C’est l’histoire imaginaire d’un homme discret. Pas de bluff, pas de brillant qu’on jette au visage du monde. Sa vie privée n’offre pas de prise, et ses amis sont gens de coeur et d’esprit.
Il n’est pas timide pour autant. Solide dans ses bottes, pas né de la dernière pluie, avec un regard pointu sur les gens et les choses.
Son travail lui demande beaucoup d’attention et un sens profond des relations humaines. Il est donc rare qu’il parle de la dernière tenue de Madona ou de la fifille de Tom Cruise. A vrai dire ce monde ne l’intéresse guère. Non qu’il soit renfermé. Mais il trouve ses plaisirs dans les partages authentiques, et il peine parfois à comprendre que ce ne soit pas la norme habituelle entre humains.
Un jour, regardant la télé, il tombe sur Ardisson qui, comme d’habitude, pose des questions sous la ceinture et les ponctue de son rire gras. Et là, quelque chose se passe en lui. Un ras le bol le saisit en une seconde, comme un feu ravivé par une bourrasque de bise. Un ras le bol de l’inanité de ces animateurs et de leurs invités - en général presque toujours les mêmes.
Cette nuit-là le sommeil se refuse à lui. Au fil des heures une idée se forme et s’affirme en lui: il ira dans ces émissions, il sera invité, et il ne fera rien de ce qu’on attendra de lui. Pas d’ineptie, pas de cul, pas de streap-tease sur le plateau. Mais que du sens, du vrai, du direct, du ressenti.
Le lendemain sa décision est prise: il va écrire un livre, ce livre aura du succès, il sera invité et réalisera son projet.
Il écrit un premier livre. Tous les éditeurs le refusent. Puis un deuxième. Même refus. Il n’abandonne pas. En même temps, chaque jour, il se voit sur les plateaux télé. Il regarde les émissions et imagine que l’animateur le questionne. Il commence alors un nouveau roman, qui raconte son histoire rêvée. Il l’intitule: «Les chemins de la gloire». Le premier éditeur auquel il soumet son manuscrit le prend, son livre paraît et devient très vite un succès.
Il est alors invité sur les plateaux. A Ardisson qui lui demande si sucer c’est tromper, il parle de poésie. A d’autres il exprime sa passion de la vie, son goût de l’humain.
Et ce qu’il dit change si nettement de la soupe habituelle que l’audience de ces émissions monte, et qu’à chacun de ses passages on l’écoute. Peu à peu les animateurs l’invitent et découvrent que le parler vrai est quelque chose de formidable, intéressant, joyeux.
Depuis lors il continue à écrire, à passer de temps en temps sur les plateaux - mais pas trop souvent: il ne veut pas s’user. Et puis il aime toujours autant passer de bons moments avec ses amis de coeur et d’esprit.
PS: Les otages suisses de Kadhafi devraient se rêver chez eux, fortement, quotidiennement. Pour qu’enfin cela se réalise.