire!
Ca me donne de plus en plus envie de la voir, cette série! Yo, va falloir débloquer un budget et surtout la trouver dès les premiers épisodes. A moi de jouer.
(:o)
Bonjour No...,
Vous allez probablement vous régaler! Cette série a repassé récemment sur une chaîne du cable. Elle repassera surement prochainement sur une autre station.
Je me réjouis d'avance de la revoir.
Et j'ai oublié de mentionner l'esthétique délicieusement sixties et merveilleusement britannique; et sa technologie "avant-gardiste"!!!
@Je n'ai pas donné suite car j'ai trouvé votre commentaire suffisamment complet! Mais je me languis toujours d'une réponse au sujet " Les loyautés parasites!". ^^
Sincèrement,
Q.
@ Quentin: veuillez m'excuser pour le retard, cela va suivre, je n'oublie pas que c'est en attente. J'ai trop de plaisir à dialoguer avec vous pour laisser en plan. Parfois j'ai besoin de temps pour digérer. Mais promis je hâte le pas...
On voit que Azraël n'a pas vu le dernier épisode de la série. Si c'était le cas il vous appellerait "Numéro 1"...
@ Soli Pardo: Raaahhh, je vais aller faire un tour à la FNAC à ma prochaine pause pour voir s'ils ont la série. Car décidément vous me donnez trop envie de la voir!
C'était une grande série, en effet. J'apprécie particulièrement le jeu très shakespearien des acteurs ; c'est presque du théâtre, et du grand théâtre, filmé.
Merci pour cette très bonne présentation du Prisonnier, une série marquante, une série TV d'une rare qualité que seuls les britanniques savaient concocter
http://malone-livres-critiques.blogspot.com/2009/01/le-prisonnier-patrick-mc-gohan-est-mort.html