Tout le monde connaît le jeu du «téléphone arabe»: dans une chaîne de personnes, la première dit une phrase à la seconde, qui la redit à la troisième, et ainsi de suite. Après quelques personnes la phrase finale est souvent assez éloignée de la phrase originelle.
La rumeur est apparentée à ce jeu. Au début, il y a une information non vérifiée, partagée par quelques personnes qui la propagent, jusqu’au moment où, ne sachant plus d’où elle vient et personne ne l’ayant vérifiée, elle passe pour une vérité, amplifiant ou déformant le message initial. «Si tout le monde le dit…», ou bien «Il n’y a pas de fumée sans feu»… font partie du mécanisme de croyance en la rumeur.
«Un exemple: La rumeur dite d'Orléans.
Cette rumeur est ainsi qualifiée en raison de l'ouvrage publié en 1969 par cinq sociologues dirigés par Edgar Morin. Elle laissait entendre que les cabines d'essayage de plusieurs magasins de vêtements féminins de cette ville étaient en fait des pièges pour les clientes, qui y auraient été enlevées pour être livrées à un réseau de prostitution.
Cette rumeur est un cas d'école, par sa durée, son extension, ses dégâts, et par sa fin : si aucun démenti, même officiel — signalant, par exemple, qu'aucune disparition suspecte n'a été répertoriée dans les environs par les services de police —, n'a jamais réussi à y mettre fin, elle cessa d'intéresser les médias lorsque qu'elle prit la forme d'un canular — les clientes disparues étaient prises en charge par un sous-marin remontant la Loire... Depuis lors, elle continue néanmoins à se raconter sous diverses formes.»
La rumeur peut être une tueuse. Rappelons-nous le suicide de Pierre Bérégovoy, dont l’honnêteté avait été injustement mise en cause. C’est une tueuse aux mille visages car elle est reproduite et colportée par de très nombreuses personnes qui au fond n‘en savent rien. Mais qui dans certains cas deviennent les complices d’un assassinat moral.
Qu’est-ce qui motive des individus à lancer une rumeur? Il y a la volonté de nuire, bien sûr. Mais il y a aussi le goût du sensationnel ou du morbide. Et puis, dénigrer quelqu’un donne le sentiment d’un pouvoir sur lui. Cela rejoint parfois le mécanisme du bouc émissaire: lyncher une personne est une catharsis de nos tensions et mal-êtres.
Que faire quand une rumeur vient à nos oreilles? Je dirais, très simplement et très fermement: aller vérifier, ou sinon se taire. Ne pas participer à cette amplification. La sortir de son esprit, sans autre forme ni procès.
C’est parfois difficile. Quand nous commentons un événement rapporté par la presse, nous n’avons pas vérifié la chose par nous-mêmes. Et certains événements sont validés car démontrés par des images ou des témoignages, voire des aveux dans les affaires criminelles, sans pour autant que nous disposions de l'entièreté de l'information. Sans s’empêcher de commenter sur le fond ou sur ce que nous inspire l’événement, il convient de rester prudent dans les affirmations que nous reprenons à notre compte. Commenter un fait sans l’avoir vu soi-même est possible dans la mesure où il alimente une réflexion. Mais quand une information incrimine une personne il ne faut jamais oublier que ce que nous propageons sans l’avoir vérifié peut être mortel pour la personne mise en cause.
L’extrait vidéo ci-dessous est tiré de l’émission de Jean-Claude Delarue, «Toute une histoire». Comme on le verra, plus c’est gros, plus ça marche. Les dégâts aussi sont gros.
PS: Une rumeur dans le désert dit qu'il y a deux suisses retenus en otages par les méthodes terroristes du gouvernement Libyen et/ou du clan Kadhafi. Et bien c'est vrai, et cela dure depuis 15 mois.
Commentaires
Très joli billet sur la rumeur! Ce soir, sur Infrarouge, on pourra dissiper quelques nuages sur la rumeur concernant les deux otages suisses. Bien à vous!