L’élection en ville de Genève est passée et le monde n’est plus le même. Tu n’es plus là. La vie est cruelle. Elle nous prive de ceux qui ont su prendre une place dans la nôtre. Ceux auxquels nous nous sommes attachés, un peu malgré nous, sans s’en rendre compte, comme à un chien fidèle couché devant la porte et qui, jour après jour, gagne notre confiance.
Nous étions devenu nous-mêmes ce chien, ce hamster, cette souris, enfin n’importe quel petit animal aimable. Nous attendions fidèlement la manne cybernétique qui devait nourrir nos coeurs de citoyens du XXIe siècle.
Vous, vous étiez quatre. Quatre étrangers devenus presque des amis. Quatre à nous faire des câlins, à nous gratter le dos, à nous chatouiller les pieds. Parfois vous vous chamailliez comme des enfants un peu turbulents mais gentils. De grands enfants qui nous racontaient de belles histoires rassurantes.
Et nous, nous vous lisions sur vos blogs. Nous vous répondions, vous exprimions toute notre affection, notre admiration, notre amour même! Plus les jours passaient plus nous étions proches.
Jusqu’à ce terrible dimanche.
C’était en 2012, un 4 novembre. Il y eut encore cet étrange message de Boney M. Bonny D. selon qui Google jouerait à Hal comme dans 2001 l’odyssée de l’espace. Puis vous avez disparu. Plus un signe. Plus un mot. Pas un bisou d’adieu. Pas de verrée de départ. Pas un merci pour nous être ouverts à vous et vous avoir supportés. Pas d’analyse lucide ou de diagnostic post-opératoire (opération électorale, bien sûr). Pas même d’autocongratulation lyrique des perdants ni d’humilité feinte du gagnant. Cela fait plus de 24 heures que nous sommes sans nouvelles. Tu n’es plus là.
Ne vous attachez jamais à un candidat. Il dit vouloir votre bien et le lendemain de l’élection il vous abandonne comme un amant volage ou une maitresse nymphomane. L’une est au Sabre et à l’Amitié Réunis à ramasser les morceaux de verre; l’autre vole vers un avenir radieux à Bombay, via Moskow; le troisième, tel Lucky Luke, sort d'un café qui ferme derrière lui; et le quatrième range les bouteilles vides au Bar à Zone.
Et vous, vous êtes là, comme plus rien. Inutile. Largué.
Alors, puisqu’ils insistent à ne pas venir nous dire un petit mot d’après-campagne, c’est moi qui leur dit Au revoir.
A toi Salika, guerrière viking du djebel; à toi Eric, soutenant les colonnes du temple; à toi Raspoutine alias Boney M. - non, Bonny D., qui débute une brillante carrière à Bonnywood; et à toi Guillaume, qui ouvre le nouveau bar branché en ville; à toi, je dis adieu. Tu t’en vas comme une ombre sur la route. A peine une trace dans le lointain. Salika, Eric, Boney Bonny, Guillaume, tu n’es plus là.
Et moi, souris fidèle à côté du clavier, d’un snif clic je t’envoie cette chanson en souvenir de nous.
Préparez les mouchoirs, c’est du gros calibre:
(Rectif: lundi à 20h45 Raspoutine a publié. C'est une Bonny D., non? L'autocongratulation lyrique du perdant est de retour. Les choses reprennent leur place).