Dans le débat d’hier il m’est revenu cette anecdote. Il y a quelques années je me suis rendu au Nigéria à l’invitation d’amis, Aziz et Lotti, Lotti la Blanche. J’aimais l’Afrique avant d’y aller. Je continue à l’aimer. J’avais un but dans ces voyage: voir travailler un guérisseur.
Imaginez un village entouré d’arbres, dont un grand Fromager au bord du chemin qui longe les cases.
Les cases: murs de terre brune et toit de tôle. Dans la case où je loge, deux portes et une petite fenêtre. J’y dors à même le sol. La journée commence quand les villageois vont aux champs alentour. Elle continue quand le guérisseur travaille.
Et le soir, c’est la magie. Les lampes à pétrole sont allumées, les étoiles percent le ciel, et les cris des singes résonnent dans la nuit. Les femmes font à manger. Les hommes sont près d’elles et parlent de leur journée.
Un jour, alors que j’attendais le guérisseur, assis devant la case du côté de la place du village d’Idofé, une petite fille est venue marcher devant moi. Les yeux brillants, sourire éclatant, et démarche difficile: elle avait chaussé les sandales de sa mère.
Elle avait environ 4 ans. Et dans cette petite fille, je voyais les petites filles d’Europe qui mettent aussi les chaussures de leur mère, avec cette même fierté, pour se sentir comme des grandes.
Et j’ai compris que les fondamentaux de la culture, ce qui fait la construction de la personne, sont les mêmes ici et en Afrique. Les même mécanismes, les mêmes besoins habitent des populations en apparence si différentes.
Et je me suis demandé pourquoi, alors que les enfants grandissent dans les mêmes moules fondamentaux, pourquoi ils se rejettent ou se haïssent d’un continent à un autre quand ils deviennent adultes.
Les enfants de toutes origines jouent ensemble au ballon; devenus adultes les mêmes jouent à la guerre.
Et j’ai pensé que c’est ce qu’on leur inculque qui les fait se haïr. Ce n’est pas la nature humaine. Ce sont les croyances humaines.
J’ai déjà parlé ailleurs de l’Afrique mais je ne m’en lasse pas. Je pense souvent à cette petite fille aux grandes sandales, au village d’Idofé. Si l’on montrait ces sandales à tous les enfants, un jour il y aura un peu plus de paix.
Peut-être. Mais pour les éduquer ainsi, il faudrait changer les croyances des parents.
Il y a du travail.