On devrait imprimer des dictionnaires partiels. Ce serait moins cher. Dans chaque édition ne figureraient que quelques mots et expressions courantes sans connotation politique, telles que: «Quelle heure est-il?» ou encore: «Avez-vous du pain et du beurre?» Ces expressions anodines seraient complétées pas les mots préférés des mouvements politiques. Des mots qu’on retrouve dans leurs discours, au café autour d’un verre, dans leurs écrits, et surtout quand ils s’adressent à une tribu adverse.
I. Les Expressions courantes
Etudions aujourd’hui quelques mots et expressions selon la tribu politique dont ils proviennent. Car les mots ont une identité. Politique. On voit par exemple que l’expression «Avez-vous du pain et du beurre?», que l'on croyait si anodine, représente la synthèse du clivage politique.
Le français de droite achète une baguette française, dans la moitié droite du magasin. Il paie de la main droite, met la baguette sous son bras droit, sa casquette penchée du bon côté. La baguette, c’est pour se la mettre dans le cul lui-même avant que les politiciens ne profitent de la disponibilité de son orifice anal. Surtout par ces temps où en France les ministres qui s'occupent de lavage de cerveau d'éducation, ont la fâcheuse tendance d’aller mettre un doigt virtuel sur les parties intimes des petits enfants pour les convaincre qu'ils sont les mêmes. On se met donc la baguette préventivement, bien profonde, et on garde le pouvoir. Na!
Dans le genre baguette la ficelle de pain blanc est plus fine et souple quand elle est fraîche.
Le français de gauche achète du beurre étranger.
- Du hollandais, s’il vous plaît.
- Pourquoi du hollandais? Il n’est pas bon le beurre de Normandie?
- Ça fait trop nationaliste, limite xénophobe. Et puis nous les bobos, on a les fesses tendres élevées sur un canapé Ikéa premium, alors tant qu’à l’avoir dans le cul autant que ça glisse. Vous savez, nos dirigeants sont un peu brutaux.
- Et la vaseline alors?
- Ça fait trop peuple. Vous imaginez Julien Dray faire couler de la vaseline sur sa montre à 50’000 euros?
Le pain - enfin la baguette - est de droite, le beurre hollandais est de gauche. Sauf que Julien Dray ne met pas de beurre. Il ne fait pas partie de ceux qui l’ont dans le cul mais de ceux qui la mettent aux autres. C’est à ça que servent les dominants: un mâle alpha qui ensemence, quelques milliers de militants qui sentent pousser tout ça en pensant que c'est le printemps, et un parti politique est fondé - si j’ose dire. Si donc à la boulangerie vous voyez un homme acheter une grosse baguette ou un pain d’un kilo, c’est Julien Dray ou Vincent Peillon. Madame Belkacem préfère les petits pains au sucre qui raclent, déchirent puis collent une fois dedans.
Le pire est quand vous demandez: «J’aimerais du pain et du beurre.» Si vous prenez une baguette avec du beurre normand, vous êtes Front National. Une baguette avec de la graisse d’oie, vous êtes Modem et votez Bayrou (si, si, il existe encore). De la tresse avec du fois gras de supermarché, c’est le comité directeur du parti de gauche. De la graisse d’ours après que l’ours ait mangé votre baguette et votre bras avec, vous êtes UMP. Les PS sont des goulus: comme ils sont tous bi ou homos, il font fondre tout le cochon dans la baignoire, y plongent nus et utilisent des morceaux de brioche brûlées sur le barbecue.
Ouaip. Je sens que bientôt l'expression L'avoir dans le cul va être interdite...
II. Mots fourre-tout
On l'a donc compris: les mots que nous utilisons sont comme des papiers d’identité ou pire. A une époque où le mot même d’identité est mal vu, certains se vautrent dans la mise en boîte à outrance. Ils vous classifient et vous stigmatisent avant que vous ne finissiez votre phrase. L’interlocuteur n’écoute pas le fond de votre idée pour comprendre l’argument et y répondre par une question, un désaccord ou un autre argument. Il attend le mot qui fait clic-clac. A partir de là le QI moyen de 100 tombe à 60. Les yeux de votre interlocuteur se ferment à moitié. Des petites rides de tensions apparaissent sur son visage et sa bouche se crispe. Raide comme pour un départ de biathlon, la respiration courte, on reconnaît son impatience à saisir votre millième de seconde de pause pour enfiler sa tirade qui répond déjà à ce que vous n’avez pas encore dit. Il vous a catégorisé de telle manière que les deux heures suivantes ne seront plus qu’un catalogue de lieux communs et d’invectives.
Mais à quoi sert encore un débat quand tout le monde sait tout? Inutile, un mot suffit. Quelques exemples.
IIa. A gauche, il y a un mot fétiche. Un mot magique qui est supposé tout dire. Un mot à la fois historique puisqu’il rappelle quelques sombres heures du passé bien choisies, et définitif: «nauséabond». Après ce mot qui ne signale qu’une réaction olfactive, il n’y a plus rien à dire. Il est envoyé à chaque fois que vous parlez d’immigration ou de racisme sans être dans la ligne de ceux qui aiment enfoncer la baguette dans le cul des autres.
Un vrai nauséabond est forcément blanc et hétérosexuel, de préférence mâle. Le nauséabond mâle est un salaud de la pire engeance. La nauséabonde femelle, en tant qu'opprimée par nature, s'est trompée, elle a forcément voulu dire autre chose.
Le mot est défini dans le cnrtl.fr comme: «qui inspire une profonde répugnance». On a quitté la pensée pour entrer dans l’émotion viscérale. A partir de là il ne reste que le silence ou l’échafaud. Si vous êtes de droite vous laissez votre adversaire fatiguer et quand il prononce «nauséabond» vous savez qu’il n’a plus rien à dire. Ne vous défendez pas. Il a passé son temps de parole, employez le vôtre utilement. Vous pouvez commencer à parler, posément.
Par contre si vous êtes de gauche et qu'on vous dit nauséabond, c'est forcément une erreur. Vous vous étonnez d'être du mauvais côté. Même quand vous balancez un truc du genre: «Oh putain d’ta mère juive j’vais la niquer d’vant ton bâtard de père pendant qu’il cuira dans l’four!» vous ne devriez toujours être que du bon côté, non? Vous vous écriez: «Oh, con, je suis de ton côté, pourquoi tu me dis ça? Je ne suis pas nauséabond: j’ai voté Hollande!» Soudainement les mêmes propos ne sont plus nauséabonds mais expliquent en langage fleuri la réalité sociologique des opprimés.
IIb. Le mot responsabilité est un mot de droite. C’est très rare qu’un représentant de gauche l’utilise, sauf quand il a besoin des voix du centre pour se faire élire. Dans l’imagerie populaire on sait bien que la droite tient le rôle symbolique du père et la gauche celui du fils rebelle, forcément rebelle (ça fait mouiller les filles immatures, celles qui couchent en croyant que c’est pour toujours) ou le rôle de la fille en crise dépressive (la différenciation des sexes est respectée). Le mot «droits» est donc plutôt de gauche.
- Défilons pour nos droits! crie-on à gauche.
- Et tes devoirs, trouduc? entend-on à droite.
- Facho! répond-on à gauche.
- Fais cuire un cochon dans ta baignoire, j'arrive avec la brioche!
Et le dialogue est terminé.
A suivre.
Commentaires
@hommelibre
Ah! j'en ai ri un bon coup. C'est trop drôle!
ça a fait du bien.
Le dico! lui aussi, faut-il l'expurger des termes qui froissent la constellation de minorités et l'augmenter d'expressions abscons pour faire genre, féministe, homophile, droidelhommiste, démocatiste, progressiste, révolutionnaire etc.
Un dico allégé, directement un dico économique avec nettement moins de termes. Un dico avec des mots meilleur marché.
Je suis irrésolue.
Excellent! Drôle, irrespectueux et vrai!
Voter pour la suppression du mot "nauséabond" serait en effet du civisme, puisqu'il obligerait certains à chercher des synonymes, ce qui peut les pousser vers un dictionnaire, ou même à expliciter ce qu'ils entendent par ce terme, ce qui peut les pousser à réfléchir à ce qu'ils disent.
Beatrix et Mère-Grand: Thanks!
:-)