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Traces de l’organisation hommes-femmes chez les gitans

Le mode de vie des sociétés et des couples tsiganes est connu surtout au travers de la musique, des diseuses de bonne aventure et du machisme qu’on attribue aux hommes. Un article de Caterina Pasqualino, paru en 1998, en montre l’organisation pratique – l’attribution des tâches et des responsabilités

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Chez les tsiganes d’Andalousie ou d’ailleurs, chacun a ses tâches. L’une de celles des hommes serait de contrôler leurs épouses afin d’éviter le déshonneur d’être faits cocus. Cela tient à la fois au sentiment naturel d’appartenance et à la place assignée culturellement aux hommes dans la famille.

Notre époque veut lire les relations entre les hommes et les femmes sous l’angle principal des rôles dominants et dominées, de la lumières où sont mis les premiers et de l’ombre où seraient plongées les secondes. Chez les Gitans comme ailleurs, c’est insuffisant pour appréhender la réalité et pour rendre aux femmes l’honneur qui leur revient dans la préservation de l’espèce et dans le fonctionnement des sociétés humaines. Insuffisant également pour le comprendre que de figer un système dans une seule interprétation, qui plus est politisée et partisane.

Caterina Pasqualino, chercheur en anthropologie au CNRS, en suite à d’autres chercheurs, a élargi le champ d’étude des pouvoirs au sein du couple gitan à la forme connue d’art: le flamenco. Elle est également l’auteur d’une monographie: « Femme, danse, société: chez les Gitans d’Andalousie ».

 

 

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« Les hommes, qui prétendent contrôler leurs femmes, sont toutefois obligés de les laisser se déplacer à leur gré, côtoyant et rencontrant de nombreux étrangers. En effet, la principale source de revenus de la communauté est apportée par les femmes prédisant l’avenir aux gorgio. Cette activité a non seulement contraint les hommes à dépendre de leurs femmes d’un point de vue économique mais à s’en remettre à elles en ce qui concerne leur honneur.

Même si elles restent fidèles la possibilité même de polluer les hommes leur confère une force mystique auprès de tous et dans certains cas une autorité morale. Ainsi, A. Sutherland relève le rôle de premier plan joué par des femmes de caractères – généralement des diseuses de bonne aventure (image 2, Jacques Henri Sablet 1784-1785, National Galleries of Scotland)– qui jouissent d’une situation économique satisfaisante et bénéficient en retour d’un certain prestige: aucune décision importante n’est prise par les hommes influents sans qu’elles soient consultées. (…) Enfin, on leur reconnaît le pouvoir de faire cesser immédiatement une dispute survenant entre hommes. »

Et plus précisément sur la vie familiale:

«  Plus essentielle que celle entre le père et le fils, la relation entre la mère et le fils représente un des points forts de la communauté. C’est la mère qui commande et soutient sa famille en toute occasion. Ses fils l’admirent et lui sont attachés, et il est dit que l’épouse qui néglige son enfant (garçon ou fille) au profit de son mari ne respecte pas les lois de la nature et se comporte en dégénérée. (…) »

À la maison la femme gouverne, nourrit et soigne sa famille et sa parentèle. Elle travaille aussi à l’extérieur pour compléter les revenus du mari. Son rôle réel dans l’économie familiale est déterminant pour le bien-être de tous, même si elle est décrite comme en retrait des hommes.

Le flamenco est pourtant le lieu inverse de la maison. Dans la danse, la femme est en avant et l’homme en retrait.

 

 

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« Si un homme danse avec une femme, il se limite souvent au rôle d’accompagnateur et s’efface devant la danseuse. Lorsqu’un homme danse en solo, soit son comportement est rustre, soit il joue la dérision. (…)

Malgré sa brièveté, l’interprétation fait la part belle à l’improvisation et les femmes peuvent y exprimer des sentiments personnels. Dans la buleria, on compte de nombreuses expressions de femme contrariée n’ayant pas l’intention de s’en laisser compter. (…)

Par la danse, la femme gitane sort de l’ombre dans laquelle elle est habituellement plongée. Nous sommes en présence d’une danseuse farouche, dominatrice, qui montre sa force de caractère: curieux constat, qui s’accorde mal avec l’image de la femme effacée! Si celle-ci était « réduite en esclavage » par les siens, comme les payos tendent à l’affirmer, on s’attendrait à ce qu’elle adopte une attitude plus discrète. (…)

Par la danse, la femme gitane nous invite à réfléchir sur l’autorité qu’elle est susceptible d’exercer et sur le jeu de forces qui règle le rapport entre les sexes ».

 

Il est intéressant de constater que dans cette société réputée très machiste – donc où les hommes se comporteraient en dominateurs absolus des femmes, celles-ci disposent de différents lieux et moments de pouvoir, bien délimités, où personne ne conteste leur suprématie.

Comme quoi le terme domination devrait être nuancé et apprécié dans une distribution familiale et sociale des rôles et responsabilités, et pensé non pas dans l’aspect réducteur d’un plan de mise en soumission brutale d’un être faible par un autre, mais dans une économie globale de survie de l’espèce et de pérennisation des structures qui font sa force.

Ceci en particulier concernant la place du père dont on sait qu’elle est la plus fragile au sein d’une famille – car si la mère d’un enfant est toujours connue, il reste toujours un mystère sur la paternité et donc un risque d’affaiblissement de la motivation du père à s’engager pour défendre une femelle particulière et ses petits. De plus, par la construction sociale dominante du rôle paternel (le rôle biologique, jamais certain, étant interchangeable), celui-ci participe à l’évolution des sociétés, de la domination par les rituels et codes du groupe vers l’émergence de l’individualité. Car si la mère est mère par nature, le père social devient père par choix.

 

 

 

 

Catégories : Philosophie, Politique, Psychologie, société 2 commentaires

Commentaires

  • Bonsoir Hommelibre c'est un excellent billet et c'est bizarre mais j'entrevois une vérité qui depuis quelques temps taraudait mon esprit
    Vous venez de confirmer ce qui n'était que suppositions vieilles de plus de
    60 ans mais sacrément tenaces malgré tout
    Pour une femme Tsigane avoir un enfant avec un homme dont la maman est Darbyste ,oullala j'ose même pas envisager ce qui s'est dit le moment venu /rire
    Très bonne soirée

  • Cher hommelibre,

    - « Chez les Gitans comme ailleurs, c’est insuffisant pour appréhender la réalité et pour rendre aux femmes l’honneur qui leur revient dans la préservation de l’espèce ... »

    De "l'espèce", ... vous voulez dire ... d'une espèce ... Darwinienene ?

    Et s'il s'agit bien d'une espèce Darwinienne, à quelle espèce pensez vous ?

    L'espèce ... gitane ? Ou l'espèce ... humaine ?

    Et puis, cet "honneur" qui doit être rendu aux femmes ... il se rend comment ? Comme un vaccin ? Par injection ? Oralement ? A un dominant ? Ou à plusieurs ? Pour être sûr que l'honneur a bien été rendu ? Avec des vaccins de rappel ?

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