L’orage est venu sur un grand quart sud-est. Il a débordé sur la Suisse et l’Italie. A Genève nous avons perdu plus de 10 degrés. Pas la peine de les chercher : ils reviendront tout seuls. En attendant, les descendants de l’orage nous ont rafraîchis. L’air monte d’abord, comme un fou, jusqu’à environ 10’000 mètres, se refroidit, et redescend à toute vitesse.
La pluie est bienvenue. Lundi l’épisode orageux n’était pas encore quantifiable. La situation météorologique semblait sage. Cependant dès mardi Lionnel Fonjallaz l’annonçait sur son blog météo en Arpitan. Mardi soir une amie me faisait remarquer que les montagnes semblaient plus proches. La masse d’air changeait. Mercredi matin l’alerte météo était lancée pour le soir et la nuit.
Commence, l’après-midi, une procession. Ils sont venus, ils sont tous là, même ceux du nord de l’Italie… Des cumulonimbus, successifs, puis entremêlés, aux formes formidables. Entre les parties blanches, du gris presque noir indique leur épaisseur et la quantité d’eau qu’ils contiennent. C’est imminent. Plus tard les images satellites diffuseront la photo d’une vaste cellule orageuse vers les Alpes.
La terre a soif depuis mi-juin. Je pense à Van Gogh peignant la chaleur du sud, autour d'Arles. Une connaissance me disait hier qu’il avait déjà vu des feuilles mortes sur certains arbres. C’est normal. Chaque année des feuilles tombent en été. En perdant quelques feuilles un arbre diminue sa transpiration et préserve son eau et son énergie en cas de grosse chaleur. Il se peut aussi que certains arbres souffrent davantage du stress hydrique, et même qu'ils meurent. C’est fonction de leur âge, de leur emplacement précis et du renouvellement naturel du couvert végétal. D’autres au contraires sont moins attaqués par des maladies quand il fait sec. Dans les chaleurs, des feuilles se recroquevillent parfois. J’en parlerai une autre fois.
Un siècle de stabilité
Nonobstant ces orages bienvenus, l’été est pour le moment chaud et sec en Europe de l’ouest et du sud. C’est un vrai été, comme il y en avait dans le passé. Chaud dès fin juin, aux pressions stables et avec beaucoup de soleil. Cela nous change des années précédentes et surtout de l’été 2014, humide et frais! En météo nous avons la mémoire courte. Chaud est trop chaud, froid est trop froid. Mais sur 100 ans cela a toujours été ainsi.
J’ai trouvé dans une archive d’infoclimat.fr un relevé des températures tous les 22 juillet à Genève-Cointrin, depuis 1900 (image 2, cliquer pour agrandir). Les traits bleus verticaux indiquent la fourchette entre le minimum et le maximum. On voit des variations tout au long du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui. Les années 1945-1953 étaient plus chaudes que ces dernières années. Certes il ne s’agit que d’un jour, le 22 juillet à chaque fois, mais on retrouve la même image (3) pour un 7 juillet – le dernier trait étant le pic de canicule du 7 juillet 2015.
Globalement les températures estivales pour ces deux dates, 7 et 22 juillet, sont stables sur 100 ans. Les graphiques pour d’autres dates vont dans le même sens.
Un été chaud, plutôt sec. Un été de canicule.
Nous n’en sommes qu’au 23 juillet et déjà j’ai l’impression d’un si long été.
Que sera la suite?
Commentaires
J'aimerais tant que vous ayez totalement raison de dire que c'est un été comme un autre à nos latitudes, et même un été de l'ancien temps. Moi, vivant à Genève depuis 1967, je n'ai jamais vécu un juillet pareil.
Comme je ne me considère pas comme une référence-météo très pointue, je m'en remets aux photos de glaciers de notre région. Ils ont très très chaud et transpirent à tel point qu'ils ont rétréci de façon significative. Et cela depuis déjà des dizaines d'années.
Avec le 0° qui se place désormais à plus de 3000m ce n'est pas étonnant.
Je vois bien les graphiques et ils me réjouissent, mais il y a aussi une réalité de terrain, qui n'est pas négligeable.
Calendula, je ne crée pas ces chiffres. Ils existent indépendamment de moi.
Cela montre quoi? que peut-être notre ressenti est trop subjectif pour être fiable, que notre mémoire est limitée sur certains événements, que nos âges nous rendent plus sensibles à la forte chaleur, etc.
Et aussi que les chiffres varient plus d'une région à l'autre que ce que l'on imagine, ou que les mesures ont une part aléatoire. Les glaciers reculent: quelle est la part de l'atmosphère qui se réchauffe si Cointrin reste relativement stable? Ou quelle est la période? Surtout les hivers, qui sont plus doux.
Mais quelques canicules ne font pas le climat. Moi je me souviens d'avoir eu beaucoup plus chaud en 2003, qui pourtant n'était pas une année record (sauf en durée).
@hommelibre,
Je ne conteste pas les chiffres, ni les graphiques - en fait je les aime, parce qu'ils me rassurent. C'est pour ça que j'écrivais que je considère plus volontiers le recul des glaciers, que ma propre expertise.
Si Cointrin reste stable, "ça me fait une belle jambe" ! Je préférerais , à tout prendre, que les glaciers ne reculent point ! Et pourtant, ils reculent.
Oui, les hivers sont plus tardifs chez nous et il y a moins de neige. Tout skieur d'expérience vous le confirmera.
D'accord, qu'une canicule ne fait pas le climat.
Depuis 2003, je stresse chaque début été, dans la crainte que 2003 se reproduise. (J'étais en Finlande et comme le soleil ne se couchait pas, il faisait minimum 27-28 ° même "la nuit". ) J'ai donc attendu 12 ans, avant qu'une chaleur pareille sur une période très longue revienne.
Le ressenti personnel est prépondérant, au niveau de nos discussions informelles et je ne cache pas être accablée par de fortes chaleurs.
Je crois qu'il est important de regarder l'ensemble du tableau, car Cointrin n'est qu'un point sur la carte du monde.
Je répète : affirmer que l'homme serait responsable du réchauffement me semble difficile à faire passer.
En revanche, nier que nous ayons eu
des températures généralement plus élevées
sur l'année ( calcul de la moyenne)
dans nos régions
ces dernières années me semble difficile.
Après, qu'est-ce qu'on en fait ?
Personnellement, je prends des douches, je bois de l'eau, je mets de temps en temps un ventilateur, je baisse les stores, j'aère le matin, j'adore la pluie quand elle veut bien venir.
Les éléments divergents comme ces chiffres et les glaciers me laissent aussi avec plus de questions que de réponses. Peut-être ne percevons-nous pas l'importances des variations locales. L'annonce de chiffres globaux, comme nous en avons un peu l'habitude, est à "tempérer".
La reconstitution de la banquise arctique depuis trois ans est aussi troublante, je publierai un billet sur ce sujet ce soir. Cela tend à conforter mon impression que les chiffres bruts ne rendent pas forcément la réalité, que les différentiels, décalages temporels et rétroactions ne sont pas assez abordés, et que même les climatologues n'ont pas une vue globale et nuancée de tous les mécanismes. Je navigue à vue d'autant plus que trois ans c'est trop court pour affirmer quoi que ce soit. On peut quand-même être surpris.Trois ans ou trente ans c'est trop court. Je lisais encore récemment qu'il faut au moins cent ans pour parler de tendance climatique. Sans quoi nous sommes dans l'immédiat avec ce qu'il suppose d'irrationnel. Sans compter qu'entre 1900 et 2000 les moyens de mesure ont changé à un point incroyable, que peut-être les paradigmes aussi on changé dans la lecture des chiffres.
Moi aussi cette chaleur m'accable. Et justement je réalisais il y a quelques jours que le mot "accablant" est un qualificatif ordinaire et ancien pour les fortes chaleurs. Le mot et le ressenti ne sont pas nouveau.
S'adapter individuellement, oui comme vous en écrivez quelques exemples. Les anciens le savaient et construisaient dans ce but.
Collectivement, si l'on veut tempérer, mettre des tampons aux extrêmes (quelle que soit par ailleurs la réalité durable de ce supplément de chaleur et sa cause) passe par exemple par la reforestation de nombreuses régions de la planète, pour modérer les extrêmes, diminuer l'accumulation par les sols et capter plus de CO2. J'ai aussi vu un reportage en Grèce sur un revêtement du sol (allées des parcs, trottoirs, places de jeux) qui réfléchit la chaleur au lieu de l'emmagasiner. Entre un revêtement classique et celui-ci il y a une différence de 5 à 10 degrés au sol. C'est 50% plus cher, mais la généralisation de ce produit permettrait par exemple de réduire la radiation nocturne due à l'accumulation. Les toits blancs que j'évoquais il y a quelques temps sont aussi une piste.
Il y a sûrement d'autres pistes et l'ingéniosité humaine est immense, ainsi que les moyens technologiques.
Je crains le discours unique du Giec. Je ne peux affirmer que les humains n'ont aucune part dans le coup de chaleur, tout en considérant que la machine climatique est d'une telle puissance et complexité qu'il me semble hasardeux de mettre tout sur une cause unique, qui plus est relativement minime par rapport à d'autres influences comme celle du soleil. Je doute d'une parole trop uniforme dans la science face à la complexité. Et je redoute aussi les solutions humaines radicales dont on ne sait où elles mènent.
Pour autant il est souhaitable de trouver des substitutions au carbone. Mais là aussi comme vous le disiez les pays émergents ne sacrifieront pas leur développement. Le remplacement du carbone est loin d'être acquis. Hier je lisais un article sur le photovoltaïque. Celui-ci fonctionne à moindre rendement lors des fortes chaleurs à cause de phénomènes physico-chimiques simples. Donc en été!
Une piste demande aussi à être explorée: le recaptage des émissions de CO2 pour en faire autre chose. Cela existe mais demande de grands moyens. La société va se transformer encore, mais pas seulement pour les raisons invoquées par le Giec.
Autre chose encore, sur les possibles rétroactions. Le voilier d'océanographie Tara a étudié le plancton. Il est très abondant et plus varié que pensé jusqu'alors. On pensait pendant longtemps que le réchauffement et l'acidification des océans réduisait la teneur en plancton, il semble qu'au contraire certaines variétés prolifèrent et se nourrissent des gaz carbonés.
Il y a tant de choses complexes, tant d'inconnues encore, que je regarde le catastrophisme avec une méfiance légitime. D'ailleurs je suis autant troublé par les postures très absolues et l'épistémologie discutable dans les rapports du Giec, que par les incertitudes et contradictions ou incomplétudes dans les chiffres.