A la fin du repas mes amis posent sur la table une boîte verticale, écrite en noir sur fond doré. Ils en sortent de petits cylindres emballés dans les mêmes couleurs. Ce sont les chocolats de fin de repas. A ouvrir en tournant l’emballage papillote aux deux bouts, ou en tirant dessus.
A l’intérieur, deux choses. Le chocolat, foncé, 70% de cacao. Bon? Moyen. Rien d’exceptionnel. Pas à la hauteur du doré de l’emballage. Et l’emballage justement. Enfin, le deuxième emballage. Vous savez, cette deuxième feuille de papier qui double le papier doré. Et dessus, un texte écrit. Parfois, dans ce genre d’emballage surprise, on trouve des blagues. Pas forcément drôles.
Ici ce sont des proverbes, maximes, pensées, reprises d’auteurs ou de cultures variées.
Je tombe sur un proverbe chinois: «Il faut deux ans pour apprendre à parler et toute une vie pour apprendre à se taire».
Ouf!... Apprendre à se taire... Et bien, c’est peut-être un proverbe chinois, mais il démontre que les chinois n’ont pas été malins dans tout même s’ils ont inventé la poudre.
Je sais, on peut toujours prendre les choses à différents niveaux. On peut même positiver le fait d’apprendre à se taire: cela peut vouloir dire réfléchir avant de parler, ou bien choisir le moment et les raisons de parler, ou bien ne pas parler sans savoir précisément de quoi l’on parle. Bien sûr, ces raisons ne sont pas inopportune.
Mais vu sous un autre angle, celui que j’ai envie de privilégier ici, c’est un proverbe-catastrophe.
Imaginez les millions d’années qui ont été nécessaires pour mettre en place un langage organisé. Le nombre de neurones indispensables, la quantité de synapses pour créer des liens de compréhension. Imaginez comment le souffle venu des poumons caresse les cordes vocales pour produire un son, comment ce son s’organise, devient des mots, des phrases, porte des sentiments et des émotions avec 26 lettres. Comment le cerveau produit des idées abstraites qui s’échangent, évoluent, interagissent.
Et l’on voudrait nous convaincre qu’il vaut mieux laisser tomber cela? Renoncer à cette merveille qu’est le langage-pensée organisé?
Où est le barbare qui ose nous suggérer d’apprendre à nous taire?
C’est un chinois inconnu.
D’accord, la Chine a inventé la poudre, les spaghettis, les idéogrammes, le Yi King, et le papier sur lequel on peut écrire plein de bêtises.
Mais tous les chinois ne sont pas des penseurs transcendants. Le langage est une merveille. Un bijou.
«Mieux vaut dire des erreurs que se taire. Les erreurs nous enseignent. Le silence nous laisse pour morts.» Proverbe non-chinois...
Qu’est-ce que tu en penses, mon bébé?
PS: «Quand tu veux humilier, fais-le à fond». Proverbe Kadhafien.