Les orages exceptionnels de samedi en Côte d'Azur sont ce que l’on nomme un épisode cévenole. Du costaud. En début d’automne de l’air chaud associé à une dépression ibérique se charge en humidité sur la Méditerranée et se heurte aux reliefs régionaux: Pyrénées, Massif central, Alpes. Les nuages y déversent toute leur eau, qui coule ensuite vers la mer.

Paroxystique mais connu

Et ce qui est tombé samedi est énorme. 180 mm d’eau en trois heures. Imaginez 18 centimètres sur toute une région, de l’eau qui suit les pentes naturelles et se collecte dans les ruisseaux généralement secs, les rivières mêmes petites. Très rapidement l’eau monte et c’est une vague qui déferle et sort du lit des rivières. La puissance est énorme. La rapidité aussi. 

J’ai vu une telle vague descendre une rivière, il y a des années, entre Gap et Sisteron. Un engin, une digue en terre, et des cabanes sur les rives: tout a été emporté en quelques minutes. Le pont où je me trouvait a été submergé. J’entendais le choc des pierres et rochers qui roulaient dans l’eau. Des arbres ont commencé à descendre sur la vague haute de trois à quatre mètres.

Pour samedi les images vues dans les médias parlent d’elles-mêmes. L’épisode est paroxystique. Le nombre de morts et disparus frappe les esprits. De tels épisodes ont déjà eu lieu dans le passé même lointain. Le site Mémoire des catastrophes collecte les informations pour garder les traces du passé et disposer d’une vue continue dans le temps. On constate que le sud-est n’a jamais été épargné par les extrêmes météorologiques. Quelques exemples:

Catastrophes passées

En octobre 1915 à Perpignan il tombe 464 mm de pluie en deux jours et l’eau atteint le niveau de 2m50 dans certaines rues.

Au début octobre 1958 des crues laissent 35 morts dans le Gard. Les gens du midi disent: « Chez nous il ne pleut pas souvent, mais quand le tonnerre gronde, il arrive qu'on sorte les barques pour traverser la rue. » 

En octobre 1979 Montpellier est inondée. En octobre 1986, 300 à 400 mm d’eau tombent au Canet-en-Roussillon en 7 heures. 

On se souvient aussi de la crue dramatique de l’Ouvèze à Vaison-la-Romaine, et de ses 47 morts. 

Les inondations de décembre 1993 dans le Vaucluse et le sud-est sont impressionnantes (vidéo ci-dessous). 

Le 19 septembre 2000 un orage exceptionnel s’abat sur Marseille: 158 mm de pluie en 3 heures et des rafales de vents mesurées à 180 km/h.

Réchauffement ou urbanisation?

La liste de ces épisodes extrêmes et brutaux n’est pas exhaustive. Interrogés, des chercheurs en météorologie de la région de l’arc méditerranéen sont prudents:

«Les ingrédients qui conduisent à la formation de ces phénomènes ont toujours existé : les conditions d’automne ont toujours été favorables pour amener de l’air humide sur les contreforts alpins. (…) … on ne peut pas attribuer l’événement des Alpes-Maritimes de samedi au changement climatique car on manque encore de recul. Il est difficile de faire le lien entre la tendance de fond du réchauffement et les épisodes météorologiques ponctuels. »

Un autre élément joue aussi: l’urbanisation galopante. L’emprise au sol ne permet plus l’évacuation normale des eaux, en particulier lors d’épisodes hors normes et de crues centenaires. Les ruisseaux des collines en amont, habituellement secs, ne sont pas nettoyés. Les branches y font barrage et quand l’eau est accumulée le barrage cède. On imagine la suite quand tout un arrière-pays subit l’orage exceptionnel et que la ville en contrebas est le déversoir naturel de ces collines. Egouts insuffisants, anciens passage de l’eau recouverts de rues et d'habitations, pas de canal d’écoulement prévu: la gestion de l’eau est notoirement insuffisante dans de nombreuses villes du sud.

Il semble aussi qu’à Cannes des personnes voulaient sauver leur voiture et sont décédées par imprudence.

Enfin à cela s’ajoute la nature, qui, partout, est le théâtre d’épisodes exceptionnel, voire inouïs, d’une à plusieurs fois par siècles selon les cas. Cela fait partie du monde où nous vivons, avec ou sans variation climatique.

Petite mousson

L'épisode cévenole est aussi appelé petite mousson:

« L’événement peut durer de un à trois jours sans discontinuer. Les orages violents qui l’accompagnent sont susceptibles de provoquer des mini-tempêtes.

De véritables trombes d’eau s'abattent sur les versants sud et sud-est exposés au vent marin. La quantité d’eau tombée est impressionnante, parfois plus de 100 litres au m² en quelques heures.

Les Gardons (Gardon d'Alès et Gardon de Mialet) dévalent les derniers contreforts des Cévennes, le Vidourle déborde dans la plaine lors de ses fameuses « vidourlades » ;  la Cèze à l’est,  l’Hérault, et plus à l'ouest l’Orb et l’Aude grossissent, débordent et inondent le bas Languedoc. 

Ces rivières peuvent exceptionnellement emporter tous les ponts sur leur passage, ce fut le cas au nord-est d’Anduze à Générargues en 2002. 

Le 29 septembre 1900 : en 10h, 950 litres d'eau au m²  se sont déversés à Valleraugue au pied de l'Aigoual, record qui tient toujours en France métropolitaine. L'Aigoual, sommet des Cévennes aux confins du Gard, recueille la plus forte pluviosité annuelle moyenne de la France continentale (Aigoual, du latin aqua, eau). » (image: massif des Cévennes depuis le Mont Aigoual).

Vaucluse, décembre 1993: