Or doncques François Hollande s’est invité chez Lucette la semaine dernière. Lucette est cette charmante retraitée de Lorraine au prénom très petit peuple. Le président ne va pas chez Kristen ou Audrey.
Lui qui fréquente Ségolène, Valérie, Julie, il doit montrer qu’il n’est pas que le représentant d’une classe dominante. Alors Lucette, Brochet de patronyme, c’était le profil bien français idéal. Il pouvait ferrer le poisson.
La visite a déjà été décortiquée. Elle semblait spontanée. Le petit peuple ne calcule pas ses effets, seulement son budget de fin de mois. En réalité tout était préparé au millimètre. Il y avait assez de chaises pour tout le monde. À croire que Lucette tient habituellement un salon littéraire.
L’intérieur n’était pas moderne. Les retraités n’achètent pas chez Ikea. Ça fait riche. Ou snob. Ou trop djeun. Il faut une table aux coins carrés au milieu du salon, une vieille nappe imprimée dont on se demande si elle n’est pas en toile cirée. Et des décorations de mauvais goût aux murs. Une retraitée ça n’a pas l’esprit au bon goût.
La gerbe de fleurs est au premier plan. On se demande s’il a apporté le vase avec tellement elle est grosse. Les couleurs ne sont pas trop vives. C’est passe-partout. Ça ratisse large.
On a appris par la suite que Lucette avait été briefée. Elle voulait demander au président pourquoi il s’occupe tellement des immigrés et si peu des clochards bien français qui meurent dans la rue. Mais on le lui a interdit. Il fallait du convenu. Du spontané fabriqué, répété.
Il a complimenté Lucette en se plaignant de son sort: «Ici, on est presque mieux qu'à l'Élysée, je peux vous le dire.» Bah, Lucette peut lui louer une chambre avec Julie. Lui qui n’a jamais fait autre chose que déambuler dans les salons du pouvoir, il découvrirait le monde sous sa fenêtre.
Bon, admettons: c’est normal que tout soit préparé. Après tout il n’a pas de temps à perdre sur de vaines questions et sa visite est placée entre deux rendez-vous importants.
Le plus significatif de cette petite fable moderne, c’est qu’elle existe. Combien doit-il être loin du peuple pour avoir besoin de s’en montrer proche. On sent, on sait que Fanfrelande n’est pas issu des quartiers populaires, ni du 9-3. Alors Lucette, à Vandoeuvre, c’est parfait. On se dirait en Suisse. Pas de risque de se faire caillasser sa voiture ou de créer l’émeute à la sortie. A Vandoeuvre on ne manifeste pas dans la rue. On ne siffle pas un président.
L’élu, énarque, sorti du moule des apparatchiks, qui n’a jamais travaillé, habitué aux salons feutrés ornés de tableaux de Kandinsky ou de Modigliani et aux stratégies de pouvoir, doit montrer qu’il se rappelle que le petit peuple existe. Comme les anciens monarques.
Ce rapprochement montre en creux la distance qui sépare la classe dirigeante des administrés. On n’aurait jamais imaginé Pierre Bérégovoy prendre le café chez l’habitant avec une équipe de télé. Lui venait du peuple des travailleurs. Il ne se serait jamais permis d’instrumentaliser ainsi une retraitée, dont le temps était aussi précieux que le sien, et face à laquelle il se serait imposé dans les chaussures du grand rien que par cette visite. Même Sarkozy était plus crédible quand il se fritait avec des dockers.
Si l’on va voir le peuple c’est grimé et déguisé, ou au naturel mais sans caméra. On prend le temps, on discute vraiment, on écoute. Nous aurions alors de la curiosité, l’envie de savoir ce qui s’est dit. Peut-être même l’envie qu’il vienne chez nous.
Ici la parole est vide. On a l’habitude.
Bon, qui sera l’habitant suivant? Il faut soigner tous les électorats. Il y aura forcément Karim. Ben oui, Karim. Pas Mohamed, quand-même. Quoique… il faut rattraper l’électorat musulman, après les retraités. Puisque cette pêche est moralement indécente, qu’elle le soit jusqu’au bout.
Commentaires
Si Karim habite la Courneuve ou Collombes, qu'il est déscolarisé depuis ses 11 ans pour s'être fait viré de tous les collèges et qu'il a choisi pour profession souteneur, trafiquant de stupéfiant et d'armes automatiques, je suis pour, ça risque d'être amusant ! Il va vraiment rencontrer le bon peuple...
Il y a un précédent à ces visites chez l'habitant. Giscard avait pratiqué cela au début de son mandat. Mais il avait vite arrêté. Tout le monde avait compris que ce n'était que de la com et il était vraiment ridicule.
Oups. pour s'être fait virER ! Voilà ce qui arrive quand on ne se relit pas...
En fait, en réfléchissant bien, ce qui me fait le plus rire, c'est que ce manège ne convainquera aucun électeur, mais le ridicule de la situation lui a sans doute fait perdre une électrice de plus: Lucette !
Oui Kad, encore un coup qui se retourne contre lui. Utiliser cette retraitée à son propre profit, ça n'est pas passé inaperçu. Mais comment fait-il donc...¿¿¿
:-)