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Vaincre sans combattre

Cette maxime chinoise peut laisser perplexes bien des occidentaux. Elle illustre une différence de pensée entre notre culture et celle de l’Empire du soleil levant.

chine5.JPGL’occident valorise l’action immédiate, la confrontation directe et le résultat de cette confrontation. Les chefs de guerre, les chefs d’économie, les voyous, se préoccupent moins de ce qui précède la confrontation que le fait de la mettre en oeuvre. Et quand bien même ils tiennent compte des préalables, c’est dans le but d’aboutir au conflit et si possible de sortir vainqueurs, quels que soient les dégâts.

Dans la pensée chinoise, le processus en cours, le déroulement des situations qui pourraient aboutir à une confrontation, sont plus important que celle-ci. Leur action n’est pas de préparer leurs troupes au combat mais de créer des situations dont l’aboutissement donne une victoire d’évidence, sans combat sanglant. Mettre en oeuvre ce qu'il faut bien en amont afin d'obtenir le résultat souhaité en aval.

Quand c’est possible bien sûr, car les chinois ont toujours eu des armées et ont mené des guerres. Mais il s’agissait plus de guerres défensives, pas de guerres d’expansion et de conquêtes.

C’est ainsi que François Jullien analyse cette maxime. François Jullien est un philosophe, expert sinologue, qui a étudié longuement la langue et la philosophie chinoises. En miroir de son étude de la Chine il porte un regard sur notre philosophie et notre fonctionnement intellectuel.
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Il note par exemple que l’Europe a fait preuve d’une qualité que peu d’autres partagent à ce point: la curiosité. C’est grâce à la curiosité que la science et la philosophie se sont développées de manière évolutive.

La curiosité implique par exemple le doute, le doute fondamental et positif du chercheur, alors que pour les chinois le doute est forcément négatif, forcément un échec.

Comprendre mieux notre culture, notre pensée et les fondements de notre philosophie en étudiant la Chine: c’est un des aspects de la recherche de François Jullien. Quelques extraits d’une interview qu’il a donnée à Richard Piorunski et Bill Gater en janvier 1998:

«Vous savez que la philosophie a tendance à s'installer dans ses questions, à former une tradition, et mon choix de passer par la Chine est une façon de prendre du recul par rapport à l'histoire de la philosophie européenne. Je dis souvent, un peu à titre de paradoxe mais qui n'en est pas vraiment un, que je suis passé par la Chine pour mieux lire le grec, puisque au départ je suis helléniste.»

«Donc, il y avait cet intérêt d'un cadre extérieur ; un intérêt double pour moi. D’une part, découvrir d'autres modes d'intelligibilité possible. Je dis intelligibilité, c'est à dire cohérence de pensée, pour ne pas dire vérité – la vérité c'est une notion très européenne. Quel autre mode d'intelligibilité peut-on concevoir ? Par exemple, des traits qui me paraissent essentiels : comment la pensée chinoise est passée à côté de la notion d'être, de l’ontologie, alors que la notion d'être est au départ de la philosophie chez nous ; ou comment la pensée chinoise n'est pas passée par la tension entre mythe et discours, muthos-logos, qui est au départ de la tradition grecque ; ou comment la pensée chinoise est passée à côté de Dieu... enfin, des grands objets de la philosophie. Bon, ça ne veut pas dire qu'il n'y ait pas eu une certaine idée de Dieu en Chine, mais il est certain qu'elle a été très tôt évacuée, transformée, mise de côté.»


A découvrir pour tous ceux qui aiment comprendre notre façon de penser le monde, et ses conséquences.




PS: Bientôt 19 mois de rétention pour les deux otages suisses en Libye.
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Catégories : Philosophie 1 commentaire

Commentaires

  • " C’est ainsi que François Jullien analyse cette maxime. François Jullien est un philosophe, expert sinologue, qui a étudié longuement la langue et la philosophie chinoises. En miroir de son étude de la Chine il porte un regard sur notre philosophie et notre fonctionnement intellectuel. "

    On aurait préféré que se soit le PC chinois qui étudie la philosophie chinoise.

    D.J

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