Bientôt on fera une loi pour interdire de mourir. Est-ce vraiment la peine de surgir au bout de milliards d’années d’évolution, d’être conscients et fiers de l’être, pour voir nos corps s’en aller comme des feuilles d’automne dans les ruisseaux du monde fini?
Certains disent que cela continue après et que la mort n’est pas la mort. Peut-être. Personne n’a confirmé à ce jour. Comme on croit de moins en moins au paradis et à une survie aussi hypothétique qu’inutile, on a de moins en moins le droit de mourir. Dans le temps on mourait, jeune ou vieux, parce que c’était l’ordre naturel. La maladie, la guerre, l’âge, la fatigue de vivre justifiaient notre acceptation de la mort. Aujourd’hui on force le destin au point où nous devenons intolérants à l’idée même de disparaître. La mort ne serait d’ailleurs plus naturelle: elle serait conséquence du manque de moyen de survie des humains.
Ainsi il y a trois jours une femme enceinte a accouché sur l’autoroute A20 dans le sud-ouest de la France. Le bébé, un prématuré de sept mois, n’a pas survécu. C’est forcément douloureux pour des parents. Perdre un nouveau-né c’est le deuil d’une attente, d’une préparation, d’un amour déjà installé dans le coeur. Mais c’est aussi une réalité. La médecine moderne a permis de faite chuter les cas de décès de nouveaux-nés, grâce à des soins adéquats et à la proximité des établissement hospitaliers. Ici la parturiente n’avait pas de maternité très proche.
Alors la mort de ce prématuré offusque le pays, au point où le président Hollande lui-même demande une enquête. Il promet même de prendre des mesures.
«Le drame (...) nous appelle une nouvelle fois, encore, à ne rien accepter en matière de désert médical, a déclaré le chef de l'Etat à Nice. Et en même temps je prends l'engagement, celui que j'avais déjà énoncé avant l'élection présidentielle, et que je rappelle ici comme chef de l'Etat: aucun Français ne doit se trouver à plus de 30 minutes de soins d'urgence.»
Cela devient une cause nationale. On se dirait sous Sarkozy où chaque fait divers devenait un enjeu politique.
Revenons à ce décès. La mère avait une santé fragile et avait dû rester alitée pendant un temps. Elle avait déjà fait plusieurs fausses couches auparavant. Le matin du drame, alors que l’on pense l’accouchement imminent, son gynécologue lui conseille d’aller à la maternité. Conduite par son compagnon dans leur véhicule privé. Etait-ce une bonne décision? La situation de santé de cette parturiente a-t-elle été justement évaluée? Un voyage inconfortable en véhicule privé était-il souhaitable?
Dans l’urgence il est difficile de le savoir. Dans cette région très peu peuplée les maternités sont dispersées. L’ancienne et la plus proche, celle de Figeac, a fermé en 2009. Le coût d’entretien était trop élevé pour le peu d’accouchements. Les plus proches sont entre 50 et 80 kilomètres. Toutefois il reste à Figeac un service hospitalier avec un centre périnatal, et un service d’urgence avec des médecins urgentistes capables de répondre aux situations exceptionnelles.
Le problème est-il vraiment le manque de moyens locaux? N’est-il pas une sous-évaluation de l’état de santé de cette femme enceinte, connue pour ses problèmes obstétriques antérieurs? Faut-il garder un établissement hospitalier pour le faible nombre de personnes à risques? N’y a-t-il plus de sage-femmes pour assurer les accouchements? Ne fallait-il pas organiser un transport adéquat, voire hospitaliser cette personne pour les derniers mois de grossesse? C’est toujours si simple de poser les questions après-coup.
Mais ne faut-il pas aussi accepter la mort? Celle-ci est sans doute plus logique et acceptable lorsqu’il s’agit d’une personne âgée et que les soins n’ont pas fait défaut. Elle est plus douloureuse quand il s’agit d’un enfant, même nouveau-né. Mais quelle que soit notre organisation de santé et notre exigence de vie dans une société développée, on n’éradique pas la mort ni le risque quel qu’il soit. Même pas dans un pays attaché à un Etat-Providence qui doit être partout et répondre à tous les besoins, qui devrait anticiper toutes les situations délicates. Un Etat où l’exigence de sécurité s’échange contre une incapacité grandissante à s’adapter, à évaluer et accepter le risque.
On ne peut tout prévoir. On ne peut tout contrôler. Mais on ne peut prendre tout un pays à témoin pour chaque indignation ou réaction émotionnelle par une sorte d'automatisme collectif. On ne peut chercher à tout prix un coupable pour avoir un peu moins le sentiment d’impuissance dans des situations qui nous dépassent ou pour instrumentaliser politiquement un drame.
Images: 1 Figeac. 2 Autoroute A20
Commentaires
c'est aux médias qu'il appartient de ne pas en faire une affaire d'Etat.C'est simple et pas compliqué.Ca sent le torchon le Matin ou 20 min à distance!
Compte tenu des antécédents de la femme et de la distance, un hélicoptère aurait été plus adapté, non ? Mieux vaut moins de centres et anticiper pour les plus cas les risqués et les plus éloignés un transport aérien.
Pli: ce serait plus rapide, plus sûr, et certainement moins coûteux.
Une fois évacuée l'émotion légitime causée par le décès de ce nouveau-né, on ne peut que s'incliner devant la justesse de votre commentaire et la perfection de votre texte.
Merci M. Piller.
La désertification des campagnes était prévisible dès lors que Chirac et son équipe, avaient décidé de diminuer le nombre d'étudiants français en médecine lors de son premier mandat.
Sarkozy a poursuivit cette politique de même que la gauche. La venue de médecins étrangers n'est pas autre chose qu'une volonté politique Européenne et internationale, c'est l'image même de notre politique étrangère.
Enfin, il faut savoir que les hélicoptères du SAMU ne peuvent voler la nuit pour la plupart.
Depuis cette politique désastreuse, les maires de communes (qui se concurrencent sur ce plan là également) et conseils généraux, donnent des -grosses- subventions à des toubibs roumains entre autres, qui restent deux ans dans la cambrousse puis, s'en vont ailleurs car sollicités par d'autres mairies. Il a été dénoncé un couple roumain qui touche régulièrement tous les deux ans, de fortes subventions sans jamais se fixer à un endroit.
Depuis douze ans je ne connais pas de médecins français. Ce c'est pas pour autant que la qualité des soins a diminué. Dans les cambrousses ou en moyenne montagne,il ne faut pas faire un infarctus après neuf heure du soir! Pour l'accouchement, entrer à l'hôpital une semaine avant, est préférable, à moins de prévoir l'accouchement au domicile comme nos parents.
La désertification des campagnes dans tous les domaines à commencé sous Giscard, le premier choc pétrolier avait accentué le phénomène, le Député Jacques Blanc avait réussit à faire que la moyenne montagne, soit reconnue comme zone prioritaire dans les différentes politiques rurales......
Bref, la gauche, la droite, le centre = même incompétence. Normal ils fréquentent les mêmes écoles de la médiocrité.
Le risque existe toujours d'avoir un endroit isolé avec un patient plus fragile, ou une voiture qui tombe en panne un soir d'hiver.
Par ailleurs l'ancienne maternité de Figeac était classée de niveau 1, c'est-à-dire sans unité de soins d'urgence pour les prématurés. Même si cette maternité avait encore existé en 2012, la mère dont il est question n'aurait pas pu y accoucher. Il aurait fallu du niveau 2 ou 3, ce qui demande une infrastructure en personnel et en matériel bien plus conséquente. Le niveau 3 accueille les accouchements à risque et suit les grossesses à problèmes.
Le principe de mutualisation des coûts qui a été invoqué dans cette affaire est discutable. A partir de combien d'actes de soins, en l'occurrence d'accouchements, faut-il une maternité ou un hôpital? On est d'accord que l'on n'en construit pas pour 10 habitants. Alors comment placer le minimum? Et quels soins selon la taille de la population? La mutualisation sans limite, sous prétexte de service public, a forcément des limites. Et en trois ans, depuis la fermeture de la mat de Figeac (qui je le rappelle n'aurait pas été adaptée dans ce cas) il n'y a eu qu'un seul cas comme celui-ci. Un cas de plus prévisible.
L'accouchement à domicile est une piste à suivre c'est pourquoi je me demande où sont passées les sage-femmes. Par contre pour un accouchement à risque prévisible, s'il peut y avoir la présence d'un urgentiste à domicile avec la sage-femme, je ne sais pas s'il peut apporter le matériel nécessaire pour parer à une urgence par exemple respiratoire du nouveau-né.
Finalement, la mère remet les pendules à l'heure et n'accuse personne, sauf la récupération politique, c'était un accident, comme il en arrive parfois.
Ça montre qu'il y a encore en France de simples citoyens qui se servent mieux de leur cerveau que les politiques et les médias :
"Elle se dit "indignée" par la politisation de la mort de son enfant samedi."
http://www.europe1.fr/France/Accouchement-de-l-A20-la-mere-temoigne-1285245/
Bonsoir Pli,
Merci pour l'info. J'ai lu aussi. Cela fera retomber peut-être la politisation. Quoiqu'en France beaucoup se sont ancrés sur un réflexe d'accusation: accusation de l'Etat, des politiques, du libéralisme.
Cette histoire me rappelle en partie l'affaire du RER B et de la fausse agression antisémite, pour laquelle Chirac lui-même avait exprimé son indignation.
Pour ce couple c'est évidemment triste. C'est bien que cette femme ait mis hors de cause aussi son gynéco et prenne sa propre responsabilité. Je me demande simplement si elle protège son intimité en disant qu'elle n'a jamais eu de problème et n'a pas été alitée. Vrai ou pas elle exprime clairement que cela lui appartient. Si elle n'a en effet eu aucun problème auparavant, et c'est ce qu'elle demande que l'on entende, cette info véhiculée largement dans la presse est une pure invention.
Je prends aussi pour moi la déclaration de cette personne car j'ai relayé l'hypothèse annoncée dans la presse. J'ai pourtant attendu 4 jours avant d'écrire ce billet, pour laisser le temps aux infos de se décanter et d'y voir plus clair.
En tous cas la politisation de ce drame était bien excessive. L'émotion collective en politique n'est décidément pas une bonne chose. C'est ce que je voulais dire dans ce billet, c'est ce que je pense encore plus qu'avant. On peut se laisser prendre et cela demande beaucoup de vigilance pour ne pas être emporté dans le torrent.
En France, maintenant avec cette crise de l'Euro, un nombre croissant de français pointent du doigt l'Allemagne, oubliant que d'autres pays sont sur la même ligne d'approche. Ils ne voient pas, ne veulent pas voir, qu'une bonne partie des problèmes de la France sont des problèmes franco-francais qui ne disparaitront pas avec la disparition de l'Euro, qui peut donner de l'oxygène dans un premier temps mais ne suffira pas à régler les problèmes internes comme l'inadéquation des politiques, mais aussi des dirigeants et des cadres d'entreprises, des syndicats...la liste est longue. Ce pays est perclus de blocages, j'en parle en connaissance de cause car je suis français, expatrié maintenant.
Oui, je partage votre point de vue: la France est perclue de blocages. C'est dommage. J'aime ce pays mais le voir ainsi s'arc-bouter sur un conservatisme (de gauche comme de droite), des réactions corporatistes récurrentes, me rend assez triste. Le langage aussi est piégé, la pensée, et donc l'audace, l'initiative. Je vois les forums de discussion en France: dès que vous dites un mot il est catalogué et vous avec. Certains mots n'appartiennent qu'à certaines tendances politiques. Donc la pensée est cadenassée.
J'ai l'impression parfois que si un groupe politique réellement novateur parlait librement, bien des français l'accepteraient, car comme vous le dites plus haut les citoyens utilisent leurs cerveaux. Sinon ce sera tôt ou tard un pouvoir autoritaire, comme sous Napoléon et en moindre mesure sous De Gaulle. Ce sont cs gens-là qui ont vraiment fait bouger la France.
Oui, mais de Gaulle ou Napoléon avaient une vision stratégique, ce qui relève de la créativité, de l’œuvre d'art, de visions transversales, de la prise de risque, de l'intuition. Tout cela est banni en France, chacun veut faire sa carrière pépère, assurer sa réélection. Bref, rien dans le sens de changer l'environnement, alors que tout change. Ayant fait ce constat, je suis parti, et ne le regrette pas, car mes initiatives portent leurs fruits, tandis que je me cognais à des murs en France.
Je suis également navré qu'un pays, celui de mon origine qui a pourtant des atouts culturels et géographiques, sombre dans le manque de discernement et se cherche des boucs émissaires. Un peu plus de modestie, de réflexion et de lucidité seraient les bienvenues.