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L’homme: dominateur ou transgresseur?

Le mâle dominant est un archétype de la vie animale. On attribue aussi ce qualificatif au mâle humain. Encore faudrait-il s’entendre ce que signifie domination, et tenter de cerner ce qui dans son comportement corroborerait cette assertion.

caligula2.jpgL’image culturelle que l’on a de la domination me semble être de deux sortes. D’une part il y a le tyran. Caligula faisant tuer ses proches et ceux qui avaient soutenu son ascension au pouvoir en est une illustration classique. Décider de la vie ou de la mort de ses assujettis est le trait le plus extrême de la domination. C’est à Caligula que l’historiographe Suétone attribue cette phrase, adressée à deux consuls qui dinaient en sa présence:

« Quand je pense que sur un seul geste de moi vous pouvez être égorgés tous les deux à l’instant ! »

ou celle-ci destinée à une maîtresse:

« Une si jolie nuque sera tranchée dès que j’en donnerai l’ordre ! »

On est bien ici devant la notion de maître absolu, violent, sadique, illogique, maître de la vie et de la mort des humains considérés comme lui appartenant. Une forme de folie. C’est l’exemple de la domination au sens le plus extrême et caricatural, celle qui exista probablement très peu dans l’histoire humaine, même si celle-ci fut parsemée de cas typiques comme le comte Vlad Dracula, dit l’empaleur, qui empalait vivants ses adversaires. Une littérature et une iconographie, dont par exemple Conan le Barbare est un avatar, a régulièrement réalimenté le mythe du dominant implacable et cruel.

Or le dominus, dans les sociétés d’avant l’égalité, n’était pas libre de faire ce qu’il voulait des gens. Il était juridiquement responsable de personnes placées sous son autorité. Le code Napoléon plaçait par exemple les femmes mariées sous l’autorité juridique du mari, ce qui semble aujourd’hui inconcevable mais qui à l’époque correspondait à la volonté bonapartiste de créer une société hiérarchique très forte. La hiérarchisation dans tous les domaines est un des traits caractéristiques du nouveau moule sociétal donné par Napoléon à l’Europe après la révolution.

Aujourd’hui le mythe du dominant brutal et cruel est alimenté par le concept de domination masculine. L’homme mâle n’aurait eu d’autre intention que de dominer la femme, de la soumettre à ses seules volontés et d’user de la force pour l’y contraindre, cela depuis la nuit des temps. Si c’était vrai un tel comportement aurait laissé des traces sérieuses dans l’histoire. Or on ne trouve pas ces traces, et l’interprétation de quelques écrits religieux ou de la répartition des rôles sociétaux qui a longtemps prévalu ne saurait loupacc.jpgprouver quoi que ce soit dans ce domaine. Une preuve serait un comportement masculin  habituellement et massivement violent, d’une violence spécifiquement et essentiellement orientée contre les femmes, ce qui n’est pas le cas.

L’exemple animal des mâles ne confirme pas davantage de comportement dominateur au sens où on l’entend. Le loup dominant est en couple avec une louve elle aussi dominante sur la meute: ils sont deux dominants. La position de l’accouplement, mâle juché sur la femelle, est évidemment la plus confortable et efficace du point de vue anatomique. Rien qui justifie l’idée de domination au sens d’un assujettissement. J’ai lu quelque part que le viol était l’expression naturelle de la domination masculine et que seules des lois strictes pouvaient limiter cette nature. Or rien ne prouve qu’à une quelconque époque le viol ait été considéré comme naturel et justifié socialement. Seule une vision déformée et idéologique du masculin peut laisser courir une telle aberration intellectuelle.

Si d’ailleurs les hommes étaient fondamentalement dominateurs, ils n’auraient pas créé des sociétés aussi hiérarchiques que celles que l’on connaît. En effet, des dominateurs ne peut que se battre entre eux pour une suprématie ou vivre séparés, sans hiérarchie. Le fait que des humains en grand nombre aient accepté l’assujettissement montre qu’il n’y a eu qu’une petite fraction d’humains dominateurs.

Récemment une commentatrice écrivait un commentaire sous un de mes billet pour tenter d’expliquer un sentiment d’insécurité plus grand chez les femmes que chez les hommes. Elle citait une scène où elle avait été interpellée dans la rue par un homme qui avait dit: «Tu suces salope?» Un tel comportement masculin peut-il être considéré comme une volonté de soumettre la femme et de la dominer?

indiana-jones.jpgJe ne le pense pas et j’ai une autre hypothèse. Je pense que la piste du mâle dominant et brutal n’est pas la bonne. L’homme mâle est plutôt un transgresseur. En interpellant la femme même de manière aussi peu respectueuse et vulgaire, il exprime une transgression des rapports sociaux que l’on rencontre habituellement. Mais il ne domine pas. S’il dominait, il passerait immédiatement à l’acte par la contrainte. Or le nombre d’homme violeurs est extrêmement faible. L’homme interpelle, provoque, mais ne passe en général pas à l’acte.

Plutôt que cette hypothèse non démontrée de la domination masculine, qui est utilisée actuellement comme une arme misandre, on devrait plutôt explorer la piste de la transgression masculine, et en étudier les formes et son utilité - comme les excès dont elle est parfois caractérisée.

Certes, des formes plus «sociables» de la transgression seraient parfois plus agréables. L'expression mentionnée par cette internaute est particulièrement détestable et je ne peux y souscrire. Mais une transgression n’est pas faite pour être «normale»: bien avant d’être parfois criminelle ou insultante, elle sert à provoquer un événement nouveau et différent, à ne pas laisser les choses et les gens en place. C’est la qualité de découvreur, d’explorateur, de conquérant du mâle humain: la transgression est aussi un moteur de l’évolution. Elle devrait donc être étudiée de manière nuancée et, sans donner de quitus à des comportements vulgaires ou inutilement violents, on devrait rendre hommage aux hommes pour cette valeur d’audace que la société moderne tend à leur reprocher à l’excès.

Catégories : Féminisme, Philosophie, Politique, Psychologie, société 11 commentaires

Commentaires

  • Bonsoir Hommelibre, cette éternelle question appellera beaucoup de réactions. Est-ce qu'il faut penser que les femmes font souvent au lit ce que les hommes détestent? Chacun a ses spécialités mais il apparaîtrait que certains "défauts féminins" seraient communément admis par la gente masculine.

    Boutade ou pas, voici en vrac ces "attributs" :

    "Les hommes détestent quand la femme fait semblant de ne pas aimer le sexe.
    Ils n’aiment pas les femmes qui ne sont jamais les initiatrices du sexe.
    Les hommes n’aiment pas les femmes qui ne connaissent pas le corps masculin.
    Ils n’aiment pas quand les femmes les rendent responsables du manque d’orgasme féminin.
    Ils ne supportent pas quand les femmes se conduisent au lit comme des « régulatrices sexuelles ».
    Les hommes n’aiment pas les femmes insensibles.
    Ils détestent les femmes qui parlent trop au lit.
    Les hommes s’irritent quand les femmes n’aiment pas leur propre corps et humilient leurs propres avantages.
    Ils regardent avec précaution les femmes qui n’aiment pas les expériences au lit.
    Les hommes n’aiment pas les amatrices des baisers « cupides ».
    Ils n’aiment pas les femmes qui usent de leur sexualité pour manipuler les hommes.
    Les femmes qui parlent de leurs ex-amants irritent les hommes.
    Les hommes ne respectent pas les femmes qui portent de la lingerie difforme."

  • Bonjour Micheline,

    Il y a matière à observation et à réflexion dans votre commentaire. Je me reconnais dans certains points. Ce pourrait une une base de discussion intéressante dans un couple!

    Bien à vous, bonne journée.

  • @Micheline P.
    La liste est géniale, le dernier point étant le plus drôle de tous. :-)))

    Pour en venir à cette histoire de transgression verbale: j'ai soumis la situation décrite ci-dessus à un homme que je connais bien.
    Il est totalement d'accord que de demander "Tu suces ?" à une femme dans la rue est une sorte de gag transgressif.
    De mon point de vue, il ne s'agit pas d'entrer en contact sur un mode de séduction, puisque la femme va forcément être hérissée. Il s'agit de se montrer cru.
    J'ai demandé : Mais quelle est donc la bonne réaction dans un tel cas?
    Il a d'abord proposé : "Chiche?", mais a admis que selon l'heure et le lieu, ça pouvait être périlleux.
    Il a aussi proposé : "Non, mais je mords."
    C'étaient des réponses masculines transgressives, sur le même ton.
    Quant à moi, je préconise de passer sans réagir.
    Parce qu'une femme ne prend pas le risque de "transgresser", dans le cas présent. L'espace de la rue n'est donc pas toujours un lieu de confort total ...
    On est d'accord qu'entre les paroles et les actes, il y a un espace énorme, qui n'est heureusement pas franchi systématiquement.

  • Calendula@ La réaction proposée par votre ami n'est pas mauvaise en ce sens qu'elle déstabilise le macho primitif qui fait de telles demandes, dont le but est de jouir du privilège de mettre une femme mal à l'aise. Mais c'est la même chose qu'avec toutes les armes : il faut l'assumer.
    Il y a une vingtaine d'années, de nombreuses femmes se sont fait jeter hors de la route - et même l'autoroute Lausanne-Genève - par des jeunes que cela excitait. Elles adoptaient une attitude de soumission typiquement féminine pour seule défense. En fait, il eût suffi qu'elles se montrent aussi agressives que les hommes pour échapper au piège. Je ne suis pas une femme, mais j'ai vécu quelques-unes de ce genre d'agression sur les routes. En réagissant avec le même niveau de violence que l'agresseur, il se couche tout de suite. En ignorant sa violence, il continue...

  • hello Homme Libre,
    viii c'est vrai on aime bien que les hommes nous attrapent comme des crocodiles un ptit catch, ;))),sinon "tu suces salope", ça a le mérite d'être clair au moins, une fois,on m'a demandé élégamment si j'étais pas une entraineuse, ça m'avait super choquée,le soir me suis regardée 3 h devant la glace, j'ai demandé à une copine qui s'est marrée, et j'étais super soulagée de savoir que je ressemblais pas à Guy Roux, comme c'est le seul que je connaissais, ;)))!!!bizzzouxxx!!!

  • @Géo,
    J'ai bien apprécié votre réponse, mais ne sais pas encore très bien comment assumer mon agressivité face à des hommes qui passent à l'acte.
    Vous écrivez ceci :
    "En réagissant avec le même niveau de violence que l'agresseur, il se couche tout de suite. En ignorant sa violence, il continue..."
    Généralement, la police conseille de ne pas résister, p.ex. en cas d'arrachage de sac. Ca m'a toujours interloquée, mais je crois qu'ils veulent éviter que les gens se fassent molester en plus.
    Pourtant, on apprend que des gens (même des femmes) résistent et que ça peut amener à l'arrestation des pick-pockets. Je suis très admirative et espère avoir cette montée d'adrénaline, au cas où.
    Ma fille de 18 ans l'a eue, elle est allée réclamer son sac à la bande de 7-8 arracheurs, qui avaient le culot de rester trainer par là, à minuit, au parc des Bastions. Ils l'ont éconduite, mais son portefeuille avec tous ses documents et sa carte SIM a été retrouvé, posé sur les escaliers d'un bureau de poste. Dans un sens, elle a gagné. Elle en est sortie avec l'impression de ne pas s'être couchée.

    Vous écrivez : " de nombreuses femmes se sont fait jeter hors de la route ".
    De quoi s'agissait-il ?
    Etait-ce un truc comme des autos tamponneuses ?

  • Comme des autos tamponneuses sur la route. Ce que je vous ai écrit, c'est que c'est comme une arme. Vous ne pouvez imaginer sortir une arme face à un agresseur si vous n'avez pas l'intention de l'utiliser. Il y a une majorité de gens en Suisse qui préfèrent être torturés, volés, violés plutôt que d'utiliser une arme. ceux-ci doivent donc y renoncer. Allez regarder le dernier temps présent sur les victimes et vous comprendrez ce que je veux dire. Personnellement, je sais que je me défendrai. D'ailleurs, cela m'est déjà arrivé...

  • Quelle bonne idée d'avoir posé la question à un collègue, Calendula. Sa réponse va dans le sens en effet de la transgression. Les vrais violents ne sont pas très nombreux.

    Oui, le texte posté par Micheline est vraiment bien tourné et pertinent! Très intéressant.

    Cette idée d'homme transgresseur sera à creuser. Je pense qu'il y a une piste à suivre vers un changement de paradigme sur la supposée domination masculine.

  • "Calendula@ La réaction proposée par votre ami n'est pas mauvaise en ce sens qu'elle déstabilise le macho primitif qui fait de telles demandes, dont le but est de jouir du privilège de mettre une femme mal à l'aise".

    Au manque de respect, on répond par le manque de respect.

    "Et qu'est ce que tu comptes que je fasse avec ton petit truc ? Que je me cure une dent ?".

  • Micheline
    Je vais vous donner mon avis personnel
    "Ils n’aiment pas les femmes qui ne sont jamais les initiatrices du sexe."
    Pour ma part non, car le fait que moi je n'ai pas envie par exemple, celà me dérangerait, en revanche, je ne suis pas contre de laisser les choses se dérouler.

    Pour le reste je suis presque d'accord à 100% avec vos dires; donc vous avez vu à peu près juste ;)


    Tiens revoilà Patricia, ça faisait un bail, hello ;)

    @Sarah
    Ne faites pas attention à ces dragueurs d'opérette. Avec le temps ils vont finir par savoir charmer les donzelles.

  • "L'expression mentionnée par cette internaute est particulièrement détestable et je ne peux y souscrire."
    Vous devez sans doute parler de Laura. Or il se trouve qu'elle n'est pas la seule à le penser, car plus bas dans les commentaires j'ai aussi eu droit à cette domination.

    Faut croire que Bourdieu a laissé des séquelles dans l'inconscient des idéologues contemporains

    Vous avez écrit de nombreux billets dessus pourtant parlant du Moyen-Âge, du 19ème siècle ... démontrant à travers vos billets que la science réfute ces idées reçus de l'homme dominateur, sans compter les réflexions dont vous nous faites part, eh ben non rien à faire.

    Le problème c'est que partir de ce postulat erroné ne fait pas d'une personne qui débat dans l'honnêteté, car rien ne prouve comme vous le soulignez la "domination" masculine.

    Pourtant ce ne sont pas de mauvais intervenants, je dirais même qu'ils ont tendance à susciter et créer une dynamique sur les débats.

    On peut être d'accord sur certains points et l'être moins sur d'autres : théorie du genre, désexualisation du corps de la femme ... pas de problème. Mais que les intervenants commencent par s'interroger sur le pourquoi de la domination masculine et on aurait fait un pas de géant

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