Je pourrais tout autant être Dieudonné. Hier le gouvernement socialiste, si frileux sur la liberté d’expression de Charlie, a montré qu’il l’est moins sur celle de Dieudonné. Ce qui porte un coup aux intentions affichées lors des manifs de dimanche, au sujet desquelles on apprend chaque jour qu’un people ou un autre y a participé. Elles ressemblent de plus en plus à une vitrine où il était de bon ton de se faire voir. Même la Marseillaise était de rigueur dans ces rangs où l'on chante plus volontiers la version de Gainsbourg que la version officielle...
Géométrie variable
Peut-être aurait-il mieux valu ne pas parler d’eux. Après tout, Djamel ou Jean-Jacques Goldman sont certes célèbres et sympathiques. Mais ce sont les inconnus, les anonymes, qui ont fait la foule des manifestations. Le spectacle a donc déjà rattrapé «l’union sacrée». Même Libération fait son Figaro - ou mieux: son Paris Match - en titrant: «Un pays debout face à la terreur» et «Un élan magnifique». N’est-ce pas un vocabulaire de droite, dans cette France où même le langage est usuellement clivé et où l’on ne peut pas parler librement sans être stigmatisé de machinphobe - le suffixe -phobe étant l'arme de destruction massive de la liberté d'expression? Où même les manifestations étaient silencieuses, ce qui, au-delà de la dignité affichée, permet d'éviter que des paroles politiquement dérangeantes ne soient prononcées. Etrange contradiction de cette France qui n'est plus le pays de la liberté mais qui en reste un symbole.
Quelques mots sur Dieudonné donc, avant de parler de Serge. J’ai déjà évoqué l’ancien complice d’Elie Semoun. Il ne me fait pas souvent rire (pas plus que Charlie). Dimanche, au retour de la marche, il a lancé une vanne sur son compte Facebook: «Je suis Charlie Coulibaly». Une provocation dans l’esprit de Charlie, et que n’aurait pas boudée le professeur Choron - fondateur du cultissime Harakiri. Mais associer les noms des victimes et celui d’un des tueurs n’a pas été apprécié en haut lieu.
Le ministre de l’intérieur Cazeneuve a donc diligenté une enquête contre Dieudonné. Dès lundi. Dès le lendemain des manifs pour la liberté d’expression. Certes Dieudonné met les pieds dans le plat. L’expression «Je suis ***» nous dit solidaires des victimes, pas des bourreaux. Ceux-ci ont droit à l’exclusion définitive de notre esprit. Je ne saurais considérer les tueurs comme des victimes - à moins que ce ne soit de leur religion et de leurs imams. Ou à moins que l’on ne considère les caricatures comme une véritable offense. Auquel cas Coulibaly devient victime. Dire «Je suis Charlie Coulibaly» c’est s’identifier de manière provocatrice à toutes les victimes réelles ou potentielles dans ce salmigondis funèbre.
Que Dieudonné ait lui-même tendu le bâton pour se faire battre, en partie certainement. Mais y aurait-il une géométrie variable, deux poids et deux mesures, dans cette France où une certaine gauche ex-laxiste et devenue sécuritaire se voit ressuscitée grâce aux terroristes qui rendent service au système, où Hollande va regagner des points alors qu’il n’a fait que tenir le bouquet de chrysanthèmes, et où l’Etat va encore renforcer son contrôle sur les citoyens?
Je suis Serge
Qui est Serge? Serge Charnay. Un père qui avait squatté une grue jaune il y a deux ans. Il ne demandait qu’à voir son fils normalement. La justice familiale en France crée des désastres. Heureusement pour le pouvoir, Serge a fait une connerie: il a déjà «oublié» de ramener son fils, et il a recommencé. Donc, comme ce n’était pas la première fois, il a été condamné à quatre mois de prison ferme. Si toutes les mères qui ne respectent pas le droit de visite paternel étaient mises en prison, on accepterait mieux cette condamnation.
Serge va bientôt sortir de prison. C’est l’occasion de rappeler que les pères sont les quantités négligeables du système. Et en sont les victimes. En France, on compte environ 10’000 suicides annuels, soit 27 chaque jour, les trois quarts étant commis par des hommes. 20 suicidés par jour sont donc des hommes. Sur ces 20 hommes et selon certaines estimations, 12 sont des pères.
12 pères environ se suicident chaque jour rien qu’en France. Autant de morts quotidiens qu’à Charlie hebdo. Pas de une médiatique pour eux. Pas de manif. En général c’est le silence. Parfois un cas émerge dans la presse.
Un Charlie quotidien: le terrorisme d’Etat, silencieux, fait à ce jour beaucoup plus de victimes que cette branche militaire de l’islam.
C’est l’occasion de regarder le documentaire «Sois père et tais-toi», ce soir à 20h38 sur la chaîne France 5. Le thème traitera des paternités imposées, soit des enfants faits dans le dos de l’homme. Etre père, être mère, c’est plus important dans une vie que d’être Charlie.
http://www.france5.fr/
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J’en profite pour annoncer un spectacle ce jeudi 15 janvier: «Si l’orient m’était conté». De manière imprévue la troupe se trouve confrontée aux événements de la semaine écoulée. L’actualité collisionne la culture. Cet orient mythique prend, à la lumière des événements, des connotations dont les artistes doivent tenir compte.
Extrait de la présentation: «L'Orient, il s’agit du lieu, loin de nous ou en nous, où nous projetons notre imaginaire et nos rêves. C’est un orient tel qu’on l’imaginait au 19ème siècle, c'est cet ailleurs qui nous fascine, l'invitation au voyage, à l'évasion.
C’est une lumière qui nous attire mais qui reste lointaine...
Ce lieu de rêve est mis en tension avec le thème de l’enfermement, dans les conventions sociales, morales etc. Nous rêvons de l’ailleurs pour échapper à l’enfermement.»
Lieu: Théâtre du Châtelard, Ferney-Voltaire.
Réservations: musicalesdeferney@hotmail.fr.
Commentaires
A Paris, la pièce "Lapidée" se voit reportée à des jours meilleurs. Même pas peur, qu'ils disent.
Le problème est encore une fois la manipulation des médias car ce que Dieudonné à écrit c'est "je ME SENS Charlie Coulibaly" c'est à dire un Charlie (humoriste provocateur) paradoxalement perçu comme un Coulibaly (ennemi public N°1) par l'état. Cette phrase s'adressait à ceux qui le suivent depuis longtemps et qui ont très bien comprit ce qu'il a voulu dire.
Pourquoi aller pêcher, tronquer et déformer ainsi les propos de quelqu'un dans les gros titres alors que le reste de l'article, comble du comble, contient pourtant la vraie phrase ? Exemple ici mais il y en a d'autres :
http://www.leparisien.fr/charlie-hebdo/je-suis-charlie-coulibaly-dieudonne-provoque-une-enquete-ouverte-12-01-2015-4439915.php
Le vilain méchant n'est-il pas encore suffisamment méchant qu'on se sente obligé d'inventer ce qu'il n'a jamais écrit pour mieux pouvoir s'acharner sur lui et exciter tout le monde ? Ne sont-ce pas les journalistes, dans ce cas, les vrais psychopathes pour monter une telle polémique artificielle à un moment pareil ? Est-ce pour être informé de la sorte que vous payez une redevance TV et des impôts qui leur servent de subvention ? Ils vous mentent et vivent à vos crochets...
Encore un exemple du fonctionnement des médias actuellement. On vous noie d'informations fausses pour faire du spectacle, vous énerver (ce qui fait grimper l’Audimat) mais surtout vous empêcher de comprendre réellement ce qui se passe. Si certaines personnes sont dépeintes systématiquement comme des monstres, c'est parce que le système ne veut pas que vous les écoutiez.
Là où nos médias parlent d'une marche historique et nous font croire que la France est au centre du monde, il suffit de franchir la frontière belge pour entendre plutôt parler d'un "bal des hypocrites"... Mais le citoyen Français se sent bien dans son petit cocon de mensonges. Il se sent plus intelligent que tout le monde alors qu'il se trompe de toutes ses forces.
Merci pour cette précision sur les propos de Dieudonné, Sub.
Cela ne mange pas de pain de le passer par la même charrette que les tueurs.
Le "Je suis Charlie" a engagé un désordre dont on ne voit pas encore les dégâts, mais cela va venir.
Deux petits articles récents sur le sujet.
http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2015/01/13/la-paternite-involontaire-face-a-la-justice_4554976_1655027.html
http://madame.lefigaro.fr/societe/peres-malgre-eux-080115-93678
Merci Hommelibre de nous remettre sur les sentiers de la critique.
Charlie et Coulibaly sont tous deux des victimes d'un même système et d'une même société dont les droits sont pervertis, l'éducation défaillante, les responsabilités de l'état sous-traitées par des organisations dit non gouvernementales, les libertés limitées et formatées, les cerveaux lobotomisés.
D'ailleurs, Charlie comme Coulibaly, évoluait en deçà des clous de la chaussée officielle. Bien sûr, les résultats sont différents mais les deux sont tragiques car la société et sa justice ont réussi à les mettre l'un en face de l'autre devant un public qui doit les plébisciter par sa haine pour l'un et par sa sympathie pour l'autre. Bien plus que d'avoir divisé la société, on l'a dressée à mordre l'autre moitié quoi qu'elle fasse, quoi qu'elle pense.
Ce que tout le monde a gagné ce dimanche, c'est le renforcement policier de la société et la militarisation des forces de sécurité donnant les pleins pouvoirs à des gouvernements autoritaires: Un patriot Act à la française (proposé par Valérie Pécresse). C'est un cran juste avant le totalitarisme ou le goulag.
Avec la démonstration du dimanche 11 janvier, les spécialistes de la sécurité comme les responsables qui ont la charge de l'intérieur de la France, ont été honnêtes de dire qu'il est impossible de prévenir à 100% ce type d'attentat.
En effet, non pas par incapacité, mais par la masse de conflits multiformes qui vont naître et conduire aux violences n'importe où et n'importe quand, parce que ce terreau favorable a gagné du terrain comme jamais avec le chômage et la contamination du sentiment d'exclusion et d'injustice dans une situation économique désastreuse, par l'atteinte des esprits fragilisés qui diffusent l'illusion que la violence serait la solution ou l'exutoire. Cette dernière catégorie est plutôt exposée et elle s'expose au suicide. Ce qui explique ses redoutables actes impliquant beaucoup de victimes qui, dans l'esprit des auteurs de violences, doivent expier comme ils expieront après exultation.
Mais si l'attentat est commandité par un pouvoir étatique, il siéra donc d'employer la langue de bois et ne rien divulguer.
Je pense que Dieudonné a été très maladroit d'avoir fait la juxtaposition de ces deux symboles. Il n'avait pas songé à l'effet kaléidoscopique des mots et aux dangereux angles de vue sur le jeu des constructions mentales qui lui échappent régulièrement (le conditionnement du métier).
Ceux qui disent aimer la culture, le théâtre, les arts expressionnels (les langages), comprennent cela - faire parler les hommes et les choses selon sa vision schizophrénique ou thérapeutique avec les double-tranchants des mots, est une acrobatie périlleuse - et s'il ne se trouve aucun d'entre eux pour éclairer ces maladresses, c'est que ce métier et ces vocations sont censurées à tel point que leurs acteurs, tétanisés et paralysés, se sont terrés. La peur de la censure est la première limitation de liberté d'expression, le premier obstacle au gagne-pain. La peur conditionne toute la culture. C'est une répression efficace. Elle est la triste réalité d'une société mentalement paresseuse qui n'a plus d'imagination pour elle-même, plus de ressort à la réplique et à l'argumentation, qui s'en remet totalement à la protection des lois d'où la nécessité d'un gendarme moral pour une protection globale et universelle.
Indûment nos dirigeants ont accepté cette responsabilité universelle sans réagir. Comme de son devoir naturel pour remplacer l'intelligence collective. Mais ils devront y faire face.
Malin a été celui qui a su exploiter et détourner cette carence de liberté. Cette liberté qui fut la tradition et la vigueur de l'activité critique dans le quotidien des intellectuels a cédé, elle se laisse supplanter et imposer d'autres modes de penser, d'autres normes, une ribambelle de sujets en porte-à-faux, hors (sol), hors terroir, hors société, entièrement conçus, triturés et pré-conditionnés dans les think-tanks multinationaux tels des produits comme Femen, Poussy-Riot, humanitarisme institutionnel, démocratisme étatique, écologisme totalitaire, anti-racisme moutonnier, gynocratie militante, pratiques sexuelles encadrées, etc. Tous transformés en objets de spectacle, en outils pédagogique pour servir la transition vers la néant et l'insignifiance, et tous, assignés, compartimentés, isolés, fanatisés, sans langage commun pour communiquer et réfléchir avec l'ensemble de la société ni échappatoire.
Le résultat de ces trente années de manipulation est patent: les intellectuels, pacifistes, gauchistes, religieux et politiques s'auto-censurent et récusent leurs propres pensées, leurs propres sensibilités sous peine d'être des provocateurs d'un potentiel crime.
Je le répète, personnellement, je ne suis pas Charlie, en aucune façon, mais Sans l'approuver, je défends le droit de Charlie de dire ce qu'il a dit jusqu'à présent.
Je condamne l'attentat aux vies humaines de coulibaly et je rends les autorités responsables de leurs aveuglement, hypocrisie et cynisme dans cette tragédie.
Signalons par ailleurs la dernière perversion en date, la marotte, pour effacer les crimes commis par des états, celle de réécrire l'histoire de son pays sans égard pour les autres pays accusés à tort ou impliqués à raison. Demain, il faudra apprendre et digérer les milliers de pages de la nouvelle histoire de l'Europe qui inversent les faits du passé. Ceux qui garderont encore les anciennes références seront taxés de révisionnisme et passibles de sanction pénale. Un chantier de grand pari vient de commencer avec l'Ukraine - la coalition occidentalo-américano-sioniste est en train de l'aider à réécrire ses mémoires dans sa noble collaboration avec les Nazis de l'Allemagne des années quarante pour protéger les nations européenne contre l'URSS qui aurait déclenché la fameuse et sinistre guerre d'agression dite mondiale 2.
Un tournant civilisationnel pour certains?
C'est obsessionnel, unilatéral et débarrassé d'archives!
Plusieurs générations d'historiens seront certainement ravis d'apprendre que leur travail qui ont longtemps fait autorité sera jeté aux orties?
Oh, la vache!
François Hollande:
« La liberté d'opinion, la liberté de creation, la liberté d'expression, doit être partout garantie, SAUF, s'il y a atteinte à la dignité des personnes et trouble à l'ordre publique. »
« Il y a des actes antisémites, des paroles anti-sémites. Il y a des actes anti-musulman, nombreux avec des profanations, avec des inscriptions et qui doivent tout autant être dénoncées. Il y a des actes anti-chrétien, avec des personnes qui pensent que on peut aller s'exhiber dans une église et faire des gestes qui touchent profondément les consciences des croyants. Aucun de ces actes ne peut être accepté. »
C'est l'ouverture de la chasse aux rouquins, des démons envoyés du diable !
Pourvu qu'ils soient barbus et c'est des démons musulmans, les pires (yaka voir le film "l'Exorciste")!
Pourvu qu'ils fouettent des bras et ils deviennent gazeurs de souffre, terroristes à l'arme de destruction massive.
Si les frères Kouachi ont bien assassiné presque toute la rédaction de Charlie Hebdo, François Hollande vient tout simplement d'assimiler le geste à la parole, de redéfinir le blasphème comme un acte d'apologie du terrorisme, et d'enterrer Charlie !!! A part ca, la liberté d'expression DOIT être garantie, mais *doit* seulement. Si en réalité elle l'est pas, n'en faites pas un fromage, rien n'est parfait.
La Cour Européenne des Droits de l'Homme va avoir du boulot.
"Un chantier de grand pari vient de commencer avec l'Ukraine - la coalition occidentalo-américano-sioniste est en train de l'aider à réécrire ses mémoires"
Malheureusement, en face, les manigances de Poutine sont assez pitoyables, et cela depuis le départ de l'affaire Ukraine. La Russie aurait dû se mêler des affaires ukrainiennes bien avant Maïdan et ne pas s'appuyer sur le mauvais cheval.
A partir de là, le seul acte réussi fut le rattachement immédiat de la Crimée à la mère patrie et l'abrogation du décret de 1954 de l'ukrainien Khrouchtchev.
(Vous avez remarqué qu'aucun journaliste occidental ne parle plus de rattachement mais d'annexion ? Ils ont été mis au pas de belle manière, alors que je me souviens d'une mise au point de Romaine Jean - le niveau pensant des journalistes de la RTS - qui dans une rubrique avait expliqué que la Crimée étant russe, on ne pouvait parler d'annexion...)
Poutine doit prendre en main les séparatistes du Donbass, sinon tout va se dérouler en faveur des magouilleurs américains. La raison du plus fort est toujours la meilleure, si on va à l'affrontement direct, et il n'est pas sûr que le rapport de forces soit finalement favorable à la Russie, malgré les faiblesses évidentes des Ukrainiens. Un peu trop évidentes, justement...
@ Chuck:
Cela montre à quel point l'attentat révèle des pistes déjà brouillées préalablement, une confusion des principes, des contradictions à peine surmontables, des lignes politiques bien plus mélangées que l'on n'imaginait. La réalité complexe surgit derrière la lumineuse simplicité des meurtres.
Hollande n'a semble-t-il plus vraiment de cohérence intellectuelle.
Bon, résumons un peu :
1. L'Europe veut la liberté d'expression.
2. L'Europe veut admettre l'islam en son sein.
3. L'Islam n'admet pas la représentation de son prophète. Encore moins donc sa caricature. L'Islam n'admet pas le blasphème.
4. Ne pas admettre le blasphème est contradictoire à la liberté d'expression.
L'Islam est-elle ou non compatible avec les valeurs européennes ? Il y a pire que la question du blasphème/liberté d'expression, il y a la question de la relation des musulmans à leurs femmes et aux femmes, qui sont toutes des putes si elles ne sont pas voilées.
Y a t-il un mouvement de réforme de l'islam qui puisse passer par-dessus le fait que le Coran est intangible puisque écrit de la main de dieu, et qu'en conséquence rien ne peut changer sans se montrer sacrilège et donc sujet à fatwa létale ?