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L’hippopotame bruxellois

Première historiette fantaisiste d’une série sur des bêtes non moins originales. Aujourd’hui: l’hippopotame bruxellois.

Boum, boum, boum, boum. On les entend bien les pas de Bruce dans la galerie marchande de la Gare du Nord. Boum, boum, ils résonnent, boum, boum. Tous les matins Bruce fait ses emplettes avant de prendre le train pour la mer. Il adore les grandes plages et les pêcheurs de crevettes à marée basse.

Les belges, gens pleins d’humour et de gentillesse, ne s’étonnent plus de rencontrer Bruce dans les wagon de première classe. Il se trompe toujours. Il faut dire qu’il ne sait pas lire. D’ailleurs on se demande comment il s’y est pris pour arriver jusqu’ici.

hippo1.jpgCela commença quelques mois plus tôt. Bruce aimait beaucoup regarder la télévision. Vous direz: un hippopotame regardant la télé, c’est rare. En effet, c’est rare. Bruce est fier d’être rare. Tous les visiteurs qui lui rendaient visite dans son coin d’Afrique le disaient: «C’est rare». Lui faisait semblant de rien, mais derrière son expression énigmatique il se fendait intérieurement d’une grand sourire. Les hippopotames ont une intériorité très nourrie. C’est pratique: en cas de famine ils en mangent un bout jusqu’à trouver un autre pâturage bien gras.

La vie intérieure des hippopotames c’est comme le foie: elle se reconstitue rapidement. La seule prudence est de ne pas tout manger d’un coup. C’est déjà arrivé. Un hippopotame boulimique, par exemple. Ou un autre qui invite ses amis à une fête, amis qui en amènent d’autres, et la table est bientôt trop peu garnie pour l’assemblée. L’hôte se sacrifie alors. Un hippopotame sans vie intérieure c’est comme un papillon sans ailes: il erre dans la savane sous le grand soleil, sans avoir où aller. Faites donc un tour dans la savane sur le coup de midi, du côté du cimetière des éléphants: vous y rencontrerez peut-être Joshua, un cousin de Bruce qui a perdu sa vie intérieure dans un concours de poésie.

Bruce regardait donc la télévision, quand un jour fut diffusé un reportage sur la Grand Place de Bruxelles. Saisi d’admiration Bruce décida sur le champ de s’y rendre. Quand on est hippopotame on n’a pas besoin de bagage. Il partit donc séance tenante, en laissant la télé allumée pour les hyènes. Les hyènes aiment bien regarder la météo. Quand elles voient la pluie annoncée en plein mois de juillet ça leur donne des fous-rires mémorables.

Boum, boum, Bruce monta vers le nord en trottinant. Passé la Méditerranée à Gibraltar il continua, suivant les indications que les habitants lui donnaient.

- Bruxelles, s’il vous plaît? demandait-il de sa grosse voix.

Il arriva enfin dans la capitale belge. Au début les habitants semblaient étonnés de voir un hippopotame assis sur la Grand Place. Et puis ils s’y sont faits. Bruce est devenu une figure bruxelloise. Certains jours il dansait même pour les touristes ou promenait les enfants sur son dos.

Tant et si bien que nous voici le 21 juillet, fête nationale belge. Boum, boum, boum, boum. On les entend bien les pas de Bruce dans la galerie marchande de la Gare du Nord. Boum, boum, ils résonnent, boum, boum. Mais aujourd’hui il ne prend pas le train. Il passe par la place de Broukere et se rend sur la Grand Place où une estrade est dressée. Il y monte et s’assied. La fanfare nationale joue alors la 9e symphonie de Beethoven. A la fin, le silence se fait. Arrive le roi des belges. Il monte sur l’estrade et prononce un petit discours où il est question de la sympathie que suscite Bruce. En échange de sa présence amicale à Bruxelles, et dans le cadre des échanges culturels belgo-camérounais, il lui confère la citoyenneté d’honneur bruxelloise. Bruce reçoit une médaille qu’il met à son cou.

Fier de chez fier, il veut remercier le roi en esquissant un pas de bourrée auvergnate. Boum, boum, boum, craaaaaque! L’estrade cède sous son poids et celui de la fanfare conjugués. Tout le monde tombe et le roi avec. Malheur! Le voilà écrasé par Bruce!

La foule retient son souffle. C’est impressionnant une foule entière qui retient son souffle. Qu’est-il arrivé au roi? Déjà qu’il n’y a plus de gouvernement, le dernier bastion d’institutionnalité est-il lui aussi perdu à jamais?

Fort heureusement, le roi se relève au bout de quelques minutes, juste avant que la foule ne perde connaissance. Celle-ci reprend alors son souffle. Le roi, lui, est plat comme un oeuf. Il serre néanmoins la patte de Bruce, salue la foule et retourne dignement dans ses appartements.

Voilà comment Bruce l’hippopotame est devenu citoyen d’honneur de Bruxelles.

 

 

 

Une belle histoire:


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Catégories : Bestiaire 1 commentaire

Commentaires

  • La faute de Madame Diallo, présumée psychothérapeute. J'en glissais quelques mots hier

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