Un mois après mon opération j’ai rendez-vous à l’hôpital avec le médecin du service d’oncologie. Je comprends qu’il est spécialisé dans le suivi des traitements de cancer. Comme ailleurs dans ce service d’oncologie (cancérologie) des HUG, je rencontre disponibilité, écoute, explications claires, respect, espace relationnel.
Il me donne le résultat final de l’opération: il y avait deux petites tumeurs d’environ deux centimètres. L’une sur le sphincter d’Oddi, l’autre dans la tête du pancréas. Un ganglion proche de la tête du pancréas a été également réséqué.
L’opération s’est bien passée. Mais selon le médecin, rien ne peut garantir qu’il n’y ait pas de très fines infiltrations dans d’autres ganglions. Rien ne peut non plus prouver qu’il y en ait. Les marqueurs sanguins ne sont pas toujours fiables. Il m’explique que dans mon cas, une chimiothérapie complémentaire peut être utile. Une chimio sans chute de cheveux. Mais avec quand-même 5 mois d’activité perturbée. Car si je peux la faire en ambulatoire à l’hôpital le matin (2 semaines sur 3), la fatigue inévitable m’empêchera de travailler le reste du temps.
Je l’écoute attentivement. J’entends bien ses propos, j’ai le sentiment qu’il ne fait pas que redire un discours servi à l’identique à tous les malades du cancer. Cela rend mon choix d’autant plus difficile car je crains davantage la chimio que l’opération. Il me dit aussi que si je la commence ce sera mieux dans trois semaines, c’est-à-dire un maximum de 2 mois après l’opération. Plus on attend, moins c’est efficace.
J’ai donc trois semaines pour décider de la faire ou non. Je vois ensuite le responsable des soins spécialisés pour la chimio. Il me parle longuement, m’écoute aussi. Il me dit que le traitement peut être cessé n’importe quand si je ne le supporte pas.
Depuis ce rendez-vous, deux semaines ont déjà passé et je dois rendre ma décision jeudi prochain. Je me fais un bilan. Qu’ai-je en faveur de ce traitement? L’expérience de l’Hôpital, le savoir-faire du personnel médical, la confiance que j’ai donnée et qui n’a pas été déçue.
Qu’ai-je en faveur d’autre chose que la chimio? La crainte de la toxicité. Mon corps a déjà reçu en deux mois une importante quantité de médicaments alors que je n’en prenais quasiment jamais. Cette semaine j’ai senti la saturation et pour la première fois depuis l’opération j’ai beaucoup vomi. J’ai cessé les anti-douleurs et anti-inflammatoires depuis. Des douleurs j’en ai encore. Mais ça va je me débrouille avec.
Autre chose: j’ai parlé avec une femme qui a eu la chimio. Elle l’a très mal supportée et a dû rester hospitalisée à plein temps pendant 6 mois. Cela, je ne peux l’envisager. Je ne peux m’arrêter jusqu’en septembre et ne pas donner mes cours ni préparer la rentrée. Je suis indépendant. Si je fais cela c’est la fin de mon activité. Or elle fait partie de ma vie. Je ne peux la voir chuter sans que quelque chose chute en moi, et sans problèmes financiers insolubles.
Enfin, j’ai choisi en pleine conscience l’opération. Maintenant je me dis qu’il est peut-être temps de faire confiance à mon corps et de travailler à booster mon immunité. Il y a divers traitements naturels dans ce sens, je les étudie. Je ne peux rien me garantir à moi-même, je ne suis pas intégriste. Dans tous les cas, mon choix engage ma vie. Quel qu’il soit, je le ferai sans regrets.
Ma réflexion en l’état actuel, à 90%, est de renoncer à la chimio. C’est un gros enjeu.
J’ai parlé avec deux malades ayant subi la même opération. 20 ans après ils se portent très bien sans avoir fait la chimio. Je sais cependant que l’on ne doit rien généraliser. Ce qui vaut pour l’un ne vaut pas automatiquement pour l’autre. Je sais aussi que je ne pourrai jamais influencer qui que ce soit dans un sens ou un autre. Ce que je décide ne concerne que moi. Quoi qu’il arrive j’en serai seul responsable.
Ma vie a rarement été autant suspendue à la fois à mes propres choix et aux circonstances. La force de voir l’avenir et la fragilité de ce qu’il sera peut-être se mélangent en moi. Mais j’espère bien avoir encore 30 ans devant moi. Et si je ne les ai pas je prendrai ce qui vient.
J’ai déjà pris de nombreux risques jusqu’à ce jour. Je peux continuer à le faire. Tant que j’ai des désirs et des projets, tant que je peux me projeter vers le futur, je me fais du bien, mon énergie s’organise. L’enlisement des 7 années de procédure a été totalement contraire à moi.
Tiens, une chose que je vais faire cet été: un baptême de l’air en planeur. J’en rêve depuis des années, et j’y ai renoncé le jour où c’était possible. Cette fois, pas de retard. J’irai soit dans les Alpilles en Provence, soit à Montricher au pied du Jura.
Planer, voler, aussi léger qu’un oiseau...
PS: Une pensée pour Max Göldi, otage suisse prisonnier d'Etat à Tripoli.
Commentaires
Il n'est pas dans la vie de décisions plus difficiles que celle-là. Et qu'en est-il de l'espérance de vie des personnes qui ont reçu une chimio?
Cela ressemble à un quitte ou double avec ou sans!
Bonjour HommeLibre,
Juste pour vous dire que je suis en pensée avec vous … et que je comprends un peu mieux.
Amicalement
(o_~)
Pas de soucis Loredana. On a le droit de ne pas être d'accord, et même ne de pas se comprendre parfois. Et même de le dire avec vigueur!
Votre mot me touche. Merci.
(•‿•)
@ Johann: il y a de cela. Pour moi l'important est d'être en accord avec moi, sans renoncer à ce qui m'est proposé par principe mais par réflexion.
Je vous souhaite de faire le bon choix - quel qu'il soit - et, surtout, bon courage et une prompte guérison. :-)))
Les difficultés rencontrées dans la vie sont génératrices de développement personnel parait-il. Cette croyance peut aider à faire face aux vivisitudes de la vie. Un homme devrait toujours être prêt à partir, quelque soit son âge. Ceci accepté, ce qui suppose un "travail" assez important sur soi et relativement long, les décisions sont plus faciles à prendre. On peut accepter du prendre du risque en refusant la chimio, mais les raisons relevées ne paraissent pas justifiées.
- "Je ne peux la voir chuter (mon activité)sans que quelque chose chute en moi"
. Pourtant il vaut mieux s'y préparer dans les deux cas de figure.
- "et sans problèmes financiers insolubles" valable aussi dans les deux cas.
- "Ce que je décide ne concerne que moi" . Pas si sûr.
- "Quel qu’il soit, je le ferai sans regrets" . Pas si sûr non plus.
- "je ne peux l'accepter" . Pourtant, dans un cas comme dans l'autre.....
3 témoignages négatifs (pour la chimio) justifient-ils un avis opposé à celui d'un médecin spécialisé ?
Voici le résultat de mes réflexions dans une situation similaire.
Pardon.
@ HL
je te souhaite du courage pour prendre cette difficile décision et je suis de tout coeur avec toi
amicalement franck leclercq
Je vous souhaite bonne chance en toute sincérité et une guérison au plus vite!!
Bon courage!!
@ jeandefoix:
Il est important d'avoir aussi des avis contradictoires, et je comprends d'autant mieux que vous semblez devant le même questionnement si je comprends bien. Pas besoin de vous excuser, c'est ok.
Pour moi, dans ma balance des choses, mes raisons gardent leur valeur. Et aller vers ce choix est ce qui me laisse le plus en paix au fond de moi, ce qui est aussi un critère. Un critère qui touche mes radars personnels, mon ressenti, mon ancrage, pas seulement mon mental.
Merci pour votre mot, je vais encore le relire.
Je suis de tout coeur avec toi dans ce choix cornélien qui n'en est pas vraiment un, John!
Ton aspiration à voler en dit long ...
Bien à toi
On n'est jamais plus libre que face à un choix aussi crucial. Je crois même que c'est le point culminant d'une liberté érigée en faculté suprême et pleinement assumée.
Ton instinct vital te guidera sans doute vers la bonne décision.
En pensées avec toi.
Santo & Liane
Tout au long de nos vies, nous sommes confrontés à des choix, souvent très importants. Mais celui qui vous est soumis est terrible... Je rejoins Santo qui parle de liberté ultime.
De tout coeur avec vous, John.
Anne-Marie
Bonjour Hommelibre,
Je vous conseille déjà vivement d'arrêter de fumer...
Pour le reste, je suis en pensée avec vous et vous souhaite sincèrement de vous rétablir et également de vivre pleinement ce baptème en planneur qui semble vous faire envie depuis bien longtemps.
Meilleures salutations
Hum... Juste une idée, comme ça...
Puisque SI vous ne la supportez pas, vous pouvez arrêter la chimio...
Puisqu'il n'est pas certain du tout qu'elle induira une grosse fatigue...
Bref, je me comprend.
Il faut parfois savoir désencombrer sa vie, se débarrasser de tout le superflu qui n'apporte rien de positif. Les chrétiens parlent d'apprendre à pardonner, moi j'aime mieux apprendre à m'en foutre. C'est encore plus efficace, enfin du moins pour moi.
Dans le doute ultime, il reste toujours la solution de pile ou face.
Et c'est dans ces situations que l'on se rappelle qu'au final, on est toujours seul.
Salut !
Bonjour toutes et tous,
Merci pour vos messages et votre solidarité. C'est bon à prendre. Quelle que soit l'expérience à vivre, elle mènera quelque part et aura sa part d'enseignement. En ce sens tout peut être utile, même l'erreur si c'était le cas.
@ x: la clope c'est terminé! J'ai profité de l'opportunité pour lâcher.
@ Greg: la grosse fatigue, si, elle est prévue. C'est l'hospitalisation avec les vomissements, nausées et gros mal-être qui n'est pas certaine. Le pile ou face ne me satisfait pas.
Désencombrer ma vie cela me parle bien, j'ai commencé (y compris concrètement: vider des armoires de l'inutile). Alléger, faire place nette pour le neuf.
"On n'est jamais plus libre que face à un choix aussi crucial. Je crois même que c'est le point culminant d'une liberté érigée en faculté suprême et pleinement assumée."
je ne peux pas être plus en désaccord avec ces paroles. Il n'y a pas de liberté dans la maladie.
"Ton instinct vital te guidera sans doute vers la bonne décision."
C'est quoi l'instinct vital? En l'occurrence une chimère, à mon avis.
Comme la "bonne décision" ne relève pas du marc de café, quelle que soit la décision prise, ce sera forcément la bonne puisqu'elle sera prise en connaissance de cause.
La maladie a-t-elle un sens ? Voilà une question qui nous concerne tous. Pourtant la médecine ne se la pose plus. Elle soigne en effet le corps sans se soucier de l’intégralité de la personne humaine. Et, privilégiant la compréhension des détails, elle oublie les liens qui unissent les patients au monde dans lequel ils vivent.
« Avoir l’espoir ne veut pas dire que nous pensons que les choses vont se produire bien. Cela signifie simplement que nous pensons que les choses auront un sens » .Václav Havel.
Avec toute mon affection.
Question: quelle est la chimio qui vous a été proposée?
Charly: Bien d'accord avec cette belle réflexion de Havel. Pour ma part la quête du sens fait partie de ma vie. Cette étape va me permettre d'en approfondir certains aspects.
@ Johann: je ne saurais plus vous dire le détail.
@johann.
Entre liberté et dépendance,la maladie renferme un défi éthique de première grandeur, car elle met en jeu, à la fois les décisions du corps médical, mais aussi celles du malade qui doit faire ses propres choix.
Ainsi et dans un tel contexte, la liberté de choisir rend pour le malade sa dépendance aux soins médicaux plus acceptable.
Par ailleurs, cette même liberté de choisir permet à l'évolution future d'une maladie, de s'installer dans un partage des responsabilités au sens moral et concret du terme. Raison pour laquelle on fait parfois signer une décharge par le patient.
La relation patient-médecin n'est pas toujours au beau fixe. Le pouvoir médical écrase volontiers la volonté du malade, par intérêt et par vanité, jamais pour le bien du patient. J'espère simplement qu vous serez acompagné, entouré, conseillé dans ce choix crucial, hommelibre!
De tout coeur avec vous
"Entre liberté et dépendance,la maladie renferme un défi éthique de première grandeur, car elle met en jeu, à la fois les décisions du corps médical, mais aussi celles du malade qui doit faire ses propres choix."
La maladie ne renferme rien du tout. Si défi éthique il y a, il est uniquement du côté du corps médical, comme le relève à juste titre Micheline. Toutes les informations ne sont pas toujours données ou disponibles (quelle que soit la maladie), et parfois les patients sont traités comme des cobayes.
En outre dans bien des cas, il n'y a aucun choix.
John nous dit que cela fait deux semaines qu'il réfléchit sur la voie à suivre. Avoir à prendre une telle décision n'est pas une manifestation de liberté. Cela ressemble plutôt à une torture mentale, ou à tout le moins à une préoccupation angoissante avec toutes les manifestations qui peuvent s'y rattacher. Dans le cas contraire la décision serait prise en moins d'une journée. Il éprouve aussi le besoin d'en parler, d'extérioriser ce que je perçois comme une souffrance... après deux semaines. Il n'y a pas de liberté dans la souffrance non plus.
« Avoir l’espoir ne veut pas dire que nous pensons que les choses vont se produire bien. Cela signifie simplement que nous pensons que les choses auront un sens » .Václav Havel.
Cité par Pierre Béguin dans son blog:
"cette affirmation de Camus dans L’Homme révolté: «Nous n’avons pas besoin d’espoir, nous n’avons besoin que de vérité»"
Contrairement à la vérité, l'espoir n'a aucun sens, ou plutôt son seul sens découle de l'absence de vérité.
@johann.
"La liberté", "l'espoir", ne sont pour vous que de vains mots. Avec vous, y'a plus qu'à s'flinguer !
Désencombrer, faire de la place pour du neuf ... c'est ce qui s'appelle faire les grands nettoyages de printemps. Hé oui il est bel et bien là ;o)))
(o_~)
La liberté est multiple. Elle est la possibilité d'aller et de venir, d'agir selon son choix sans être limité. Alors d'un côté la maladie est un limite. Elle pourrait être donc vue comme une restriction de la liberté. Mais tout est limite: mon corps est une limite par sa pesanteur.
On peut aussi considérer la liberté comme la part de nous qui reste décisionnaire dans toute situation. Cela m'intéresse.
Pour ma part, Johann, c'est cela que je privilégie. Je ne suis pas tourmenté mentalement ni angoissé par le choix à faire. Je me sens même assez libre et serein, calme. C'est un choix important, difficile, mais il est à faire, et ma liberté est soit de suivre la proposition médicale soit de faire confiance à mon corps et à d'autres approches. Ma liberté est de pouvoir faire le bon choix, ou de me tromper.
C'est aussi de chercher le sens de la maladie, ce qu'elle peut m'apprendre: sur mon hygiène de vie, sur ma gestion du stress, sur la compréhension de mes mécanismes psycho-physiques, sur la manière dont je suis à l'écoute de mes besoins et la manière dont j'y répond. Entre autres. Je ne veux voir les choses que sous l'angle de la liberté et valoriser l'espace de choix que j'ai dans cette situation.
Je dirais encore de l'espoir, qu'il est une motivation à se mettre en mouvement et/ou à anticiper dans les événements la part de bonheur (dans le sens bon-heur, bon événement, bonne opportunité).
La quête de la vérité, aussi importante soit-elle, ne recèle pas ce regard positif sur le monde.
L'espoir ne devrait jamais être déçu: si une attente ne se réalise pas, on peut accepter la réalité et continuer à aller de l'avant.
Conseil pour choisir:
_Prenez une femme dans vos bras
_fermez les yeux
_Réconciliez-vous avec cette autre moitié de l'humanité
_et ... décidez si vous préférez le risque gratuit, ou payer le prix d'une assurance.
_... Je ne sais pas ce que je déciderais moi même, ce serait juste le moment de mesurer mon désir de vivre, et à quel prix, de mesurer mon besoin d'incertitude, jusqu'à quel point.
""La liberté", "l'espoir", ne sont pour vous que de vains mots."
En aucune façon.
"Avec vous, y'a plus qu'à s'flinguer !"
Je constate que vous ne cherchez pas à comprendre.
"La liberté est multiple. Elle est la possibilité d'aller et de venir, d'agir selon son choix sans être limité. Alors d'un côté la maladie est un limite. Elle pourrait être donc vue comme une restriction de la liberté. Mais tout est limite: mon corps est une limite par sa pesanteur."
Vous plaisantez sans doute quand vous comparez une "limite" naturelle avec la prison qu'est la maladie.
C'est tout de même curieux de parler de pesanteur de cette façon quand votre rêve est de planer...
"On peut aussi considérer la liberté comme la part de nous qui reste décisionnaire dans toute situation. Cela m'intéresse."
Vous confondez la liberté (tout court) avec la "liberté" de choix. Il y a une liberté bien plus grande que cette "liberté de choix", celle d'être libre de ce choix, parce qu'il ne se pose tout simplement pas. Quand Santo a écrit: "On n'est jamais plus libre que face à un choix aussi crucial.", c'est exactement le contraire, "on" est enfermé dans ce choix, ceux qui n'ont pas à le faire sont incomparablement "plus libres". Et c'est justement parce qu'"on" est libre, qu'il n'y a pas "qu'à s'flinger !".
"Pour ma part, Johann, c'est cela que je privilégie."
Dans votre situation, je comprends.
"Je ne suis pas tourmenté mentalement ni angoissé par le choix à faire."
Tant mieux. Même si vous êtes obligé d'y réfléchir et d'obtenir les informations (la part de vérité) qui détermineront votre choix final.
"Je me sens même assez libre et serein, calme. C'est un choix important, difficile, mais il est à faire, et ma liberté est soit de suivre la proposition médicale soit de faire confiance à mon corps et à d'autres approches. Ma liberté est de pouvoir faire le bon choix, ou de me tromper."
Comme je l'ai déjà dit vous ferez nécessairement le bon choix.
Après une longue absence d'Europe, je suis revenu dans le pays des lacs et montagnes.
Mon cher homme libre, je n'ai pas de conseil à vous donner. Toutefois, mon épouse a suivie il y a 3 ans avec succès une chimiothérapie. Ensuite, elle a utilisé des plantes et la magnéto-thérapie pour "purifier" son corps. Quelque soit votre décision, je vous adresse mes pensées positives pour un prompt rétablissement.