En regardant en arrière l’histoire des humains est remplie de guerres et de violence. Ce passé porte les ingrédients d’autres guerres et violences futures. Partout, de tous temps, des humains ont été agressés et se défendent ou se vengent. La vengeance peut survenir des générations après l’agression. Dans le système mental de la guerre, le temps n’existe pas.
Le système de la vengeance
Des kamikazes ont commis des attentats suicides au Niger, attaquant entre autre une mine d’uranium exploitée par une grande société française. On parle de nombreux morts et blessés. Le groupe auquel appartenait ces kamikazes a donné la vengeance comme raison à leurs actes. Ils se vengent de l’action militaire française au Mali.
Le monde regorge de telles raisons. La mort appelle la mort. Certaines coutumes demandent la mort en échange du meurtre d’un membre de la famille. C’est le prix d’une vie. La peine de mort est une forme étatique du système de vengeance. La seconde guerre mondiale est entre autres la conséquence de la défaite allemande de 1918 et du sentiment d’humiliation qui en est resté.
Gandhi disait: «Oeil pour oeil et le monde sera aveugle». Aveugle ou mort. Gandhi avait bien compris que ce système était sans issue, que l’alimenter ne produirait que davantage de fleuves de sang, que jamais rien ne finirait si l’on n’entrait pas en rupture. Entrer en rupture d’avec notre Histoire et d’avec notre nature humaine.
L’Histoire donnera souvent raisons aux meurtriers. Aujourd’hui les tibétains se posent en victimes, mais leur société a pratiqué des formes de violences sur les paysans. Les descendants d’africains mis en esclavage mettent une pression sur les blancs européens responsables de l’esclavage, mais ne mentionnent pas les esclavagistes venus de leur propres rangs ou du désert, qui allaient chercher des populations à l’intérieur du continent. Les arabo-musulmans se disent victimes de l’occident, mais au vu de leur passé de conquête, doit-on penser que leur récrimination est légitime ou qu’elle est une stratégie d’affaiblissement moral de l’occident?
Quiconque a pris les armes pour se faire «justice» est instantanément passé du côté de l’oppresseur. Quiconque tue pour une supposée liberté et réparation du passé crée le sillon où pousseront les plantes vénéneuses du futur. Il n’y a plus de peuple innocent. Les palestiniens tuent comme les israéliens. Ils sont dans le même camp.
Si donc l’on se bat pour réparer des crimes, des massacres, des oppressions du passé, le seul moyen de mettre vraiment fin au cycle est de renoncer à la violence. Brûler des voitures parce que l’on serait défavorisé n’a aucune légitimité. On ne sait si la justification d’une oppression subie dans le passé motive de vrais révoltes ou si ce n’est qu’un prétexte, ou qu’une instrumentalisation par des dirigeants.
Le système de la réconciliation
L’Histoire montre que tout prétexte peut servir à des groupes peu nombreux mais organisés pour réveiller dans une population des frustrations éparses et engager un combat armé. Les prétextes sont parfois inventés, comme lors de la seconde guerre d’Irak. Tout peut être suspect aujourd’hui. La guerre du langage bat son plein. Les victimes d’aujourd’hui furent souvent les bourreaux d’hier. Pourquoi prétendre libérer les humains de l’oppression et en même temps attiser la guerre des classes et les massacres comme on l’a vu dans les pays se réclamant du communisme? Le productivisme idéologique et la nature humaine les aurait menés à la guerre sur n’importe quel prétexte.
Une des manières de rompre avec ce système de vengeance serait que les humains s’assoient ensemble sous un arbre à palabre, non pour savoir qui a raison, mais pour vider peu à peu les abcès encore chaud. Que chaque peuple envoie des représentants pour parler et être entendu. Que rien ne soit laissé de côté. Que rien ne reste accroché dans des larmes et de la rage. La réconciliation doit être totale, incluant les groupes et les individus.
Ce serait un très long processus. Aujourd’hui beaucoup de populations parlent par la voix de leurs petits enfants, voire encore plus loin de la souche qui a connu l’oppression ou qui a commis la guerre. On ne peut incriminer les descendants du mal fait pas les parents. Mais ils le portent malgré eux.
La palabre de réconciliation serait très longue. Elle prendrait des générations, au moins 4, pour s’assurer que tous les abcès sont vidés. Ses réunions seraient très fréquentes, presque permanentes.
Il ne s’agirait pas d’y trouver un ennemi car il faudra reconnaître que les victimes d’une époque ont souvent été les bourreaux d'une autre époque. D’autre part on n’incriminera que les responsables directs mais pas leurs descendants. Une telle palabre devrait reconnaître la prescription à la mort des auteurs directs. Ce qui suit est une palabre morale dont le but est que la parole entendue et écoutée avec attention rende à chacun sa dignité et sa responsabilité, et qu’elle pose comme priorité le fait de ne plus faire payer la mort par d’autres morts.
Ce principe de réconciliation ne peut être animé et mené par le monde politique. La politique n’est ni la sagesse ni une institution morale et de doit pas le devenir. Chacun son travail. La politique ne servant ni à rendre les gens heureux ni à réparer les blessures du passé. Si la politique se mêle de rendre les gens heureux elle devra prendre en charge les stigmates du passé et reprendra le flambeau de la violence. Il faut ici un autre moteur, c’est un engagement personnel dans la renonciation à la violence comme manière de régler les soldes du passé.
Un tel objectif de grand pardon et de réconciliation, s’il était admis par les peuples et leurs dirigeants, et qu’il se mettait en marche, serait malgré sa durée prévisible de plusieurs générations, la garantie que le désarmement peut commencer et que les idéologies animées par la mise à mort d’un ennemi seront abandonnées.
On en est loin. Mais que ceux qui portent la guerre ne prétextent plus jamais leur morts pour les venger: dès qu’ils ont eux-mêmes tué, le prix de la vie a chuté, et eux comme d’autres deviennent bourreaux et cause du mépris de l’humain pour la vie humaine. Or pourquoi se battrait-on sinon pour la préservation de la vie?
La défense de l’humain ne peut passer par la destruction de l’humain. Quand une lutte de libération a besoin d'une armée, c'est le nouveau nom de l'oppression.
Images 1: Ninja Assassin. 2: statue réconciliation cathédrale de Coventry.
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A écouter:
Commentaires
Comme je le répète sans cesse : il reste à l'humain à développer son humanité. C'est exactement ce que j'entends dans ton excellent article. Bravo à toi, John l'Humain.
Pardonner oui mais en connaissant toute la vérité sinon c'est peine perdue,les médias et surtout les personnages ayant connu les faits jamais eux ne divulgueront ce qui devait rester secret. Parcontre à défaut d'oser révéler ce que d'autres leur ont confié,des racommodages et autres fioritures juste pour se donner bonne conscience seront rajoutées par couches afin et encore de mieux épaissir le secret
Quand on sait le nombre de parents morts à la suite de problèmes digestifs accentués en plus par la mode des régimes de graines à moudre mais indigestes pour leur organisme,il eut mieux valu pour eux de parler,leur propre transit intestinal gonfflé de maux secondaires aux lettres du mot secret les en aurait remercié et leurs enfants aussi.
On dit faut savoir tourner la page oui sans doute pour ceux aimant l'ermitage est-ce facile car pour les autres ceux qui aiment encore mais de loin leurs semblables c'est fou le nombre d'articles souvent écrits et même commentés par des gens n'ayant jamais supporté la torture mentale du secret et ces articles peuvent conduire à des gestes extrémistes voire meurtre ,celui ou celle qui avait décidé après un long travail de déprogrammation à enfin ne plus avoir l'esprit obsédé par des faits odieux faits perpétrés très souvent déjà à leur encontre pendant la gestation
On ne peut que remercier la Confédération d'avoir enfin dit non aux nombres de juifs refoulés,la France elle n'a jamais tenu compte du nombre de Pieds noirs refoulés .Que les historiens fassent leur boulot,en Suisse il y a depuis 2000 nombre de citoyens s'étant exprimé sur Internet,qui ont même pris contact avec eux en leur posant des questions via Internet mais jamais aucun n'a répondu,cherchez l'erreur
Excepté Cabédita et l'Armée Suisse et militaire toujours bien disposés à répondre ,et que jamais je ne remercierai assez
On dit vaut mieux régler les problèmes de son vivant,en effet pour les survivants l'atmosphère se doit d'être épurée des doutes ,les pires poisons existentiels
me concernant j'admets en riant oui pleurer ne sert à rien qu'un portrait aura su me redynamiser à chaque descente aux enfers,celui de l'homme encore dans le coeur de nombreuses anciennes de ce pays,Notre Général Guisan.Seul homme a voir toujours réussi à combler le vide affectif ,ce portrait à lui seul vaut une fortune mais non négociable ,celle du coeur !
@ homme libre : "Quiconque a pris les armes pour se faire «justice» est instantanément passé du côté de l’oppresseur." Vous êtes contre la légitime défense? Contre par exemple la résistance française à l'occupation nazie? Contre l'intervention français au Mali?
Question biaisée, comme d'habitude, J...: le sujet n'est pas la légitime défense mais la vengeance des peuples.
Bonjour,
J'ai très apprécié ce développement depuis la vengeance jusqu'à la réconciliation. Cet article évoque cette belle qualité qu'est le pardon avec les grandes lignes permettant à une société d'évoluer.
Je connaissais "La loi du talion :Oeil pour oeil: rend tout le monde aveugle." de Martin Luther King mais ne savais que Gandhi l'avait dit aussi. Pas très étonnant puisque l'un s'inspirait de l'autre.
Pour ce qui est de la réconciliation vous auriez pu aussi évoquer la réconciliation des peuples en Afrique du Sud mené par Mandela et Desmond Tutu tout deux hommes réfléchis et spirituels.
Le chemin de la médiation est un chemin important pour la réconciliation, jusqu'à la médiation institutionnalisée au Canada - que vous vous avez bien fait de décrier -. Suivez cette piste.
J'ai aimé lire cet article, j'aimerais en lire bien plus souvent.
Chaleureusement,
Merci pour ces compléments, Bon Hom. Cette réflexion s'oppose à bon nombre de comportements et justifications de la violence. Elle nous met devant nos propres réflexes. Le parcours de Nelson Mandela interroge sur nos propres rancunes et désirs de vengeance. Je reviendrai sur ce thème.