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Fausses accusations: la quintuple peine

Le public réalise difficilement  les conséquences d’une fausse accusation, quel qu’en soit le motif. La question est peu documentée et peu médiatisée. Cela reste du domaine de l’exception. Or ce n’est pas le cas.

fausse accusation,justice,viol,erreur judiciaire,étoile jaune,rumeurCalomnie et diffamation ont toujours existé. Les causes sont multiples: vengeance, argent, trouble psychique, jalousie, malentendu, influence de l’entourage, simple malveillance. Je parlais récemment du cas d’un homme condamné à 12 ans de prison pour des faits supposés de viol sur ses enfants. Deux d’entre eux ont reconnu ensuite que ce n’était pas vrai et qu’un conflit familial était à l’origine de l’affaire. Son procès va être révisé.

La fréquence des fausses accusations est difficile à établir. Selon des études policières et sociologiques réalisées aux Etats-Unis, de 8% à 40% des plaintes en matière de moeurs seraient abusives pour l'une ou l'autre des raisons. Comme je l'ai souligné récemment à propos de violence conjugale, les chiffres sur la base d'enquêtes présentent les mêmes faiblesses que ceux pour la violence conjugale ou le viol. Mais actuellement ce genre d'accusation trouve rapidement un écho dans le public et auprès de tribunaux.


La quintuple peine

On ne parle pas des conséquences d'une fausse accusation. Voici ce que j’appelle la quintuple peine. Elle concerne en majorité des hommes accusés dans des affaires de moeurs, mais les femmes aussi peuvent être accusées faussement, pour les mêmes raisons. N’oublions pas les accusations malveillantes dans les affaires financières. La quintuple peine n’est pas automatique: ce que je décris ici est le maximum, tiré de plusieurs cas sur lesquels j’ai eu à me pencher. On rencontre habituellement au moins trois des cinq conséquences dans chaque cas.


1. Première peine: l’accusation en elle-même

L’opprobre d’une fausse accusation atteint la victime de plein fouet. C’est un renversement du monde. No more future. Le bouclier des valeurs est fracassé. La destruction systématique de son univers est en route. Sa propre vie est éventrée, piétinée comme par un interminable troupeau de bisons. Tout devient suspect. Nous avons certainement tous des bêtises à nous reprocher, on fait des erreurs, mais ici on n’est plus dans le même ordre de réalité. L’accusé ou l’accusée à tort culpabilise, croyant avoir réellement commis un crime. Il lui faut du temps pour remettre les choses à l’endroit en lui ou en elle. C’est un choc fausse accusation,justice,viol,erreur judiciaire,étoile jaune,rumeur,mensongemoral profond, qui de plus dure souvent des mois, parfois des années, selon la longueur de l’instruction.


2. L’atteinte à la santé

Physiquement le corps prend un coup. Perte du sommeil, état de choc, tremblements, épuisement. Le psychisme également est atteint. L’accusé à tort marche dans la rue en croyant que l’accusation est écrite sur son front. Souvent il se replie sur lui-même, se retire de toute vie sociale. Il doit parfois en passer par une psychothérapie pour supporter la pression. Les atteintes à la santé peuvent durer des années après la fin de la procédure. Plus celle-ci est longue et agressive plus l’atteinte est profonde. Certaines personnes vont jusqu'à se suicider quand ils n'arrivent plus à supporter ce viol continu de leur intégrité. Car une fausse accusation doit être considérée comme un viol moral, répété, et en bande.


3. Perte de sa vie de famille

Dans de nombreux cas l’accusée ou l’accusé perd sa vie de couple, et le contact avec ses enfants. La pression est telle, et la suspicion parfois pénètre jusque dans sa maison, qu’un éclatement peut survenir.


4. Pertes professionnelles et financière

Dans de nombreux cas la personne perd son travail. Si elle est indépendante, la rumeur détruit mieux que tout, et l’épuisement rend inapte à gérer son activité correctement. Pour une personne salariée, la rumeur suffit à la mettre à l’écart. S’il y a eu prison préventive, c’est évidemment pire. «Telle personne a fait de la prison, ça doit être grave!»


5. L’étoile noire

Dans les affaires financières ou de moeurs, les enquêtes sont souvent approfondies - pour autant que la justice n’ait pas pris parti dès le début, auquel cas l’accusée ou l’accusée à tort doit s’attendre à un passage en enfer. Après un non-lieu ou un acquittement, logiquement la personne accusée est blanchie. Mais même blanchie la personne reste marquée comme par une étoile - une étoile non pas jaune ou rose mais noire. Elle reste suspectée à vie par des personnes qui ne croient pas au verdict, pour des raisons personnelles et obscures. Sans compter l’accusateur ou l’accusatrice qui, déboutés, n’en fausse accusation,justice,viol,erreur judiciaire,étoile jaune,rumeur,mensongerestent pas là et continuent à calomnier. La victime apprend fortuitement que les accusations, bien que démontrées fausses, circulent sous le manteau, ou bien voit ses nouveaux projets freinés sans raison objective. On vient de temps en temps lui rappeler qu’il ou elle a été accusé ou accusée. Souvent on en rajoute ou en invente. Le but étant de discriminer et d'exclure. Histoire de prendre un pouvoir, ou de jouir d’être du «bon côté». Ou seulement par malveillance. Le monde est malheureusement aussi habité de gens peu recommandables et les mécanismes de rejets sont puissants.

Comme les gens sont souvent bêtes et crédules ils ne vérifient rien: si on les manipule par l'émotion ils croiraient même que leur mère n'est pas leur mère. La phrase conne: «Il n’y a pas de fumée sans feu» fonctionne trop bien, malheureusement. La victime peut être «grillée» à vie.


Conclusion

Cette problématique des fausses accusations doit être traitée avec une rigueur extrême par les tribunaux. Pour les victimes la réparation est longue. Elles ont un univers personnel à recréer après cette agression pénale et morale. Elles restent marquées. Parfois la prison a pris place dans leur tête. Dans la résilience il faut apprendre à donner une place à l'événement. Pour certains cela passe par l'auto-analyse, pour d'autres par l'engagement social ou politique, par l'exemplarité de la reconstruction, par l'information, par l'aide à d'autres victimes, par une refondation des valeurs spirituelles, ou par d'autres voies. A chacun son chemin. Le désaveu envers la société est fréquent: l'accusé ou l'accusée à tort n'est plus entièrement de ce monde. Pourquoi collaborer avec un monde qui l'a volontairement mis à terre et a nié ses valeurs? Les loyautés ancrées vacillent.

Il est étonnant qu'il n'y ait pas de meurtres après des fausses accusations. Le statut de victime réelle n'est presque jamais reconnu et les accusateurs ou accusatrices  sont très souvent impunis. A la lecture de différents cas je pense que l'extrême souffrance vécue par la victime a pour effet soit de l'anesthésier, soit de la priver durablement des moyens de se battre, soit encore l'abîme traversé lui ôte l'envie de rendre un tel mal. Ou bien la contrainte de la civilisation a fonctionné: on ne fait pas justice soi-même.

Au Far-West c'était plus expéditif.

Catégories : société 0 commentaire

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