Quoi? Quoi? On nous aurait menti? Bigre de bouc. Un autre mythe s’écroule. La Légende noire du Moyen-Âge, écrite par les Lumières obscures du siècle du même nom, perd encore un de ses épouvantails.
Que n’a-t-il pas fallu inventer pour faire détester la civilisation de 1’000 ans environ qui s’étend de la fin de l’Empire romain d’occident jusqu’à ce que l’on a nommé la Renaissance.
On sait que des femmes ont gouverné, qu’elles votaient dans des assemblées communales, qu’elles n’étaient pas « cloitrées » dans leur cuisine mais régnaient sur la maison, les soins, la nutrition et l’éducation, qu’elles ont également travaillé aux champs, au petit bétail, à l’artisanat, à l’enseignement.
Les historiens modernes ont déjà démontré que le droit de cuissage était une invention. On voit d’ailleurs mal des hordes de paysans accepter qu’un seigneur se serve alors que ledit seigneur dépendait d’eux pour sa subsistance et leur devait en échange assistance et sécurité. Les abus seigneuriaux éventuels étaient d'ailleurs sanctionnés.
Aujourd’hui c’est un professeur de l’Université de l’Arizona, Albrecht Classen, qui remet les pendules à l’heure.
« Il a donc entrepris de raconter la véritable histoire de la ceinture de chasteté. «C’est un sujet de recherche suffisamment délimité pour que je puisse couvrir tout ce qui a été écrit sur le sujet, explique-t-il. Et ainsi mettre définitivement fin à ce mythe.» Car la vérité est la suivante: les ceintures de chasteté, faites en métal et utilisées pour garantir la fidélité féminine n’ont en réalité jamais existé. »
Une étude détaillée des écrits, illustrations ou preuves matérielle montre que cet instrument est une invention. Tout au plus s’agissait-il d’allégories de la chasteté et d’expression des peurs masculines (déjà) sur la possible infidélité féminine et les risques de paternité illégitime qui en découlait. Car à l’époque on n’avait pas encore dénaturé l’humain et la filiation biologique était fondatrice des familles.
La première représentation d’une ceinture de chasteté date de 1405 et figure dans un ouvrage d’objets fantaisistes comme celui qui aurait permis de rendre les gens invisibles (image 1, fabriqué d'après description). On voit le sérieux des sources des philosophes des Lumières.
Le premier objet véritablement désigné comme tel fut fabriqué… au XIXe siècle (image 2, crédit Flikr).
On peut se demander comment des philosophes encore admirés aujourd’hui, des historiens, des enseignants, ont pu se convaincre de la réalité de cette invention imaginaire et y faire croire à des générations d’élèves. Comment ne se sont-ils simplement pas posé les bonnes questions.
En effet comment une femme portant un tel objet aurait-elle pu faire sa toilette intime? Les infections auraient vite eu raison de sa vie. Et comment aurait-elle déféqué? Cela n’a pas de sens. Sans compter l’habileté des forgerons à faire un double de la clé.
La Légende noire servait à valoriser le nouveau régime face aux supposées horreurs du Moyen-Âge. Mais question horreurs, nous n’avons pas vraiment de leçons à donner.
Commentaires
C'est intéressant dans la mesure où l'on commence à comprendre que dans l'Histoire, il y a beaucoup d'histoires.
J'ai presque envie de dire forcément. Dans différentes époques la réécriture de la période précédente semble monnaie courante, comme un besoin ontologique d'apposer sa griffe dans l'histoire humaine. On peut même facilement imaginer que l'archivage ait souvent fait l'objet de tri sélectif.
Bref on construit, puis on interprète l'histoire selon ses besoins. Cela n'est pas très différent de l'analyse du présent d'ailleurs. Un même fait peut être interprété par des angles d'éclairages très différents.
C'est bien ce qui se passe d'ailleurs dans les débats. Parfois c'est de l'enrichissement interactif, parfois chacun se bat pour avoir raison; c'est à dire faire aboutir comme majoritaire sa propre interprétation.
"Il ne faut pas en conclure que la compréhension est strictement subjective ; encore moins qu’il y ait des « sciences subjectivantes », face aux « sciences objectivantes ». Mais la constitution même d’un objet historique suppose, dans la multiplicité indéfinie du devenir et des points de vue, le choix de ce qui est significatif. " (Max Weber)
L'être humain n'étant pas rationnel dans ses réactions, l'histoire ne peut pas se limiter non plus à une approche rationnelle. La tendance à romancer l'histoire comme Henri Guillemin ou encore Max Gallo est intéressante car elle replace des faits dans un contexte humain.
Est -ce que cela se rapproche de la démarche "exégèse axiologique" que décrivait Max Weber ?
http://enquete.revues.org/423
Bien intéressante réflexion Aoki.
J'ai toujours considéré avec suspicion ces ceintures monstrueuses. Et oui, je me suis demandé comment un homme pouvait avoir envie de coucher avec une femme vu les conditions d'hygiène désastreuses.
Cette ceinture aurait empêché une femme à vaquer à ces taches ménagères, elle n'aurait même pas pu s'asseoir ou se coucher. Blessures ouvertes, rouille et manque d'hygiène auraient rapidement mené à la mort par infection.
Exactement Ben. Car à part les infections et l'hygiène désastreuse, comment en effet s'asseoir et se coucher? Comment ne pas être blessée en permanence par le frottement du métal lors des déplacements?
Ceux qui y ont cru n'ont pas vraiment réfléchi aux aspects concrets, ils ont alimenté une sorte de fantasme.
Et encore un autre mythe qui tombe.
"Car à l’époque on n’avait pas encore dénaturé l’humain et la filiation biologique était fondatrice des familles."
==> Je voudrais quand même lui rappelé au passage que dans son pays comme en France , la filiation se fait par la biologie.