Julienne attendait qu’il lui avoue quelque chose de grand. De beau, de décisif, quelque chose qui la ferait vaciller. Si elle quittait sa vie organisée et partagée ce devrait être pour plus fort. Au minimum pour combler ce qu’elle n’avait pas. Roméo n’aimait pas trop cette rivalité implicite. Il aurait préféré que tout soit plus simple.
Il lui disait: «Je ne sais pas si j’aurais envie de rester avec toi. Je sais seulement que j’ai envie de toi». «Juste un plan cul, répondait-elle. Un coup, une partie de baise?» Roméo lui avait expliqué comment il voyait les choses. On s’essaie, on s’essaie quelque fois, et si c’est bon, si on est bien, on dure. Après on peut penser plus loin.
«Moi je ne peux pas faire l’amour comme ça, disait Julienne. Je suis entière. Tout mon être se donne. Je ne peux pas juste tirer un coup.» Roméo lui avait dit que c’était comme ça et qu’il ne se passerait rien entre eux. Parce que lui ne voulait pas entrer dans une histoire d’amour sans avoir pris le temps de goûter d’abord à elle et sans se donner le droit d’y renoncer après. L’inverse de l’amour romantique. Le corps d’abord, le reste on verra.
Mais il ne considérait pas cela comme un simple plan cul. «Le désir physique serait-il moins noble que les sentiments? Dis-moi Julienne, as-tu déjà fait l’amour simplement parce que tu en as envie, sans te prendre la tête, ni le coeur?» Elle reconnaissait que ce n’était pas sa tasse de thé. Elle avait une autre vision. «Je suis un tout, je vibre de la tête aux pieds, je ne peux pas me couper en morceaux.»
Roméo comprenait. «C’est pour cela que nous ne coucherons jamais ensemble. C’est la vie.» Julienne n’était pas libre de ses engagements. Cela ne facilitait pas les choses. Partagée entre ses principes et son désir elle restait un peu entre deux. Plus dans les principes cependant.
Lui avait renoncé aux principes. Il choisissait de vivre à l’envers du monde idéal et de suivre son envie. Aux autres de poser leurs limites. Ou de les franchir. Les principes il avait beaucoup donné et peu été payé en retour. Il avait décidé de simplifier sa vie. Il prenait ce qui venait, mais ne forçait jamais. Ni lui-même ni personne. Tant de gens se forcent, vivent contre eux-même et s’en justifient. Puis ils développent des contradictions profondes. Et le bilan comptable de leur existence tourne entre 80% de contrainte et 20% d’allégement dans la fiscalité morale. Ou alors ils se réfugient dans l’alcool ou tout autre dépendance pour déplacer la responsabilité des contraintes qu’ils s’imposent.
Il avait dit à Julianne: «Si l’on se revoit, j’aimerais que tu portes une robe courte et légère sans rien dessous. Là tout sera ouvert: faire l’amour ou non.» Elle lui demandait: «Est-ce que tu m’aimes?» Elle cherchait un appui en lui pour s’aider à renoncer à ses principes, et vivre elle aussi ses envies. Mais il ne lui disait rien. Ou pour être exact il disait: «J’ai envie de toi. Tu es sexy, bandante. Tu es un fort objet de désir en moi. Mais je ne promets rien. Si tu viens, si on se voit même régulièrement, je ne m’engage pas à plus. Pour plus, on verra peu à peu. Avec moi tu dois accepter d’aller sans aucune certitude.»
- Alors c’est toi qui décides? Je dois en passer par ta règle?
- Et pourquoi devrais-je moi-même en passer par la tienne? Mais non, je n’impose rien. Je dis mon envie. Si elle te va, elle te va. Si elle ne te va pas, je respecte.
- Mais moi je ne veux pas être ton objet!
- Pas mon objet. J’ai dit: un fort objet de désir. Moi-même ne suis-je pas l’objet de ton désir amoureux? C’est de la simple grammaire. Sujet: moi. Objet: toi. Et quand tu me demandes si je t’aime, tu es le sujet et je suis l’objet. N’aimes-tu pas être l’objet de mon désir?
Elle avouait que cela lui plaisait, et même plus quand son imagination habitait son corps. Pourtant Roméo n’était pas certain qu’elle ait assez envie et cela lui faisait frein au moins autant que ses principes.
- Et toi, aimes-tu être l’objet de mes sentiments? demandait-elle.
Il reconnaissait l’aspect confortable et valorisant d’être ainsi objet de son attention. Et même plus: il imaginait que ce puisse être nourrissant à vivre jour après jour. Mais non, c’est déjà trop de penser cela. Commencer par le désir - si elle le veut bien. Si elle le veut aussi.
Leurs conversations à distance en étaient là. Julienne restait durablement partagée entre ses principes et son désir. Parfois elle devait détourner ses pensées pour apaiser son corps. Elle n'y parvenait pas toujours. Dans ces moments elle sentait presque les lèvres de Roméo effleurer son cou, caresser son épaule, descendre sur son ventre, chercher sa tiédeur, y rester, longtemps... longtemps, et remonter vers sa bouche, elle voyait presque son regard, elle sentait sa force d'homme, son désir en elle...
Roméo l’imaginait avec une robe courte, légère, une robe d’été, sans rien dessous...
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