Dans le débat précédent sur l’excision un thème a été soulevé par un débatteur. Il s’agit de la dot. En Afrique les parents du fiancé offrent une dot aux parents de la jeune femme. Cette question révèle des interprétations idéologiques et faussées des relations hommes-femmes.
La dot est considérée par certains comme une sorte de prix de la fiancée. On achèterait sa future femme. Sous-entendu: comme on achèterait du bétail. Cette dot serait une preuve de la domination masculine. Pourquoi? Parce que qui commande paie: «Quant à qui commande, il suffit de remonter à qui fournit la dot pour déterminer les intérêts de qui sont pris d'abord en considération.» Si c’était le cas, en Inde la dot payée par la famille de la femme devrait lui donner le pouvoir.
En Europe au Moyen-Âge la dot était gardée par la femme comme bien personnel en cas de veuvage ou de séparation. En Afrique la dot est un arrangement entre les familles et le couple n’en est pas récipiendaire. C’est la famille de la femme qui reçoit cette dot et qui décide si elle est suffisante pour autoriser le mariage. C’est donc cette famille qui commande. Pas de domination masculine, mais une «domination» des parents de la fiancée, si l’on veut voir de la domination partout dans la grande paranoïa moderne.
Mais est-ce un «achat»? La famille du fiancé paie-t-elle un «produit» en la personne de la fiancée? La tradition est claire: la dot n’est pas un achat, c’est une alliance entre deux familles. Le mariage est pris très au sérieux dans la société africaine traditionnelle. Dans la perspective du long terme la dot scelle une alliance - qui va même au-delà de la famille et qui peut concerner tout un village.
Il faut savoir que la femme est le pilier de la société traditionnelle africaine. Elle travaille à l’artisanat, à l’agriculture, sur les marchés. Elle éduque les enfants. Elle est maîtresse de la maison, des champs et du marché. Elle a été guerrière au temps de l’empire Mandingue et en d’autres régions d’Afrique et d’autres circonstances. Elle peut être reine. Voici ce que dit Fatouma Kane. Sénégalo - Malienne de naissance et Burkinabé par le mariage, Fatoumata Kane est mariée et mère de 3 enfants. Elle est économiste et écrivain:
«La famille africaine est un lieu d‟inculcation de valeurs et ce sont les femmes qui transmettent les valeurs culturelles à leurs enfants, dès le jeune âge, au moyen d‟expressions telles que le chant, la danse, les contes etc.
Malgré une éducation sexiste, les femmes grâce à leur insertion dominante dans l‟entité familiale, ont une prédisposition pour la vie associative (société secrète, association de danse, tontine etc.) qui les a souvent protégées en leur permettant d‟avoir une vie relativement autonome.»
Les femmes ont donc une grande valeur en Afrique. Leur fertilité conditionne la prospérité et la survie de la famille, dans un environnement naturel dur où chaque repas se gagne en transpirant. Les contes africains rendent souvent hommage aux femmes, de même que la statuaire préhistorique. Elles participent aux palabres et disent tout ce qu’elles ont à dire, haussent le ton, s’imposent. Je l’ai vu dans plusieurs voyages en Afrique, dans le bush nigérian essentiellement, et c'est ce que des africaines m'ont raconté.
J’écrivais dans un commentaire du précédent débat:
«Je parle de l'Afrique chrétienne, mais même dans l'Afrique musulmane les mères et aïeules ont une place très forte et écoutée. L'homme ne prend de décision qu'après qu'une discussion avec les femmes ait eu lieu, et si elles ne sont pas contentes de la décision elles le font savoir. Dans la réalité il est rare qu'un "chef de famille" (statut juridique) contrarie les femmes. On dit que l'homme a décidé, mais derrière c'est la famille et les femmes qui ont nourri la décision.»
La perception européenne des relations est aujourd’hui gravement contaminée par des thèses que le réel ne confirme pas. Les occidentaux vivent le monde comme dans un film d’animation écrit par un quelconque écrivain féministe de gare. La domination masculine est le fourre-tout d’une pensée automatique qui se déploie quand on est trop fatigué pour analyser les choses avec sérieux.
De grâce, ne faisons pas de la femme africaine une pauvresse, ne la contaminons pas par des théories victimaires: nous la priverions de sa force et de sa fierté.
Commentaires
Je me joins en choeur avec Desmond Tutu, qui en apprenant l'histoire de l'épopée humaine à déclaré :" Nous sommes tous des africains !"
En parlant d'histoire humaine et de domination , il faut rappeler qu'il s'agit d'une question relativement récente apparue avec l'invention de l'agriculture au néolithique.
Cette invention a dopé la croissance de la population et avec elle créé une hiérarchisation sociale.
Les dominants étant ceux qui détenaient le secret des nouvelles technologies. Agriculture, puis la maitrise des métaux qui a dopé aussi les progrès techniques et qui conféraient d'un coup un pouvoir très grand qui permettait de dominer impunément !
Quant à la guerre des sexes, cela relève plus à mon humble avis d'une spécificité culturelle européenne importée par la suite lors des colonisations et des missions religieuses.
Une bagarre sur des compétences et des valeurs spécifiques à chaque genre qui est née avec la naissance de la philosophie en Grèce. Exercice réservé exclusivement à la gent masculine qui a commencé à considérer avec dédain les préoccupations plus concrètes et émotionnelles des femmes. Socrate en est un très bon représentant.
Cette culture s'est perpétuée sous l'empire romain et Jules Cesar ne fût pas le dernier à frémir devant la sensibilité féminine. En contre partie, nos ancêtres les celtes, ne cultivaient pas du tout ce même regard.
Et puis plus proche Napoléon que vous avez souvent cité.
Aujourd'hui, les facultés émotionnelles et cognitives jusqu'à l'abstraction se sont savamment mélangées entre tous les genres et il est difficile de parler de domination d'un genre sur l'autre. La domination existe toujour mais en terme général il s'agit d'une domination sans genre particulier. Toujours le pouvoir de multinationales et de lobby économiques qui tissent les toiles dans lesquelles nous nous débattons quotidiennement.
" Nous sommes tous des africains !"
Comme je l'écrivais dans un billet précédent, nous n'avons rien, mais alors rien du tout à voir avec les Africains. Quand j'y étais, je me disais que nous devions être une espèce différente, aujourd'hui je dirais que ce sont des extra-terrestres pour nous. Plus vous passerez du temps avec eux, plus vous vous apercevrez que le fossé entr'aperçu au début devient un gap de plusieurs millions d'années-lumière...
L'affirmation de Tutu est donc pour moi la plus erronée possible sur le sujet...
Sur le rôle de l'homme : chez les Lobi, peuplade très indépendante et bien déterminée à conserver ses moeurs, qui vit au sud-ouest du Burkina, chaque famille dans une sorte de château-fort divisé en cellules, qui sont les chambres des femmes. L'homme n'a pas de pièce à lui, il passe d'une chambre de femme à une autre. Son matériel à lui est entreposé à l'entrée.
Alors là pour le coup, vous me surprenez un peu Géo !
Vous qui d'habitude vous vous montrez si attaché aux réalités biologiques et à l'ADN, vous ressortez une pensée inverse ...
C'est vrai que dans votre affirmation " L'affirmation de Tutu est donc pour moi la plus erronée possible sur le sujet..." vous nuancez en précisant "sur le sujet "
D'autre part votre info me soulage, quand j’apprends que l'homme Lobi entrepose "son matériel" à l'entrée de la chambre.
J'savais bien qu'il y avait une histoire de prothèse ou truc du genre avec le matos des africains :)))
Aoki@ Je ne connais bien que l'Afrique et ses habitants en dehors de l'Europe. Mais les mêmes réflexions se font sur le fonctionnement des Asiatiques, qui n'utilisent pas les deux hémisphères de leur cerveau comme nous. Il faut cesser de croire pour se rassurer que nous sommes tous semblables. Vous savez aussi bien que moi que cette idéologie nous vient en droite ligne de la religion chrétienne. La question était : ont-ils une âme ou n'en ont-ils pas ? S'ils sont dotés d'une âme, ils sont comme nous. La réalité est un peu plus complexe. Cela dit, je pense qu'il n'y a rien de plus fascinant que de se confronter avec l'étrange, sauf si cela débouche immédiatement sur des croyances irrationnels (cf. mon commentaire sur les pierres, la géobiologie, etc...). Mais quand vous apprenez que pour les gens chez lesquels vous habitez, la vie des enfants appartient aux Ancêtres jusqu'à la fin de sa 3ème année, il faut vous poser des questions sur la manière de proposer une campagne de vaccination, par exemple...
Au delà de votre humour sur le matériel des hommes africains - sans vouloir vous vexer, je vous recommande chaleureusement de ne pas vous lancer dans une carrière d'humoriste...- , ma remarque en fait faisait allusion à qqch de marquant chez les Lobis. Les femmes lobi sont d'excellentes potières et chacune possède une batterie de cuisine très visible dans leur pièce, où elles cuisinent. La fumée a des vertus antiseptiques et insecticides, oui merci. Il n'y a rien de l'homme chez elle. D'où ma remarque...
Ha ben là je vous retrouve quand vous ramenez les choses au sérieux !
Justement sérieusement; j'ai très bien compris ce que vous vouliez dire. Nous sommes issus d'une même lignée mais nous avons tous évolué sur des critères différents, voire très différemment !
Si nous sommes biologiquement tous semblables, je suis bien d'accord avec vous pour que cela n'efface pas les différences et que ce serait une erreur de ne pas en tenir compte. Toutefois si effectivement l'église s'est posé la question de l'âme ou pas au 16ème siècle, l'assertion "tous semblables" ou "tous des africains" nous vient de la confirmation des généticiens sur notre histoire.Donc du monde scientifique.
Pour en revenir au sujet du billet, votre intervention va bien dans le sens que l'on ne peut pas appliquer d'un coup nos critères de vie, à cette population à la culture si différente.
"J'savais bien qu'il y avait une histoire de prothèse ou truc du genre avec le matos des africains :)))"
Comme la limace de mer au pénis jetable :)))))))
La "Chromodoris reticulata" est capable de se séparer de son sexe après avoir copulé. Cette limace de mer hermaphrodite n'a pas besoin de plus de 24 heures entre deux accouplements pour dérouler un "pénis juvénile" comprimé à l'intérieur de son corps, et remplacer l'ancien appendice usagé. Elle peut rééditer cet exploit au moins trois fois d'affilée, expliquent des chercheurs japonais.
Quelle performance! Pas besoin de viagra ... LOL