Le premier ministre français donne de la voix. Dans une interview à «L’Obs» il pose avec force les marques d’une nouvelle gauche. Une gauche qui n’est plus du tout celle de Montebourg ou de Martine Aubry. C’est peut-être le début d’un tournant historique.
En deux phrases il solde le passé et propose une gauche totalement différente des rodomontades d’un Mélenchon. Le marxisme est devenu un épouvantail dans les symboles de la gauche. Dernière étape d’une révolution culturelle forcément suicidaire:
«Il faut en finir avec la gauche passéiste, celle qui s’attache à un passé révolu et nostalgique, hantée par le surmoi marxiste et par le souvenir des Trente Glorieuses. La seule question qui vaille, c’est comment orienter la modernité pour accélérer l’émancipation des individus.»
Les journalistes lui demandent alors:
«Cette gauche est pragmatique plus qu’idéologique ?
- Oui parce que l’idéologie a conduit à des désastres mais la gauche que je porte garde un idéal : l’émancipation de chacun. Elle est pragmatique, réformiste et républicaine.
Pas socialiste ?
- Je le répète : pragmatique, réformiste et républicaine.»
Il pense que si la gauche ne se réinvente pas elle peut mourir. Les journalistes lui font remarquer que c’est lui qui est désigné comme l’assassin de la gauche. Il répond: «Quand la gauche se recroqueville sur le passé, sur les totems, elle cesse d’être fidèle à l’idéal du progrès, et donc à elle-même.»
Le totem marxiste est brûlé et s’écroule. Manuel Valls estime que ses adversaires à gauche sont dépassés. Il reproche à Jean-Luc Mélenchon son manque d’imagination et pense que les propositions de Martine Aubry n’auraient d’autre effet que de revenir en arrière. Sur le fait d’avoir un ministre banquier, il enfonce le clou, un clou qui doit ressembler à un pieu pour Arnaud Montebourg:
«C’est une nouvelle génération qui assume ses responsabilités. Le plus grand danger qui guette la gauche, c’est le sectarisme. Parce qu’il a été banquier, Emmanuel Macron ne pourrait pas être de gauche ? Notre impératif, c’est le rassemblement. François Mitterrand, en 1981, a su s’entourer de gens qui venaient d’horizons très divers. En 2012,
nous avons commis l’erreur de ne pas tendre la main à François Bayrou. Peut-être l’aurait-il refusée, mais nous aurions dû le faire, alors qu’il avait appelé à voter pour François Hollande. Il n’y a rien de pire que le sectarisme au nom d’une prétendue pureté.»
C’est un discours que l’on attendait depuis longtemps de la part d’un responsable de gauche. Il fallait solder le passé extrémiste, la lutte des classes, le mythe du grand soir, le clivage français. Valls vient de mettre à la porte les vieilles idéologies moisies et exsangues.
Réapprendre à vivre
Ce faisant il prend clairement le risque d’une rupture voire d’une scission du parti socialiste. Ceux qui viennent de quitter le gouvernement, qui mettent les pieds au murs et qui font leur commerce d’une critique acerbe du gouvernement, ne l’entendront pas de cette oreille. Les aboyeurs ne lâcheront pas leur os si facilement. Seul l’opportunisme de ces ex-ministres et députés peut calmer leur ardeur et leur faire baisser l’échine.
Il faudra scruter les actes et les prochaines paroles de Manuel Valls. Ce discours d’aujourd’hui pourrait ne servir qu’à retourner l’opinion publique. On aurait alors quelques joutes publiques cachant des arrangements secrets (la gauche mitterrandienne est spécialiste du secret). Et François Hollande ne dirait plus qu’il n’aime pas les riches.
Mais il me vient une question. Quand Valls dit: «la gauche que je porte garde un idéal : l’émancipation de chacun», en quoi est-ce spécifiquement de gauche? Individualisme, épanouissement, liberté de choix de vie, refus des diktats collectivistes: n’est-ce pas au contraire un thème ancien et récurrent de droite?
Dans ce cas Manuel Valls confirme que la gauche n’a plus rien de particulier à proposer politiquement. Historiquement son temps est fini. Le mariage gay n’était qu’une dernière cartouche. L’anticapitalisme n’est lui-même plus qu’une posture. Le libéralisme philosophique, qui préside à l’émancipation de chacun, prévaut désormais sans concurrence. Au mieux, la gauche servira à atténuer les velléités de toute puissance des grands groupes financiers.
Mais elle ne pourra renverser ceci, qu’elle a elle-même soutenu: tout ce qui se fait d’opposé au système est inspiré de la liberté de choix, liberté individuelle contre la mainmise des grands groupes financiers, politiques ou religieux. L'opposition au système fait donc intimement partie du système. La révolution politique et institutionnelle n'est plus pour demain. D'ailleurs aucune pensée assez construite et novatrice ne pourrait aujourd'hui l'alimenter. L’individu triomphe, et avec lui le libéralisme et la libre entreprise. Et aussi la responsabilité individuelle.
Toutefois on ne se passera pas du collectif. Les gens besoin de valeurs communes, d’un discours avec des repères compris par tous. Ne serait-ce que pour assurer des règles de vie en communauté. Ce nouveau collectif ne pourra plus s’appuyer sur les classes sociales. Il ne sera donc plus inspiré par une idéologie politique ni par un totalitarisme. Par cette nouvelle révolution culturelle, Manuel Valls achève ce que François Mitterrand avait commencé au congrès d'Epinay et suite à quoi le parti communiste français s'est effondré. Quelques icônes demeuraient: Mao, le Che. Aujourd'hui ce dernier a quasiment disparu des t-shirts qu'une jeunesse bobo portait pour se sentir vivre.
On va donc, peut-être, réapprendre à vivre. On peut même imaginer que l’avenir sera plus philosophique que politique. On respire!
Commentaires
Valls fait du blabla sur les vieilles lunes, mais son bilan économique sera très probablement calamiteux, chômage, stagnation ou récession, dettes accrues...
Un exemple de gestion désastreuse que maintient Valls avec des aides fiscales pas ciblées, le CIR, les entreprises françaises aiment bien aussi l'état qui leur fait des cadeaux. État de la recherche publique et privée en France :
http://blog.educpros.fr/henriaudier/2014/10/21/et-maintenant-2-entre-les-jeunes-scientifiques-et-les-banksters-il-faut-choisir/
Oui il faudra voir son action économique. Mais sur le plan des idées je lui donne raison de tenir ces propos.
Son action économique est là et n'a aucune chance d'améliorer la situation.