Samedi dernier j’ai eu un déclic. A propos de Johann. Johann, je pense que vous le connaissez. Il intervient régulièrement sur les blogs et suscite souvent des débats passionnés.
Je me suis parfois trouvé en accord avec lui, mais parfois aussi nous nous sommes accrochés sèchement. Encore récemment, d’ailleurs j’avais décidé de ne plus commenter ses commentaires. Mais je restais perplexe par rapport cet homme à la parole vive, intelligent, qui se documente, qui exprime des thèses avec lesquelles je ne suis pas forcément en accord, mais qui a entre autre une grande qualité: il va au bout de ses idées, ne lâche pas en route et assume la controverse. J’apprécie beaucoup cela. Alors aujourd’hui je lui consacre un billet, sur le mode initié je crois par Blondesen du “Rien que pour...”, mais auquel tout le monde peut participer bien sûr.
Johann, mon déclic est venu en lisant un de vos commentaire sur mon premier billet consacré à Khalid Naji. N’étant pas d’accord avec un internaute, vous avez exprimé les raisons de votre désaccord, et au milieu vous lui avez dit: “Vous déraillez!”. Et là j’ai vraiment vu ce qui parfois me dérange, mais je l’ai vu avec recul, sans agressivité.
A plusieurs reprises je vous ai lu invectiver celui ou celle à qui vous vous adressez, quand vous n’êtes pas d’accord. Et là j’ai envie de vous demander: pourquoi invectiver? Cela casse une partie du crédit que l’on peut vous accorder, à cause justement de ces mots et petites phrases perçues comme des agressions ou comme parfois un jugement de valeur. Du coup votre propos passe en deuxième.
Je n’ai pas l’intention de vous dire comment vous devriez écrire, chacun sa manière et chacun est libre. Mais quelle est l’utilité de balancer ces mots ou petites phrases? Se sentir agressé ne donne pas envie de continuer. Proposition, si cela vous tente: si gardiez votre verve, vos idées, si vous les exprimiez comme vous savez le faire, mais juste sans glisser d’invective, ces petits commentaires genre “Vous déraillez”, “On se prend la grosse tête”, “Ceux qui ne veulent pas comprendre” (de mémoire ,je n’ai pas été fouiller toutes les archives)? Possible? Juste un essai pour voir ce que cela donne? Je trouverais cela cool. Mais sans vous commander, juste une demande.
Autre chose. Jeudi, vous m’avez écrit sur mon billet: “Mais assez parlé de bibi. Les idées priment”. Ca, je le sens bien chez vous, et c’est une différence entre nous. Je parle beaucoup plus de moi que vous de vous. Parce c’est mon choix et que j’ai fait un chemin dans ce sens: parler de soi pour ne pas faire que des théories. Mes meilleures idées n’ont de valeur que si je sais les intégrer dans mon comportement, c’est mon exigence. Valider la pensée par l’acte et l’attitude, faire descendre l’abstrait dans le concret, aller au charbon. Et puis, parler de moi me semble une garantie de ne pas me prendre pour un ponte qui sait tout, pour ne pas avoir la grosse tête. Là tout le monde n’a pas forcément les mêmes connotations. Mais si vous saviez combien je peux douter...
Pourquoi? Parce que je sais que l’on peut avoir les meilleures idées du monde, et en être très éloigné dans le comportement. Je cherche un alignement entre la pensée et le vécu. Cela fait partie de ma façon de concevoir l’intégrité - être intègre, intégré, non décalé. Et aussi parce que je me pose souvent la question: d’où vient telle ou telle idée? Quelle est la personne qui la porte? Quel vécu l’amène à cela? Par quel méandre passe-t-elle? Quelles sont ses facilités ou difficultés pour l’appliquer dans sa vie?
Je comprends que l’idée est importante. Mais j’ai aussi besoin de savoir où est l’individu qui l’exprime, l’individu de chair, de sang, de sentiments, car une idée a quelque chance de germer si elle est portée, incarnée dans le corps, dans le ressenti, dans l’action individuelle. C’est ma façon de voir les choses. Personnellement, si j’aime les idées et leur donne une grande place, je donne la même place à la personne: dans mon travail, et aussi par nature. Quand vous dites donner la primauté à l’idée, je n’en suis pas convaincu: les invectives personnelles, les jugements de valeurs, s’en prennent à la personne, pas seulement à l’idée pure. Donc... l’idée n’a pas toujours la primauté sur la personne dans vos écrits. Ne serait-ce pas opportun de faire avec la personne autant qu’avec l’idée, puisque de toutes façons la personne est là?
Alors voilà, je suis parfois frustré de ne pas savoir qui est la personne Johann, et de ne voir qu’un porteur d’idée sans corps. De même je suis sur ma faim parfois quand au développement de votre pensée. Il me semble que souvent vous n’en donnez que la synthèse, la fin, pas le développement, donc je ne sais pas quels sont vos référents et votre succession d’étapes pour en arriver à cette finalité. Ce qui produit plus souvent une résistance qu’une analyse. Pourquoi pas un peu de pédagogie et de patience? Vous semblez parfois si pressé, presque à cran. Mais bon, c’est votre choix, je dois l’accepter.
Je l’ai dit jeudi dans un commentaire: je pense que nous avons en commun une grande vigilance aux jeux de domination et que nous souhaitons les écarter de nos vies et de nos pensées. Vous me l’avez confirmé. C’est un point commun important, car c’est toute une philosophie et une manière d’être personnelle, sociale, politique qui en découle. La non-domination est un de mes thèmes les plus anciens, même si mon travail sur ce thème n’est pas fini.
Vous disiez aussi jeudi qu’il faudrait être des sages pour réaliser la non-domination, le non-abus de pouvoir (je résume). Et bien j’aspire à la sagesse, peut-être cela sera considéré comme une prétention. Mais c’est une belle prétention, je l’assume.
Voilà. Je termine en vous disant que malgré nos accrochages (ou peut-être grâce à eux), je vous apprécie. Et que je fais la paix avec vous (pour un moment au moins...).
(:o)
Cela ne veut pas dire que nous n’aurons plus de prises de bec, que j’accepterai sans sourciller vos idées, points de vue ou informations. Mais peut-être tenterons-nous de nous comprendre un peu mieux? J’accorde de l’importance aux échanges sur les blogs. J’ai la chance d’être suivi - le fait qu’on me lise n’est pour moi ni un dû ni une évidence - et je veux respecter autant que possible ceux qui débattent avec moi, y compris quand nous avons des positions opposées. C’est aussi pour cela que je laisse place à toutes les expressions.
Bien à vous.
Commentaires
"N’étant pas d’accord avec un internaute, vous avez exprimé les raisons de votre désaccord, et au milieu vous lui avez dit: “Vous déraillez!”. Et là j’ai vraiment vu ce qui parfois me dérange, mais je l’ai vu avec recul, sans agressivité."
Cela ne m'a pas particulièrement dérangé ;o)
Par contre, confidence pour confidence, cela oui:
"Seriez pas avocat(e) par hasard? Et plutôt (e) que ()."
Mais très brièvement et sans que je n'éprouve aujourd'hui le besoin de m'en expliquer davantage :o))