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Le cannabis n’a rien à voir avec la sécurité

En suite à mon billet d’hier appelant François Hollande à faire comme en Hollande, je reviens sur la position du ministre de l’intérieur Manuel Valls. Celui-ci s’oppose à la dépénalisation du cannabis pour des raisons de sécurité. Selon ses propos la gauche française est assez critiquée pour son laxisme en la matière ou son refus d’assumer ses responsabilités, et tout changement de doctrine sur le cannabis serait perçu comme un retour aux vieux démons.

cannabis1-selon-le-journal-of-clinical-investigation-le-cannabis-serait-efficace-contre-le-cancer.jpgPrenons acte que la gauche parle enfin de sécurité. La sécurité n’est pas, ne devrait pas être un thème de droite. C’est une priorité nationale. L’Etat doit veiller au respect des lois qu’il édicte et qui sont faites pour le bien-être des citoyens.

La sécurité est une condition de la liberté des citoyens. Il ne doit y avoir aucune ambiguïté à ce sujet.

Mais en quoi la consommation d’herbe récréative serait-elle une atteinte à la sécurité?

Les fumeurs ne sont pas spécialement des voleurs. Ils n’ont pas de dépendance physique au produit et ne sont pas en stress pour s’en procurer. S’ils n’en ont pas ils peuvent s’en passer sans problème. Pour la même raison ils ne sont pas particulièrement les auteurs de braquages et autres agressions. Ce n’est donc pas une population particulièrement à risque dans ces domaines.

Sur la santé, le joint récréatif n’est pas la pire des substances. On sait même que le cannabis est un remède par exemple contre certaines douleurs, contre l’inappétence liées aux chimiothérapies anticancéreuses ou aux thérapies contre le Sida. Dans le passé j’ai eu l’occasion de le prescrire également pour des personnes atteintes de fibromyalgies pour lesquelles les thérapies officielles ne donnaient aucun résultat. J'assume en pleine conscience d'avoir aidé des personnes qui souffraient. J’ai vu ces personnes littéralement revivre. Et ce n’étaient pas des ado déjantés ou des flemmards. C’étaient des adultes, qui bossaient tous les jours, ou des mamy prisonnières de la maladie que l’on aurait plus vu boire une camomille que du cannabis. Des gens «normaux» pour employer un terme à la mode.

Je me souviens également d’une jeune femme atteinte d’une maladie dégénérative avant ses 30 ans. Mariée, elle souhaitait avoir des enfants, mais c’était matériellement impossible dans l’état de ses capacités physiques. Elle m’était envoyée par un médecin français qui connaissait les bienfaits du cannabis mais n’osait le prescrire. Le traitement à base de tisane de cannabis a changé sa vie. Elle a pu déterminer elle-même la dose qui lui était utile sans passer par l’effet récréatif. Je reçois régulièrement de ses nouvelles: elle est aujourd’hui mère de deux magnifiques enfants!

On ne peut non plus passer sous silence l’apport du cannabis dans la créativité artistique moderne. Il favorise l’imagination et les associations d’idées.
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Cela dit, l’abus du cannabis a un effet néfaste sur la mémoire. Le cerveau fixe moins les événements. Il peut aussi diminuer la motivation à agir. Mais il s’agit là d’usage abusif. L’abus d’alcool pose aussi des problèmes, et bien plus graves. D’où la nécessité de politiques de prévention et de soins, et non de répression. Politiques qui pourraient être financées par les revenus engendrés par la légalisation et la création d’une régie d’Etat pour contrôler la qualité et la vente. Le pragmatisme social et le réalisme politique devraient pousser les politiciens dans ce sens. Malheureusement on a encore affaire à des élus qui n’y connaissent rien, qui ont peur et qui n’osent pas braver le conformisme social.

La seule vraie question de sécurité est celle liée en particulier aux accidents de la route. Comme l’alcool, le cannabis ralentit les réflexes et l’appréciation des situations routières objectives. Comme pour l’alcool la surveillance et la répression doivent être sévères. Quant aux mineurs, comme pour l’alcool, la consommation nécessite une prévention réelle et des limites claires. A ce sujet je m’étonne que l’on ne s’offusque pas plus des défonces alcoolisées graves auxquelles s’adonnent nombre d’adolescents, dont les effets peuvent être extrêmement graves, alors que l’on continue à pousser des cris d’oies effarouchées dès que l’on prononce le mot cannabis.

Comme je le rappelais la prohibition du cannabis est un échec total. L’interdiction n’est qu’une manière de faire l’autruche et de se donner bonne conscience. La doctrine des socialistes français est décalée du réel. Ils se rattrapent d’années de laxisme en matière de sécurité mais ce n’est pas le bon sujet pour tenter d’effacer ses mauvaises notes.

Le rapport de 2011 (disponible ici) de la commission internationale sur la drogue affirmait que la prohibition est un échec. Ce rapport fait le constat que la consommation de drogues a augmenté dans les pays où la législation est très répressive, et diminué là où l’approche est plus tolérante.

A part le risque d'accidents le cannabis n’a rien à voir avec la sécurité au sens où on l'entend: prévention ou répression du crime. Sauf quand il est prohibé et aux mains de trafiquants peu scrupuleux. Et cela, c’est la prohibition, doctrine rigide, coûteuse et inefficace, qui le favorise. La prohibition est donc un problème directement lié à la sécurité.

Je rappelle enfin que l’Etat n’a pas à jouer le rôle de parent directif et punitif sur des citoyens infantilisés. En système libéral ceux-ci sont libres de consommer ce qu’ils veulent comme des grandes personnes: alcool, cannabis, crêpes au Grand-Marnier, desserts trop sucrés, aliments bourrés de gras, etc. Le rôle de l’Etat n’est pas de diriger la vie des gens mais de poser des cadres, d’assurer la liberté et la sécurité et d’empêcher le crime.

Pour le reste, qu’on laisse donc les gens agir en adultes libres de leurs choix.

7 commentaires

Commentaires

  • je vous suis sur beaucoup de points, mais la je ne peux pas.
    J'ai vu l'effet de la consommation de cannabis sur des ados, et c'est franchement pas beau a voir.
    La consommation de drogues même "douce" est un fléau qui va bien au delà des questions de sécurité.
    Si la faculté le reconnait comme médicament, qu'il soit délivré sur ordonnance.

  • @ Pat:

    Je préfère l'éducation à l'interdit pour ce genre de chose. L'interdit est un dressage nécessaire, par exemple on ne conduit pas après une soirée arrosée ou enfumée, ou sous l'effet de certains médicaments. ce genre de situation ne demande pas une longue réflexion.

    Par contre pour nombre de choses comme la gestion de sa vie, les transgressions sociales genre cannabis, etc, l'éducation qui passe par une réflexion, une argumentation, des exemples, me paraît nettement préférable. En tous cas l'interdit, la prohibition, ne marche pas. La commission dont je cite le rapport est une commission formée de gens qui ont ou ont eu d'importantes responsabilités. Leur constat est fondé.


    Mais je comprends que lorsqu'on a été confronté à des situations à problème il est difficile de suivre la ligne de la légalisation. Après il faudrait analyser précisément ces situations: quel était l'âge de ces ados, quelle qualité fumaient-ils, avaient-ils un entourage qui les cadre un minimum et les stimule à des plaisirs plus naturels, entre autres?

    Je suis opposé à ce que les mineurs fument ou boivent. Je préfère de loin que l'on trouve des manières plus simples de se faire du bien. Mais la société sans risque n'existe pas. D'ailleurs ce serait une société trop fragile pour survivre.

    L'interdit ne détourne pas du produit. La légalisation lui ferait perdre son statut attractif assez rapidement.

  • Quoi rajouter sur ce billet que j'adhère dans sa totalité.

    @ pat,

    Hommelibre évoque aussi les abus de la fumette. Mais votre remarque rejoint sur fait que bien des ados et même des adultes semblent croire que la fumette du cannabis n'est pas nocifs simplement en s'appuyant sur les effets thérapeutique du cannabis. Déjà le fait de fumer en soit est déjà nocif.

    D.J

  • "hommelibre,
    Ma raison me dit que vous avez raison, mais quelque chose d'instinctif s'oppose pourtant à cette idée de légaliser une substance de plus !

    C'est que je n'arrive pas à croire que le discours préventif sera bien compris des jeunes, et cela même si je pratique ce discours à large échelle. Je travaille avec des ados et je suis mère de jumelles de 18 ans.

    Certes, la prévention n'incombe pas aux seuls parents et enseignants, mais ils sont malgré tout en première ligne.
    Certains jeunes ont un besoin irrépressible d'échapper aux exigences et angoisses de leur quotidien. La fumette représente une sorte de doudou qui me semble malgré tout addictif.
    Selon moi, les adultes peuvent faire ce qu'il veulent avec le cannabis: le boire, le manger, le fumer, tant qu'ils ne conduisent pas ensuite ou ne le partagent pas avec leurs enfants....
    Mais comment faire pour que les ados attendent d'être un peu matures ?
    Il est clair que la légalisation envisagée n'inclurait pas les moins de 16 ans, n'est-ce pas ?
    Une forme de trafic perdurerait malgré tout, comme avec l'alcool et la cigarette.
    Vous dites :
    "A ce sujet je m’étonne que l’on ne s’offusque pas plus des défonces alcoolisées graves auxquelles s’adonnent nombre d’adolescents, dont les effets peuvent être extrêmement graves, alors que l’on continue à pousser des cris d’oies effarouchées dès que l’on prononce le mot cannabis."
    Je me souviens pourtant de ces "bottellons" qui s'organisaient p.ex. aux Bastions.
    On était horrifié de constater que "faire la fête" voulait dire "se bourrer la gueule un max et le plus vite possible". Et que cette forme de fête était revendiquée comme une sorte de droit naturel par des jeunes. Je ne crois pas qu'il se soit trouvé beaucoup de personnes pour approuver cela publiquement, hormis les principaux intéressés. Quel délire !
    Vous souvenez-vous de ce sketch de Coluche, qui met en scène un père alcoolo qui parle de son fils qui fume du "hakik" ? C'était la première fois que je voyais le parallèle alcool-hashish et il était démontré de façon magistrale. Ce sketch reste d'actualité, mais aide-t-il à résoudre le dilemme ?

    En général, nous abordons la vie comme si nous avions droit à tout, tout de suite, quand ça nous chante. Les adolescents ne sont pas différents. Attendre pour goûter aux plaisirs interdits, ce n'est pas dans l'air du temps.
    Voilà que j'écris comme une ancienne combattante. Ben oui, c'est bien moi, j'ai des problèmes avec la modernité !

  • Calendula,
    Je salue cet instinct que vous écoutez et je vous rejoint sur la préoccupations pour les ados.

    En 68, il fallait se libérer de vieux "pattern" étouffant, aujourd'hui, ce n'est plus pareil. Le manque de contraintes structurantes crée des générations qui se noient dans l'informalité et qui mettent des années pour (r)établir leurs structures internes par pression sociale et professionnelles dont ils ne peuvent s'extrairent indéfiniment.

    La dépénalisation ne m 'effraie pas en soi, c'est plutôt les argument débattus qui me donnent le sentiment que l'on ne prend pas la mesure de l'absence de nutriments constituant pour des jeunes en construction physique et psychique.

    Si THC ne rend pas physiquement addicte, il n'en va pas de même sur le comportement et le psychisme. Ces molécules ont un temps d'élimination très lente. Un pétard peut avoir des effets au delà de 24h tant sur l'attention et la vigilance que des effets de démotivation à l'effort intellectuelle ou social. Ces effets peuvent devenir super nocifs pour des cerveaux en pleine maximisation d'apprentissage. Que beaucoup regrettent après coup, voir reprochent à des adultes de ne pas les avoir cadrés au bon moment.
    Si l'on songe, au nombre de divorce et aux failles éducatives qui s'immiscent dans le va et vient des droits de visites, on peut imaginer le nombres d'ados à la dérive dans leur constructions.

    Dans ma pratique personnelle dans le soins , j'ai vu plusieurs fois, chez des sujets fragiles, l'habitude des "bédos" faisant exploser une schizophrénie qui serait restée latente et sans conséquence autrement.

    Bref tout cela pour dire, que cette jeunesse a certainement besoin de recevoir d'autres signaux qu'une simple dépénalisation et que ce débat n'est en tous cas pas à leur service.

  • Calendula,

    Laissons là les anciennes combattantes! :-) Je ne saurais vous réduire à cela.

    Le problème est que le fait est déjà là: le cannabis est aujourd'hui familier de notre société. Ici l'on trouve une étude statistique. Elle s'arrête en 2001:

    http://www.lausanne.ch/view.asp?DocId=21859

    On est aux alentour de 50% des 15-17 ans qui ont déjà fumé une fois ou plus. Le cannabis ne fait plus peur et il se consomme de plus en plus tôt. 33% des jeunes en consommeraient régulièrement.


    Ils sont laissés à eux-même à cause de la prohibition. Ils n'en parlent évidemment que très peu aux adultes, et la prévention est souvent vue comme une simple justification de l'interdit.

    La prohibition ne marche donc pas, l'interdit ne marche pas, mais il isole.

    Alors faut-il continuer un système qui échoue depuis 50 ans?

    A part cela bien sûr: pas aux moins de 16 ans (je dirais même aux moins de 18 ans). Moi-même j'ai attendu 18 ans, puis j'ai fumé quelques années. Mais pas trous les jours ni toute la journée! J'ai cessé longtemps, puis j'ai repris lors d'une période de gros stress. Je suis aussi critique sur le cannabis, ce n'est pas anodin. Mais on apprend à le gérer. Au 19e siècle les artistes fumaient habituellement. Il n'y avait pas encore eu la croisade contre.


    Aoki: mêmes remarques. Sur la question des crises psychotiques je voudrais savoir quelle est la force de ce qu'ils ont fumé. Cela m'étonne, car de mon expérience de fumeur j'ai dû voir 2 crises paranoïaques sur des personnes possiblement prédisposées. Elles ne sont pas devenues psychotiques par la suite, pas à ma connaissance.

    Je pense au contraire que le débat doit se faire avec eux, pour relier les paroles d'ados et d'adultes.

  • @hommelibre :

    Oui, on est devant une sorte de fait accompli, le cannabis s'est banalisé, au vu des statistiques.
    Pour moi, il y a une différence sensible entre fumer une-deux fois, pour voir ce que c'est, et fumer régulièrement.
    Certains jeunes réagissent hyper-fort dès la première fois et on ne peut pas savoir à l'avance qui ce sera. Il existe des cas où il a fallu appeler l'ambulance. Là, c'est important qu'il y ait une relation de confiance avec des adultes, qui pourront ramasser les morceaux (ça vaut aussi pour l'alcool, bien sûr).
    En cela, c'est clair qu'il faut donner la possibilité de se confier, pour ne pas se trouver face à des angoisses, le cas échéant. Cette histoire de concentration de THC est vraiment problématique.

    S'il n'y a pas eu de croisade au 19ème contre les artistes, c'est que cela restait marginal. Mon problème est celui du message donné par la dépénalisation pour les adultes: comment faire pour que cela ne soit pas entendu par les jeunes comme une autorisation ou une négation des effets indésirables possibles ?
    Si on devait aller dans ce sens, pour les bonnes raisons que vous évoquez
    (l'effet-prohibition), je ne l'approuverais qu'avec un accompagnement très créatif et futé en ce qui concerne les adolescents. Et par là, je veux dire : pas uniquement 2 heures de sensibilisation à l'école, aussi bien faite qu'elle puisse l'être. C'est totalement insuffisant et une façon de se donner bonne conscience à bon compte.
    Pour prendre un exemple dans un autre domaine : l'émergence d'internet dans notre quotidien a amené son lot de problèmes à gérer avec les ados. Les conflits sur facebook, le visionnement de la pornographie ou les risques liés aux prédateurs pédophiles peuvent faire irruption dans la vie des ados avec grande brutalité. Une fois de plus, on demande à l'école de faire la prévention, de consacrer du temps à l'éducation des enfants. Ces problématiques ont une dimension sociétale qui demandent à tous de prendre leurs responsabilités. A commencer par les familles.
    Mais je comprends bien que toutes ne sont pas à même d'empoigner ces problèmes de façon éclairée, tellement c'est compliqué. Souvent, les parents ne comprennent pas que les sanctions imposées par l'école sont en réalité une sorte d'aide, une façon de placer des limites, des bornes concrètes.
    Le harcèlement par facebook p.ex. ne fait pas réellement partie du domaine scolaire, mais peut provoquer des bagarres à l'école, des conflits qui entravent le travail scolaire. C'est une grosse perte d'énergie pour tous.
    Je ne suis pas sûre que les citoyens dans leur ensemble se rendent compte combien l'univers des adolescents est complexe et comment ils vivent avec toute l'offre de consommation qui leur est faite, directement ou indirectement. Nous avons une grande responsabilité face à eux.

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