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Je ne supporte pas les mouches en été. Ni Roger Federer.

Pourquoi devrais-je le supporter? Il ne m’a rien fait de désobligeant. J’aime le voir jouer au tennis. Il éveille ma sympathie. Lui, je ne le supporte pas, je le soutiens. Alors que les mouches…

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Par une grosse chaleur poisseuse de mi-été elles me sont carrément désagréables. Elles m’envahissent, collent à ma peau, piquent. Je ne les supporte pas. Autrement dit: je ne m’en accommode pas.

Supporter, en français, c’est « porter une charge pesante »; c’est aussi « tolérer, s’accommoder de quelque chose ou de quelqu’un. ». Donc si un journaliste sportif déclare qu’il supporte une équipe de foot, je me demande de quoi il parle. Cette équipe lui a-t-elle causé un tort? Doit-il « accepter stoïquement la conduite de quelqu’un », ou « admettre, tolérer la présence, le comportement d’une personne ou d’un animal en dépit des inconvénients que cela peut comporter »?

Car c’est le sens du verbe supporter en français. Alors qu’en anglais to support signifie soutenir, et qu’un supporter est un soutien. La francisation du mot n’a pas de raison d’être. C’est une grossière erreur. Erreur que pourtant l’élite des journalistes reprend sans sourciller, éduquant les masses populaires à dire la même bêtise qu’eux.

(Au passage nous retrouvons le vrai sens du mot tolérer, dont vient le substantif tolérance: « Supporter avec patience, souffrir, endurer, admettre. Faire preuve de mansuétude, d’indulgence. » Pas vraiment le sens fraternel que l’on jette en pâture aux analphabètes.

 

 

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Voilà pourquoi je ne supporte pas Rodgeur: parce qu’il m’est agréable et que je le soutiens. Je pense cela depuis un bout de temps. J’ai essayé cette francisation pour voir: elle m’écorche les neurones. C’est aussi ce qu’écrit Ingrid Riocreux dans son excellent livre La langue des médias paru aux éditions l’Artilleur.

Pour terminer momentanément le tour des mots impropres (voir billets précédents) je lui cède la parole (pages 86-87) à propos de solidarité:

« Le même phénomène se produit encore avec le mot " solidarité ", initialement chargé, semble-t-il, de remplacer dans le langage commun " charité " qui avait une connotation trop religieuse ; cette substitution a si bien fonctionné que " solidarité " a entrepris de supplanter d’autres termes: après les inondations, les habitants "mettent en place un système de solidarité " (= d’entraide); il règne, dans cette équipe de footballeurs amateurs, " un fort esprit de solidarité " (= de camaraderie); " certains ont compris qu’en ces temps de crise, le repli individualiste n’est pas la solution: il faut savoir faire preuve de solidarité " (= d’altruisme); après le décès d’un enfant, " le maire fait part à la famille de sa solidarité " (= sa compassion).

 

 

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Cette dernière option est d’une glaçante froideur puisque, si la compassion s’éprouve en tant que sentiment, la solidarité est théoriquement un terme de droit qui exprime le lien juridique entre plusieurs parties dans un procès et, par extension, l’obligation morale de ne pas nuire aux autres et de leur porter assistance en raison d’une convergence d’intérêts: la solidarité ne se ressent pas. »

Ingrid Riocreux parle de l’encodage unique (ou du mot unique) qui est le propre du langage automatisé ou animal:

« Cette réduction du lexique, qui conduit à employer un seul terme pour désigner des réalités bien différentes, aboutit pourtant à calquer le langage humain sur le fonctionnement de ces modes de communication: il n’y a plus de nuance, ni de subtilité ; la parole devient modélisable, schématique, et on comprend qu’il ne soit plus besoin de soigner la grammaire. »

Avec l’encodage unique vient la pensée unique. Avec comme conséquence l’incapacité à multiplier les connexions entre les neurones et d’exprimer correctement ses besoins. Ou de comprendre la complexité des sentiments, des êtres humains, du monde.

Après cela il ne manque plus que le Parti unique.

 

 

 

Catégories : Philosophie, Psychologie 64 commentaires

Commentaires

  • Bravo pour votre titre, je m'y suis laissé prendre un instant, mais j'ai été tout de suite rassuré. Cet emploi de 'supporter' m'irrite aussi depuis longtemps.
    Le problème. c'est que si vous soutenez Federer, vous devenez un souteneur, mot qui a un autre sens, péjoratif. Seul le contexte pourra vous tirer d'affaire.
    Bien à vous,
    Thomann

  • Merci!
    Souteneur, oui... heureusement comme vous l'écrivez il y a le contexte. Et avec le contexte, la fascinante complexité de l'esprit humain, de sa perception du monde, de son langage pour le dire.

    Bien à vous.

  • Il y a à l'évidence une très forte pénétration de l'anglais dans la langue française. Mais depuis 1066, les Normands ont passablement importé en Angleterre le français qu'ils venaient d'adopter en France.
    Entre 2000 et 2003, en lusophonie, j'utilisais "monitorar" ou "implementar" dans mes rapports mais ces mots n'existaient pas en français. Ils sont devenus d'usage courant aujourd'hui, mais avant de venir de l'anglais, ils viennent du latin. En fait, on les avait perdus en route, contrairement aux Portugais...
    Il doit y avoir beaucoup d'exemple de ce genre. Sport, par exemple, du français desporter = divertir,s'amuser, prendre plaisir...

  • Je ne crois pas, que l'on soit obligé de devenir souteneur, puisque "supporteur" et "supportrice" existent. Par arrêté gouvernemental de février 1988.

    http://www.culture.fr/franceterme/result?francetermeSearchTerme=supporteur&francetermeSearchDomaine=0&francetermeSearchSubmit=rechercher&action=search

    Dans ce court article, on trouve une mise au point qui abonde dans le sens de votre billet :

    "Note :
    Le verbe « supporter » ne doit pas être utilisé dans le sens de « soutenir un concurrent ou une équipe ».

    On trouve ceci dans Wikipédia :

    "Un supporteur1 (exp:CLUB AFRICAN) est un spectateur de sport prenant parti pour l'une des équipes, l'un des joueurs, ou plus généralement pour l'un des sportifs en compétition sportive. Le supporteur peut suivre son équipe, ou sportif, en déplacement pour l'encourager. Certains se regroupent en clubs de supporteurs.

    On peut également utiliser le terme partisan (Québec), le terme espagnol d'aficionado, ou celui américain de fan (supporter est un terme anglais), mais un partisan, un aficionado ou un fan n'est pas nécessairement lié au monde du sport. De même, l'emploi du terme supporter est rare en français en dehors du monde sportif.

    Le supporterisme est un comportement social qui engage l'individu, y compris dans son corps."

  • C'est juste Géo. Les langues s'échangent des termes, et pourquoi pas. Toutefois le mot "supporter" existe déjà en français et a un autre sens que celui importé de l'anglais. Il y a un équivalent en français à "to support". L'introduction du sens anglais ne me paraît pas correspondre à un besoin supplémentaire de sens, au contraire même.

  • Calendula, merci pour cette source. L'étrange est ici que ce soit une décision gouvernementale qui impose la définition du sens d'un mot.

  • @ hommelibre,

    Si j'ai bien compris, le site en question fait partie du dicastère du Ministère de la Culture.

    Sous "Qui sommes-nous?" on trouve ceci :

    "Vous avez besoin d'un terme français ?
    Ce site est consacré aux termes recommandés au Journal officiel de la République française.
    Il regroupe un ensemble de termes de différents domaines scientifiques et techniques et ne constitue en aucun cas un dictionnaire de langue générale.
    Certains de ces termes sont cependant d’usage courant. L’emploi des termes recommandés s’impose à l’administration, mais chacun peut les adopter.
    Abonnez-vous pour être tenu informé des publications dans les domaines qui vous intéressent et participez à l'enrichissement de la langue française en nous déposant vos suggestions dans la boîte à idées."

    Je ne sais pas, comment se repartit le travail entre l'Académie française et le Ministère de la Culture, mais il est certain que la norme linguistique est prise très au sérieux en France !
    Bien davantage que dans d'autres pays.

    Les nouveaux termes techniques ou scientifiques doivent certainement être validés, afin qu'ils recouvrent des phénomènes, des inventions, des découvertes nouvelles. C'est la terminologie technique de référence et pour les personnes travaillant dans des domaines spécifiques, ce genre de site est probablement utile et même nécessaire.

    Je crois que dans un cas comme l'utilisation du verbes "supporter " ou du nom "supporteur" on n'est pas dans le cadre d'une loi ou d'une obligation, donc pas non plus dans l'infraction ou la sanction.
    Il se pourrait que le glissement progressif dans le langage courant de "supporter" vers l'idée du soutien actif ait en quelque sorte motivé une mise au point sémantique de la part de personnes, dont le métier est de surveiller et de suivre l'évolution de la langue.

  • Si on a non seulement une certaine culture classique mais en plus un certain âge, on doit "supporter" bien d'autres évolutions de la langue, pas toujours inspirées (si je puis dire) de l'anglais. "Définitivement" qui encombre inutilement nombre de phrases est très manifestement un anglicisme, alors que droits "humains" l'est un peu moins (j'entends moins manifestement), puisqu'il est porté par un courant féministe qui ne veut entendre dans "droits de l'homme" que l'expression d'un machisme propre à la langue française. De ce point de vue les allemands seraient évidemment à l'abri de tout soupçon puisqu'ils ont le terme "Mensch".
    En anglais "human rights" n'a pas à subir ce genre de critique et sonne tout à fait juste du point de vue de l'usage traditionnel de la langue. Cela a donc permis de l'importer, en dépit du fait que le texte qui entérine ces droit porte officiellement le titre de "Déclaration universelle des droits de l'homme". Il est amusant que l'expression "animal rights" ne se prête pas à la même transposition, car "droits animaux" sonne tellement mal que "droits des animaux" la supplante sans peine.
    Voilà pour ce qui est des emprunts à l'anglo-américain. Pour ce qui est de la disparition des références culturelles, il y a longtemps que la majorité des Français et des Suisses romands, même cultivés (si leur culture ne comprend pas la connaissance du grec et du latin) prononcent "eksetera" pour "etc.) et utilisent "décimer" pour "détruire, éliminer, etc. (etsetera)". On ne peut que s'y faire, c'est une des souffrances mineures dues à l'âge.
    P.S. Ce qui est ignorance peut être une simple différence culturelle pour l'autre. Lorsque dans une conversation avec une anthropologue australienne j'ai cité le titre d'un écrit sur lequel je travaillais, qui commençait par "Portrait de l'homme en ...", elle m'a immédiatement demandé pourquoi je négligeais la femme ou les femmes. Elle n'était ni sotte ni inculte, mais elle ne savait manifestement ni le français ni l'allemand, dont la série comportement "mensch" lui aurait probablement mis la puce à l'oreille.

  • Mais le fond de votre billet sonne juste, HL. Il y a une forte déculturation due aux médias audio-visuels. Aux heures de grande écoute, c'est un déferlement d'inculture et de cuistreries débitées par des sous-doués. Hier, dans l'émission "A l'abordage", à propos du cataclysme touristique de la beuverie à Barcelone, il est question d'associations de "voisins" (vezinhos) pour lutter contre ces forcenés de l'alcool et du beuglement. En insistant sur la notion de "voisinage" chez les Espagnols. Mais pour moi qui étais un lecteur assidu du "Diario de Navarra", j'ai souvent lu l'expression "un voisin de tel ou tel bled", donc visiblement au sens de "citoyen". La traduction n'est pas à la portée des robots, il est assez simple d'en faire l'expérience...

  • Il est bien question d'une association de voisins, asociación de vecinos. (Vezinhos en portugais) c'est correct.

  • Merci Mère-Grand, il y longtemps que je l'attendais celle-ci !

  • com@ Je ne mets pas cela en doute. Mais la traduction n'est pas une opération mathématique. Voisin en espagnol ne signifie pas voisin en français. Comme ça, vous comprenez ?

  • @Pierre Jenni
    Pas de quoi. J'en ai bien d'autres, évidemment, dont certaines qui ont alimenté en partie les blogs, comme la traduction de "human race", qui a l'avantage, même pour les anglophones ayant quelques connaissances en sciences naturelles (comme on disait autrefois) d'être plus simple et plus facile à prononcer que "human species".
    Quant à la traduction par "race humaine" que l'on trouve dans la plupart des documentaires d'origine anglo-saxonne, elle est due à une autre facilité, celle de faire faire le travail par des traducteurs non spécialisés. Il ne s'agit pas, dans le cas que je viens de commenter, d'un simple problème de traduction, puisque la distinction des sens vient rencontrer dans ce cas une question de définition des concepts eux-mêmes.
    Lorsque le mot anglais "évidence " est traduit par "évidence" (souvent au pluriel) au lieu de "preuve" ou "eventually" par "éventuellement" au lieu de "finalement", l'erreur est induite par le simple fait de l'homophonie. J'attends donc que "actuellement" s'impose comme traduction de "actually" et ainsi de suite.
    Il existait autrefois des petits opuscules dédiés à la reconnaissance et à l'étude des "faux-amis" et les profs d'anglais y consacraient souvent du temps, en partie parce que le thème (traduction du français dans la langue étrangère) faisait partie des travaux et des épreuves et rendait ce genre de connaissances plus nécessaire. Je me souviens de l'exemple favori de mon prof d'anglais au Collège Calvin (un peu plus tard que l'époque de Théodore de Bèze, quand même) qui nous donnait l'exemple de la phrase "He was entertaining the females", dont la traduction correcte était (elle l'est toujours si on la rencontre encore) "Il distrayait les dames".
    Un dernier mot pour soustraire à la critique des gens qui, par la nécessité de leur travail, sont obligés de travailler dans plusieurs langues, comme le banquier Phillip Hildebrand que j'ai entendu l'autre soir à la télévision répondre très intelligemment et dans une langue très claire aux questions de Darius Rochebin, tout en utilisant avec élégance un grand nombre d'anglicismes parfois très courants, mais parfois aussi originaux et des plus incongrus. Dans ce cas-là, banquiers ou non, on peut leur pardonner.

  • "Note :Le verbe « supporter » ne doit pas être utilisé dans le sens de « soutenir un concurrent ou une équipe ».
    :)
    http://dictionnaire.sensagent.leparisien.fr/supporter/fr-fr/

    "Erreur que pourtant l’élite des journalistes reprend sans sourciller, éduquant les masses populaires à dire la même bêtise qu’eux."

    Mais s'il n'y avait que cela que "l'élite journalistique reprend"!
    Cela fait des siècles que l'histoire est bafouée et continue à l'être, on voudrait même l'effacer! Des incultes se permettent même de vouloir de la réécrire!C'est tout dire! Et on se demande pourquoi le monde va de travers?!

    On accuse de colonisateurs les Américains, les Juifs, les Français, mais jamais les Arabes, les plus grands colonisateurs de tous les temps!?

    Lu ce texte sous une vidéo sur YouTube, qui ne vaut pas la peine que je mette le lien tant elle est faussée:

    "Pour la première fois un peuple dominera en quelques années tous les peuple entre l'Europe l'Afrique et la Chine, l'an 646 marque le point de départ de la marche triomphale des conquérants arabes ils ont déjà soumis toute la péninsule arabique, la Palestine, la Mésopotamie, la Perse Transoxian, et l'Egypte l'ifriqiya le Maghreb, Al Andalus. Moins d'un siècle leur suffit pour s'emparer d'un territoire plus immense encore que celui conquis par Alexandre : vers 730, leur empire s'étend du nord de l'Espagne aux rives de l'Indus. Un sixième de la population mondiale change ainsi de langue et de religion. Alors que l'Europe s'enfonce dans des siècles obscurs, l'Islam rayonne, et son empire devient entre le VIIe et le XIIIe siècle l'un des deux principaux centres de civilisation L'économie du monde musulman à son apogée se développe à la fois en Asie, en Afrique et en Europe. Gouvernées par la même autorité, les deux grandes zones d'échange de l'époque, le littoral de l'océan Indien et la Méditerranée, se retrouvent unifiées. L'Empire arabe, qui est de plus soudé par une religion et une langue communes. Au Xe siècle, alors que Rome et Paris font figure de bourgades de province, Bag­dad, fondée en 762 par le second calife abbasside Al-Mansour, compte pour sa part plus d'un million d'âmes."

    Qui se termine par:

    ALLAH OUAKBAR !

    TAHIA AL OUMA !

    http://www.kabyles.com/propagation-de-lislam-en-afrique-du-nord-en-espagne-etc/

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_des_Arabes_en_Palestine

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Palestiniens

    https://www.youtube.com/watch?v=hjp7f3XWfUQ

    https://www.youtube.com/watch?v=1AiMeYDWhaM

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Dhimmi

    https://www.youtube.com/watch?v=t93t3vlaagI

    https://www.youtube.com/watch?v=aLEjdpGA0cM

  • @ Patoucha,

    Avec "supporteur" et toutes les alternatives proposées ( partisan-fan- aficionado) il s'agit de l'évolution et peut-être même de l'enrichissement de la langue.
    Le verbe "supporter" dans le sens anglais de "soutenir" est probablement trop choquant, c'est pourquoi cette tentative d'évolution pourrait avorter.

    La langue change forcément et chaque année, de nouveaux mots sont admis dans les dictionnaires, dont des mots étrangers ou venant de l'argot, du verlan ou de la francophonie.
    Cela déclenche souvent des discussions passionnées, parce que les francophones, mais surtout les Français, ont a cœur une sorte de pureté.

    Lorsqu'on lit Rabelais, Montaigne, Molière, Racine ou même Rousseau dans des éditions non-annotées, on a de la peine, parce que beaucoup de mots ont changé de sens ou ont simplement disparu du langage courant.
    Il n'y a pas eu besoin d'interventions lourdes de l'extérieur pour provoquer les changements, la langue vit avec et par ses locuteurs. A présent, tout va plus vite et on assiste de son vivant à des phénomènes ahurissants.

    On oublie facilement que l'anglais souffre davantage que le français, parce qu'il est parlé par tant de personnes, dont il n'est pas la langue maternelle, mais aussi parce que l'anglais est la langue maternelle de beaucoup de personnes à travers le monde, à cause du passé de l'Empire britannique.
    Cela pose des problèmes réels pour les enseignants d'anglais- langue maternelle, mais aussi à ceux qui l'enseignent comme langue étrangère, la norme étant en constante évolution, simplement déjà aux USA.
    Certains s'en réjouissent et considèrent que le métissage de la langue est positif. Ceux-là se félicitent de voir l'anglais fonctionner comme "lingua franca" contemporaine.
    Le point de vue opposé se défend aussi, mais si je suis bien renseignée, il n'existe pas d'équivalent de L'Académie française dans le domaine anglophone. Il n'y aurait que des recommandations pour le bon usage.
    En lisant l'article "l'anglais britannique" de Wikipedia, on se rend compte de la complexité du problème.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Anglais_britannique

  • Quand j'entends les journalistes sportifs utiliser le verbe "breaker" dans une rencontre de tennis, je me dis que le verbe supporter a encore de beaux jours devant lui !...

    Personnellement j'ai de la peine à supporter que les journalistes s'obstinent à confondre les points et les pourcents.

    Quant au livre de Mme Riocreux, il est à mettre entre toutes les mains. Elle ne fait aucune concession à tous les journalistes qui ne connaissent de leur métier que le nom.

  • "De même, l'emploi du terme supporter est rare en français en dehors du monde sportif."

    Depuis quand, Calendula, le verbe supporter est-il devenu - ou est-il - rare en français en dehors du monde du sport ?

  • @Michel Sommer
    Ajoutons le mot "challenge" pour "défi", qui est venu du monde sportif pour envahir tous vocabulaires.

  • Bonjour Mère-Grand,

    Vous me faites trop d'honneur en m'accordant la maternité de l'affirmation concernant la rareté de "l'emploi du terme supporter (...) en dehors du monde sportif" !
    En effet, cette affirmation vient de l'article de Wikipedia, que je citais plus haut.

    https://fr.wikipedia.org/wiki/Supporteur

    Jamais ne me permettrais-je d'affirmer personnellement de pareilles choses au sujet de la langue française, je ne suis absolument pas en position de le faire ! Je ne suis qu'une métèque ;-)))

  • Comme vous Michel, je recommande vivement la lecture du livre d'Ingrid Riocreux. Sa lecture agréable en plus d'être édifiante. Il fourmille de fines observations dans divers domaines de l'information, du sens des mots à la phonétique des locuteurs et locutrices, en passant par la morale contenue dans les présentation des faits, l'orientation donné au récit des événements et l'appartenance idéologique subliminale des professionnels de l'info.

    Après sa lecture je ne regarde plus et n'écoute plus les journalistes de la même manière. Ce livre pourrait inspirer les responsables de formation dans les écoles de journalisme.

  • @ Mère-Grand,

    Je suis une incorrigible maîtresse de langue étrangère, je l'admets.

    Le mot "challenge" m'a défiée, car il m'a semblé que ça sonnait un peu comme si c'était un mot d'origine française.
    Alors, je suis allée voir.

    Je cite ce blog :
    originedesmots.blogspot.com/2014/01/challenge.html

    "Il n'est pas rare d'entendre le mot "challenge" prononcé à l'anglais "Tchalènj" (en phonétique : /tʃa.lɛndʒ/), utilisé dans le sens de "défi", ou de "d'épreuve sportive".
    Mais saviez-vous que ce mot est d'origine Française? Au XIIème siècle, on utilisait le mot "chalenge" (prononcer "chalanj") qui signifiait "chicane, attaque, défi" et provenait du latin calumnia, signifiant d'abord "accusation fausse", puis "réclamation, litige" en latin médiéval.
    Ce n'est qu'au XIVème siècle que le mot s'est introduit dans la langue anglaise (les deux langues étant très liées à cette époque) pour signifier "accusation, provocation, défi", puis "défi dans un combat", ce qui a donné la signification des épreuves sportives dans lesquelles le tenant du titre est défié par les concurrents (les challengers).
    Le mot est ensuite revenu dans la langue Française sous la forme d'un anglicisme. "

    J'aimerais avoir votre avis sur l'évolution de l'anglais.
    Vous avez vécu en Australie et également dans des contrées, dans lesquelles l'anglais pouvait être la langue véhiculaire.
    Votre point de vue serait intéressant, car basé sur une expérience solide.

  • Oups !

    Je me rends compte que j'attribue à Mère-Grand ce que Michel Sommer a écrit !
    Il ne faudrait jamais faire deux choses à la fois, écrire trop vite.

    C'est inexcusable, surtout de la part d'une maîtresse d'école...

    Mes excuses les plus plates.

  • Mère-Grand @ "tout en utilisant avec élégance un grand nombre d'anglicismes parfois très courants, mais parfois aussi originaux et des plus incongrus."
    C'est exactement ce que je voulais signaler avec "to implement" et "monitoring", depuis passé avec l'accord ou non de l'Académie dans la langue française.

    Mais beaucoup plus important : "Lorsque le mot anglais "évidence " est traduit par "évidence" (souvent au pluriel) au lieu de "preuve", l'erreur est induite par le simple fait de l'homophonie"
    Certes, mais c'est le meilleur cas où l'on peut voir comment une langue influe sur le psychisme. Nous avons eu dans le canton de Vaud deux affaires criminelles qui ont eu beaucoup de retentissement. Dans les deux cas, les meilleurs policiers du monde, ceux qui ont inventé la forensique (!?! mot d'origine latine revisitée par l'anglo-saxonnisme universitaire ?), ceux qui savent tout, y en a point comme nous etc, etc, ces policiers n'ont jamais été foutu d'amener la moindre PREUVE de la culpabilité de Ségalat ou Leresche. Malgré une débauche de moyens insensée, des mois d'études avec des centaines de policiers aussi nuls les uns que les autres, rien de rien. Alors ils ont été condamnés sur la base de l'intime conviction du procureur général Eric Cottier. Allez chercher sur le net une photo de ce personnage et vous comprendrez instantanément la distinction entre preuve et évidence...et ce que l'intime conviction à nuque de taureau peut faire des évidences...

  • @Calendula
    La confusion que vous regrettez n'a pas fait de dégâts chez moi. Du moment qu'il n'y a pas d'insulte, j'aurais tendance à prendre toute remarque qui m'est adressée, même à tort, comme une occasion de dialoguer, d'apprendre souvent, d'informer parfois.
    L'historique du mot "challenge" dont vous avez bien voulu nous informer est intéressant et instructif. Il nous rappelle que la langue est comme un organisme vivant qui évolue et s'adapte sans cesse. Les attitudes respectives des linguistes et des grammairiens à l'égard des changements qu'elle subit sont à cet égard très différentes. Pour simplifier, le linguiste considère que ce qui se dit ne peut être que "correct" si cela fait partie d'un échange entre locuteurs d'une langue maternelle donnée, quitte à qualifier cette affirmation par des précisions du type "écrit, parlé, vulgaire, désuet, etc.)
    Lorsque j'étais encore enseignant j'avais une conversation récurrente avec un collègue prof de chimie qui voulait savoir un mot, expression ou forme était "du (bon) français". Je lui répondais toujours que c'était d'un point de vue strictement linguistique, mais que comme prof de français je le corrigerais, suivant en cela les règles grammaticales en usage, qui sont prescriptives et non simplement descriptives. Pour le linguiste est du (bon) français ce qui se dit, pour le grammairien et le professeur de langue, ce qui se dit à un moment donné, dans un milieu donné et dans un contexte donné. Ce dernier n'a d'ailleurs pas le choix, tout au plus peut-il être conscient du phénomène et se montrer d'une certaine souplesse lorsque la situation l'exige.
    Pour le mot "challenge" il y a eu un aller-retour qui fait qu'il a passé du français à l'anglais et qu'il a fait son retour en "franglais" (je simplifie). C'est probablement souvent le cas, mais j'avoue ne plus avoir de souvenirs précis de mes cours d'histoire de la langue française (ou anglaise). Pour ce qui est de la langue et de son évolution, je réagis donc, comme chacun, en fonction de ma position dans la société et de ma formation, exactement comme les parents doivent le faire lorsqu'ils éduquent leurs enfants, essayant de ne pas faire le vieux schnock pour qui "tout fout le camp" tout en sachant que la société risque d'imposer bien plus violemment ce qu'il hésite à imposer lui-même.
    P.S. Si vous avez le courage et temps, je vous encourage à faire l'historique de l'usage de "conséquent" pour "important", qui me hérisse tant à cause de la perte du qu'elle me semble entraîner du sens premier de "conséquent", surtout pour un ancien latiniste.

  • @Géo
    Intéressante remarque, qui étend le champ des dégâts que pourrait faire la mauvaise traduction. J'écris "pourrait" parce que, tout en étant d'accord avec le phénomème que vous décrivez, la contamination de la notion de preuve, qui devrait relever du domaine de la rationalité, par celle de l'évidence, qui relève de la conviction, fondée sur l'émotivité, je ne suis pas certain du lien de cause à effet que vous semblez y voir.
    Je n'ai pas connaissance des cas dont vous faites mention, mais il me semble que tout ce qui est en jeu, au niveau des enjeux personnels et publics, dans le genre de situation que vous évoquez suffit largement à entraîner, dans certains cas, des dénis de justice, des abus de pouvoir et des erreurs judiciaires.
    Plutôt que dans l'effet des contaminations entre termes de la langue, je chercherais plutôt dans d'autres particularités de notre fonctionnement mental, tel que la confusion entre corrélation et causalité, dont l'origine, si j'ai bien compris de quoi il s'agit, est notre désir et donc notre tendance à vouloir à tout prix trouver l'origine d'un phénomène, en l'occurence à désigner un coupable, même lorsque cette origine hors de portée de notre curiosité, de notre enquête, de nos moyens de connaissance.

  • "mais j'avoue ne plus avoir de souvenirs précis de mes cours d'histoire de la langue française (ou anglaise)."
    Lire à ce sujet "Contre la pensée unique" de Claude Hagège, un des intellectuels français les plus franchement désagréables qui soit. Ce n'est pas Madeleine Caboche qui démentira, je fais allusion à une de ses émissions...

    "d'autres particularités de notre fonctionnement mental, tel que la confusion entre corrélation et causalité, dont l'origine, si j'ai bien compris de quoi il s'agit, est notre désir et donc notre tendance à vouloir à tout prix trouver l'origine d'un phénomène"
    Effectivement, je faisais allusion à la géologie, une science d'observation comme la médecine, pour lesquelles l'expérimentation est en principe impossible.
    (Et quand elle l'est, pour la médecine, les agents expérimentateurs disposant de la dose d'inhumanité pour ce faire ne sont guère compétents. Ni Mengele et ses sbires ni l'unité 732 des Japs n'ont fait progressé la médecine.)
    En géologie comme en médecine, et aujourd'hui en climatologie, il était davantage question de grandes gueules que de travail scientifique minutieux et honnête...
    En géologie, deux questions majeures sont très intéressantes à considérer sur le plan épistémologique : le fait que Wegener ait eu tellement de peine à imposer sa théorie parce qu'il n'était QUE météorologue, malgré toutes les EVIDENCES qu'il a apportées et la dispute sur l'origine des granites, d'origine sédimentaire métamorphique ou d'origine plutonique. Après des années de conflit saignant, il en est ressorti que les deux camps avaient raison.
    C'est souvent comme ça dans la vie et cela explique pourquoi les géologues sont beaucoup plus sages que le reste de la population..

    PS. S'il y a une faute qui m’enrage, c'est "au jour d'aujourd'hui", sachant que aujourd'hui est DEJA pléonasmique.... Hui = hodie (latin)= hoy (espagnol).
    Aujourd'hui veut déjà dire "au jour d'aujourd'hui", si vous voyez ce que je veux dire...

  • vecino, na
    Del lat. vicīnus, de vicus 'barrio', 'aldea'.
    1. adj. Que habita con otros en un mismo pueblo, barrio o casa, en vivienda independiente. U. t. c. s.
    2. adj. Que tiene casa y hogar en un pueblo, y contribuye a las cargas o repartimientos, aunque actualmente no viva en él. U. t. c. s.
    3. adj. Que ha ganado los derechos propios de la vecindad en un pueblo por haber habitado en él durante el tiempo determinado por la ley. U. t. c. s.
    4. adj. Cercano, próximo o inmediato en cualquier línea.
    5. adj. Semejante, parecido o coincidente.

    VICINUS, A, UM (adjectif)
    1 siècle avant J.C.CICERO (Cicéron)
    analogue adj. : qui présente une analogie voir: analogue
    voisin, e adj. : (qui a de l'analogie), analogue, comparable voir: voisin, e
    construction
    VICINUS, A, UM + datif (adjectif)
    1 siècle avant J.C.HORATIUS (Horace)
    voisin--e de, (qui est à proximité) voir: voisin, e

  • Bien vu Géo, ce jour d'aujourd'hui me fait chaque fois bondir. Rien qu'au son.

  • LOL Chuck is "com" back :))))))))))

  • "il était davantage question de grandes gueules que de travail scientifique minutieux et honnête..."
    L'histoire des sciences montre en effet que, par le fait même qu'elle est exercée par des êtes humains, son activité peut être encombré, freiné, nié et perverti par tous les défauts que les caractérisent. Les ouvrages de philosophie des sciences sont à cet égard aussi plein d'enseignements.
    Le cas de Wegener est très instructif, la juxtaposition du contour des continents (en tout cas de l'Afrique et de l'Amérique) paraissant difficilement être due à un hasard. Elle n'a pas du non plus échapper à l'attention des gens curieux et cela peut-être même dès que les première cartes géographiques quelque peu complètes sont apparues.
    Il est vrai que, sans l'explication de la tectonique des plaques, même ce qui paraît évident après coup était impossible à accepter à prime abord.
    Comme je ne suis pas géologue je ne sais pas dans quel ordre Wegener a pu passer de ses observations à l'intuition d'une hypothèse scientifique et aux preuves preuves nécessaires pour en faire état. Je n'ai pas cherché à le savoir, mais ce doit être très intéressant du point de vue épistémologique, comme doit être intéressant l'histoire des oppositions qu'il a rencontrées.

  • com@ Excellent. Le sens de vicinus provenant de vicus est complétement perdu* en français. Vous confirmez mon dernier commentaire. Comment traduire ? Citoyen proche ?
    *pas complétement perdu : ce sens se retrouve dans chemin vicinal...

    "Le cas de Wegener est très instructif, la juxtaposition du contour des continents" De cela, le premier à s'en apercevoir a été évidemment Mercator.
    Les principales évidences de Wegener : la similitude des formations géologiques de l'Angola et du Brésil (qui préfigure la samba...) avec surtout des tillites qui s'alignent parfaitement lorsqu'on rapproche les continents. La présence d'un crocodile marin fossile sur les deux bords, crocodile marin mais incapable de traverser des océans. La différentiation des faunes d'un bord à l'autre de l'isthme de Panama à partir d'une certaine époque. Je cite de mémoire et j'en oublie certainement...
    L'argument contre, de LORD Kelvin : il n'y a pas d'énergie capable de faire bouger les plaques. Théorie de Wegener : 1912. Découverte de la radio-activité par Becquerel : 1905.
    Moralité : méfiez-vous des mandarins à grande gueule. Plus vous les voyez à la téloche, plus ils sont suspects. Martin Béniston, Martine Rebetez, etc, etc...

    Soit dit en passant, la différence entre "évidences" et "preuves" est spectaculairement mise en évidence dans cette affaire de gaz sarin en Syrie...

  • "Je cite de mémoire et j'en oublie certainement..."
    Merci de ces quelques données sur la dérive des continentes selon Wegener. Je chercherai peut-être à les compléter sur les points qui m'intéressent, car je ne sais toujours pas ce que Mercator (ou d'autres) ont tiré comme conclusion de la simple observation qu'ils ont faite, pour autant qu'ils l'aient faite, les autres "évidences" que vous citez étant certainement apparues plus tardivement.
    C'est l'enchaînement des divers aspects de la théorie qui m'intéresse, la théorie du mouvement des plaques nécessitant évidemment une connaissance suffisante de la structure de l'intérieur de la Terre, et ainsi de suite.
    Votre appel à la méfiance, je préférerais peut-être le terme de vigilance, doit évidemment est évidemment très raisonnable, et s'appliquer à toute entreprise humaine et donc aussi à celui de la science, sans pour autant tourner en un pessimisme radical qui sous priverait du plaisir de la recherche du savoir.

  • HS - Pujadas: L'Emission politique de ce jeudi 6 avril 2017

    France 2 à élu Macron!.........

  • Dans la suite de « Au jour d’aujourd’hui » qui tient le pompon des pléonasmes, Le Figaro en relève quelques autres:

    « Tri sélectif » - Le tri étant par essence déjà une sélection, parler de «tri sélectif» c'est un peu dire que l'on va à la piscine pour y «nager dans l'eau» ou préciser que l'eau... ça mouille.

    « Forum de discussion »: - Issu du latin forum, place publique où se réunissaient les citoyens romains pour débattre de sujets de la vie en cité, «le forum» est donc par définition un endroit de discussion. Il n'est donc pas utile de préciser que l'on se rend rarement dans ce lieu précis pour y rester muet ou y faire une sieste…

    « Taux d’alcoolémie »: - Si vous avez pour optique de mesurer votre taux d'alcoolémie (qui signifie ni plus ni moins déjà «taux d'alcool dans le sang»), ne perdez pas votre temps, vous êtes sûrement déjà dans le cirage...


    www.lefigaro.fr/langue-francaise/expressions-francaises/2016/08/04/37003-20160804ARTFIG00073-10-pleonasmes-a-eradiquer-de-toute-urgence.php

    Une autre liste ici, plus longue:

    http://monsu.desiderio.free.fr/atelier/pleonasmes.html


    Et celui-ci: ce matin le site de 20 Minute suit le fil du bombardement par missiles en Syrie. On apprend que Moscou a été « prévenu à l’avance ». Mieux vaut cela que prévenir en retard…

    www.20minutes.fr/monde/syrie/2045455-20170407-direct-attaque-chimique-syrie-washington-tire-dizaines-missiles-tomahawk-contre-base-aerienne

    Un des sens du mot prévenir est déjà « informer à l’avance » (synonyme d’avertir).



    « Tout le monde a déjà entendu une phrase du style : ‘ Je te préviens d’avance, si tu n’arrêtes pas tes bêtises, tu seras puni ! ‘… C’est un pléonasme. Le verbe prévenir vient du latin praevenire (XVe siècle), de prae = avant et de venire = venir. Au XVIe siècle, le verbe prévenir signifiait aller au-devant des désirs, puis au XVIIIe siècle, la signification évolua vers avertir. »

    http://alorthographe.unblog.fr/2011/03/09/pleonasme-prevenir-davance/

  • Sur l'évolution des langues et leurs interactions et échanges, ainsi que sur les normes descriptives ou prescriptives, une exigence subsiste: que les gens se comprennent. Pour cela le sens des mots et la grammaire doivent être fixés, sur des périodes suffisamment longues pour qu'un ensemble de locuteurs acquièrent les mêmes bases et les transmettent.

    Ne peut-on considérer que la prescription soit partout à l'oeuvre dans la détermination du sens et de l'organisation du langage, même en l'absence d'une autorité mandatée comme l'Académie Française? La description n'est-elle pas de fait une forme de prescription, moins directive certes, plus "démocratique", mais tendant quand-même à normaliser la langue?

    La tendance à fixer le sens et l'organisation des vocables me paraît être une condition de l'utilité d'une langue. Cela n'empêche pas son évolution.

    Je conviens que ce qui s'échange entre deux personnes prime souvent sur l'académisme. Le but premier d'une langue est que des informations puissent être émises et reçues avec un minimum de distorsion entre l'émetteur et le récepteur. Mais elle sert aussi à détailler les processus mentaux et à les transmettre, donc à favoriser la formation de la perception et de la pensée qui en rend compte. Dans ce sens description et prescription ne sont pas opposées.

  • J'ai toujours de la peine à...supporter les expressions pléonastiques du type :"...il y avait des représentants de quarante pays différents". Pourquoi, dès lors, ne pas affirmer que "l'orchestre est composé de septante musiciens différents". Mais c'est promis, le jour où l'on clonera les musiciens, je ne parlerai plus de pléonasme.

  • "La tendance à fixer le sens et l'organisation des vocables me paraît être une condition de l'utilité d'une langue. Cela n'empêche pas son évolution."
    Parole de bon sens. Vous rejoignez ce que j'exprimais par la différence d'attitudes du linguiste et celle du grammairien-professeur.
    En termes simples, le linguiste a raison à long terme puisqu'il ne fait que prendre en compte un processus naturel et inéluctable d'évolution.
    A court terme le recours au grammairien est indispensable pour établir, renforcer et faire perdurer pendant un temps limité l'ensemble des codes et règles qui permettent un échange efficace.
    Notons qu'ill n'est évidemment pas nécessaire d'avoir une institution du type Académie française pour établir l'usage, les dictionnaires et autres ouvrages d'apprentissage de la langue suffisant à cette tache.
    Notons aussi qu'une grande partie de la population mondiale échappe aussi (plus ou moins selon les cas) à l'entreprise de normalisation, soit parce que sa culture est essentiellement ou uniquement orale, soit parce qu'une grande partie des individus ne sont pas scolarisés et donc illettrés.
    Dans ce que l'on pourrait appeler, sans connotation négative, les parties ou les groupes marginaux par rapport à la culture dominante, des règles ou usages (car il y en a nécessairement toujours) plus ou moins éloignés ou à contre-pied de celles qui sont dominantes (par la culture traditionnelle, en général lié au pouvoir politique et économique) fleurissent et coexistent, tout en faisant souvent intrusion dans ces dernières, notamment à travers les manifestations artistiques: le langage du rap, l'inversion des syllabes et autres procédés parfois empruntés par snobisme.
    Un phénomène proche des modes vestimentaires, ou elles sont peut-être les plus évidentes, règne aussi dans le monde culturel en général, et donc dans l'usage de la langue. Un des plus frappants par sa simplicité et son caractère "beauf" est le dernier nommé plus haut qui pollue encore l'usage de quelques adultes, à savoir le remplacement de "fou" par "ouf" et autres enfantillages semblables.

  • Pour en terminer sur ce sujet, j'ai été frappé à la lecture de la plupart des interventions par le fait que chacun est touché, plus ou moins fortement, par des "fautes" de français qu'il ressent comme un sorte d'attaque contre ses codes personnels et même un aspect de son identité intime.
    Il est vrai que nous sommes tous des gens qui aimons lire et écrire et de ce point de vue nous ne sommes peut-être pas vraiment représentatifs de la population en général.

  • "Il est vrai que nous sommes tous des gens qui aimons lire et écrire et de ce point de vue nous ne sommes peut-être pas vraiment représentatifs de la population en général."
    Le premier à avoir popularisé le pléonasme "au jour d'aujourd'hui" est François Mitterrand, pas spécialement connu pour son inculture...

  • A la lecture de ces commentaires, je m'émerveille sur cette opportunité offerte par les blogs de donner la parole à des retraités ou autres personnes sorties de la sphère professionnelle qui peuvent faire profiter la communauté de leur inestimable expérience.
    J'ai appris récemment que, contrairement à ce que je pensais, les plus de 60 ans sont connectés à 80 % et peuvent continuer à participer à la formation de l'opinion par des apports précieux qui leurs sont déniés dans la marche courante du monde professionnel.
    Merci donc à Géo, Mère-Grand, MIchel Sommer et toutes ces personnes éminemment cultivées qui rehaussent considérablement les débats. Et merci à John de les susciter.

  • Je me référais en effet à votre distinction entre linguiste et grammairien, Mère-Grand. La poésie et une partie de la littérature bousculent les normes et font aussi avancer la langue. La "normalité" ne m'empêche pas d'inventer parfois des mots ou des tournures. J'aime combiner rigueur normative et liberté créatrice.

    @ Pierre: de tels échanges sont très enrichissants, par leurs contenus et par la convivialité dans laquelle ils se déroulent. Je partage ton avis sur l'expérience. Pour ma part je dirais que je commence seulement à savoir écrire.

  • "La poésie et une partie de la littérature bousculent les normes et font aussi avancer la langue. La "normalité" ne m'empêche pas d'inventer parfois des mots ou des tournures."
    Je m'étais promis de ne plus intervenir sur ce sujet, mais vos remarques sont trop intéressantes pour que je les laisser passer sans réagir. Il n'y a évidemment aucune contradiction entre la nécessité de pouvoir se référer à une "normalité" et l'affirmation de votre liberté dans par votre imagination créatrice. Si ce désir de liberté par rapport à la norme du langage est généralement peu exprimée chez la plupart des gens, qui ne la ressentent probablement même pas personnellement, ils jouissent néanmoins de son spectacle lorsqu'elle se donne à voir, à entendre ou à lieu.
    Cependant vous admettrez sûrement que la plupart de vos élans créateurs ne deviennent pas des normes reprises dans les manuels ou enseignés dans les écoles. Et c'est heureux qu'il en soit ainsi, qu'ils restent dans la catégorie des entreprises artistiques. J'utilise le terme de catégorie, bien qu'une des spécificités des créateurs est justement de toujours chercher à échapper à des catégories déjà établies et de détester être classés.
    Mais les catégories et les classements résistent toujours à ce voeu d'abolition. La preuve en est que lorsque l'on analyse des poèmes ou que l'on enseigne la poésie (ce qui doit être plutôt rare aujourd'hui), on fait référence à des formes (donc des normes) particulières qui caractérisent des genres passés ou présents. La présence de normes est d'ailleurs attestée par l'expression de "licence poétique" qui désignait des "fautes" par rapport à la norme langagière (pardon !), mais qui était acceptée dans l'exercice particulier de la poésie.
    Je me souviens d'une remarque faite par un ancien professeur d'anglais de notre Université lors d'un séminaire, selon laquelle une des façons les moins critiquables de de classer le livres de poésie était justement de les soustraire à la critique du critère de poésie en les disposons simplement et sans autre commentaire dans une rayon avec une étiquette "poésie".
    Pour élargir le débat sur le sujet des normes, j'aimerais le rattacher au phénomème plus général de de la cognition (pardon !). Dans tous les domaines la première activité qui permet l'élaboration de la connaissance est celle de la perception, suivi de la description qui ne peut faire autrement que de classer (ou catégoriser), puisque distinguer quelque chose est déjà le mètre à part Cela nous pousse à le nommer et donc à lui attribuer une étiquette avec des mots qui permettent ensuite de la repérer et d'échanger plus facilement des informations à son sujet.
    Les classement, les catégories et les étiquettes ne sont néanmoins jamais tout à fait étanches, car nous continuons à travers le temps à nous interroger sur leur pertinence, à les affiner, remplacer et même à les nier au nom de diverses valeurs: scientifiques (nouvelles connaissances, nouvelles théories), idéologiques (y compris religieuses), psychologiques (refus d'être classé de telle manière ou d'être classé tout court) et ainsi de suite.

  • @Pierre Jenni,
    Emporté par le plaisir de la dispute (au sens noble du terme, comme on dit), j'allais oublier de vous remercier de l'aimable commentaire que vous avez adressé à quelques blogueurs, dont moi-même. Je ne connais pas l'âge des autres, mais je constate qu'ils ont le goût de l'échange. un goût qui n'empêche heureusement pas toujours la contradiction mais qui est semble fort heureusement accompagné d'un refus du mépris et de l'agressivité inutiles.
    Sans verser dans la flagornerie je vous retourne volontiers le compliment, car je trouve les même vertus dans vos interventions sur les divers blogues.

  • @Géo
    Je ne peux pas m'empêcher de vous livrer la citation suivante extraite de l'article de Wikipédia sur la dérive des continents:
    "La théorie de la tectonique des plaques fut acceptée par la communauté scientifique à la fin des années 1960, à la suite de l'émission des concepts du « double tapis-roulant océanique »."
    J'ai toujours eu le souvenir que mon prof de géographie de ma deuxième année au Collège Calvin (un dénommé Dubois), à savoir en 1953, nous avait parle d'une théorie que j'ai plus tard pu identifier comme celle de Wegener. Mon souvenir me disait qu'il avait proposé cela comme une théorie non corroborée, mais cela me paraissait étrange, car je pensais qu'à cette époque c'était déjà chose faite.
    Ce que je viens de lire me dit non seulement que mon souvenir était exact, mais aussi que mon jeune prof d'alors se tenait au courant des controverses scientifiques de l'époque.

  • La théorie de la dérive des continents de Wegener (1912) a d'abord été acceptée et défendue par de grands géologues, le premier étant Emile Argand. Mais elle a été ensuite rejetée par la "communauté scientifique" - disons par le panier de crabes, cela serait plus correct...- et est devenue la théorie des plaques tectoniques après qu'un avion a traversé l'Atlantique avec un appareillage permettant de mesurer le géomagnétisme (dans les années 60). Et là, on s'est aperçu qu'on traversait des bandes de polarité alternée, et que le dessin qui en ressortait avait un axe de symétrie au niveau de la ride médio-océanique. On ne pouvait qu'en déduire l'expansion des fonds océaniques à partir d'un centre...

  • Mère-Grand,

    J'admets sans réticence que mes formes ne deviennent pas une norme. Une forme créatrice particulière est un style, le style distingue un auteur d'un autre ou du langage parlé quotidien. Je n'exclus pas que certains auteurs ou livres puissent laisser une empreinte dans le langage quotidien mais je n'attribue pas au style la fonction de devenir normatif (quoique la mode s'y essaie à fond la caisse!...). Par sa singularité un style, un ton, permettent des connexions mentales (neuronales?) inattendues et ouvrent parfois la porte sur une intimité personnelle que le lecteur ou le spectateur peuvent ressentir, voire partager.

    Le style est aussi dans la personnalité. Par exemple Mélenchon touche par son style, son ton, son attitude, autant que par ses mots et sa rationalité. Peut-être son succès actuel est-il en partie dû à cet amalgame entre un style, une rationalité, un ton. Il touche des zones étonnantes, par exemple un auditeur d'une de ses conférences a témoigné comme suit à la télévision: "Avec lui je me sens intelligent". (je me réserve d'écrire sur lui à partir de cette phrase).

    C'est une astuce mais quel talent pour susciter cela. Une astuce car l'intelligence, même émotionnelle, n'est pas un senti ou un ressenti. D'autre part l'intelligence des choses doit être due à soi-même et non au miroir narcissique que nous tend une autre personne. Enfin, c'est mon avis. De ce point de vue Mélenchon est un manipulateur de haut vol, il atteint la plénitude de son art de la posture et de la représentation.

    Il me semble que Macron tente quelque chose du même ordre mais sans y parvenir. Il dit trop ce qu'il fait, l'adhésion ne peut être profonde, alors que Mélenchon dit autre chose tout en faisant une chose. La complexité est du côté de Mélenchon, un vrai pro, alors que Macron est encore aux balbutiements.

    Oh, je ne voulais pas parler de politique, c'est une simple illustration.

    Sur les catégories, j'admets aussi qu'elles existent et sont utiles. Adolescent je nommais cela des "images" dans lesquelles je ne voulais pas être enfermé. Au final il y a toujours forme, donc une catégorie, mais cela me dérange moins aujourd'hui qu'à certaines époques passées. J'ai appris à préserver une liberté intérieure même quand je suis catégorisé. Et puis admettre les catégories c'est admettre que je ne suis pas TOUT. J'ai eu cette intuition une fois que l'universel est aussi dans le particulier. Rien ne m'empêche par ailleurs de modifier, compléter, assumer une catégorie, me rebeller, et toute autre chose. Je pense que la liberté n'est pas dans l'absence de forme (pas plus que dans l'absence de genre...). Ne pas avoir de forme peut même être signe d'une pathologie mentale.

    Bigre, ces sujets me passionnent, et j'apprécie toujours d'échanger avec vous.

  • @hommelibre
    "J'admets sans réticence que mes formes ne deviennent pas une norme."
    La forme que vous utilisez pourrait laisser entendre que vous avez vu dans ma remarque une critique, une moquerie ou autre chose de désagréable.
    J'espère que ce n'est pas le cas. Tout en n'étant pas incapable de ressentir et d'exprimer des émotions négatives, je m'efforce, surtout dans ces échanges, de ne rechercher et d'exprimer que des vérités (avec tout ce que ce terme comporte d'inadéquat et d'incomplet) telles que je suis capable de les percevoir ou de les concevoir.
    Dans le cas présent, je ne ne mets aucun jugement de valeur dans les termes de "norme" ni dans les autres. Mon commentaire se veut uniquement descriptif et j'ai même pris la précaution d'écrire "Et c'est heureux qu'il en soit ainsi", ce que je pourrais compléter par la remarque que si rien ne reste en dehors de la norme la norme n'existerait pas.
    Tout créateur original participe donc, par sa mise en question même de la norme, à l'existence de celle-ci, ce qui est simplement une particularité des choses et de leur définition, et n'enlève rien au mérite de la création.
    Et merci de votre compliment, qui me flatte et me rassure quant aux capacités qui me restent.

  • Mère-Grand,

    Pas de souci. Je n'ai rien perçu de négatif dans vos propos. La forme de ma phrase pouvait prêter à confusion, je m'en suis douté, mais le contexte de nos échanges me semblait assez positif pour éviter cette confusion. C'est à mon (éventuel) désir d'universalité que je m'adressais avec cette formulation.

    J'aurais dû le préciser, j'ai sauté une étape dans la communication...
    :-)

    Merci pour cette discussion, à vous et aux autres intervenants et intervenantes.

  • Homme libre @ "Pas de souci" Noooon, pas VOUS !!!

  • Si Géo, si... mea maxima culpa. J'avoue aimer cette expression dans ce qu'elle a de rassurant...
    :-)

  • "J'avoue aimer cette expression dans ce qu'elle a de rassurant..."
    Vous auriez dû faire coiffeuse. C'est une expression de. Ou de Frederic Recrosio parlant des coiffeuses (ou des malheureuses...).
    "Rêver, grandir et coincer des malheureuses. Biographie sexuelle d'un garçon normal, pas mieux"
    "Aimer, mûrir et trahir avec la coiffeuse. Itinéraire de l'amour normal"

  • :-D...

    J'ignorais l'origine. Je l'ai adoptée avec une ex-copine débordante de gentillesse, qui pourtant n'était pas coiffeuse. Bon, elle était blonde...

    :-DDD!

  • Le plus gros défaut de cette expression, c'est son succès. A un moment donné, il y a saturation. Vous vous souvenez des filles "c'est supeeer..." ? Du coup, je les trouvais nettement moins jolies...

  • D'accord.

  • A propos de l'importance des mots : les Français se gargarisent des mots "républicain" et "régalien".
    Il faut avouer que c'est assez croustillant et significatif de l'état de délabrement intellectuel des médias et des politiques français...

  • Exemple de phrase d'une agence, telle qu'Ingrid Riocreux en dénonce:

    "Un policier a empêché un quinquagénaire qui voulait se suicider avec un tir de flash-ball qui l'a renversé dans son appartement."

    Le quinquagénaire voulait-il se suicider "au moyen" d'un tir de flashball?
    Le policier l'en a-t-il empêché "grâce à" un tir de flashball?

    La construction de la phrase devrait faire valider la première option. Mais la deuxième option est la bonne quand on cherche un peu...

    :-)

  • Jacques Chirac, lui, souhaitait que Le "lac des cygnes" finisse par sécher!

  • Sérieux Myriam? Ou boutade de sa part?
    Très drôle en tous cas! :-)))

  • "Pas de souci"

    J'ai horreur de cette expression... ça fait frontalier... donc lèche-botte...

    De même que celle-ci:

    "belle journée" au lieu de "bonne journée"... Parce qu'on dit "bonjour" et non pas "belle jour"

  • Pétard, ma blonde était bien genevoise.... :-D

    "Belle journée" est plutôt destiné au constat météo, et non à la salutation. Je reçois parfois des "Belle journée", il m'est arrivé d'y répondre à l'identique, par mimétisme, ou d'en prendre l'initiative. Mais j'ai abandonné pour la raison que vous mentionnez. On peut cependant dire: "Je vous souhaite une belle journée" par exemple si la personne part en pique-nique.

    "belle jour" ou "beau jour", cela ne va pas avec une salutation.

  • "Je vous souhaite une belle journée" par exemple si la personne part en pique-nique."

    Là, d'accord... surtout si la personne ou les personnes partent... en "nique-pique" au coin d'un bois...

  • :-)))...

  • «Avec l'invention du néologisme "franglais", il se fit le pourfendeur des emprunts envahissants d'expressions anglo-saxonnes dans l'usage courant de la langue française» (Wikipédia).

    De qui s'agit-il? De René Étiemble (1909-2002), dont le pamphlet «Parlez-vous franglais?», paru en 1964 chez Gallimard, suscita bien des polémiques.

  • Etiemble se trouve dans la bibliographie du livre de Claude Hagège que j'ai cité plus haut, "Contre la pensée unique". Très intéressant.

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