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Mimétisme langagier en politique

J’ai signalé en mars cette expression confuse: le référendum d’initiative populaire. Un référendum et une initiative sont deux objets politiques différents. Ils ne peuvent pas être mélangés. Eh bien j’ai trouvé mieux.

 

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Des intellectuels français proposent d’instaurer le référendum d’initiative citoyenne. En France, s’il y a le mot citoyen quelque part, c’est forcément mieux… Mais si je me trompais sur la supposée confusion? Après tout le référendum est une initiative prise par des citoyens. Vu sous cet angle le référendum est une initiative citoyenne.

Mais non mais non. La preuve? Le site ric-france.fr est tenu par des personnes qui militent pour le RIC. RIC, c’est Référendum d’Initiative Citoyenne. On peut constater qu’il y a bien confusion dans les termes. En effet la Suisse est citée en modèle:

« Nos voisins Suisses disent que les ric leur permettent d’être bien informés et… »

Mais il n’y a pas de RIC en Suisse. Les auteurs du site n’ont pas étudié ce dont ils parlent. Il le désignent de manière incorrecte. Il y a d’une part le référendum, et de l’autre l’initiative populaire. Deux objets différents. Le premier vise à faire ratifier ou rejeter une loi ou un projet déjà décidé par les autorités, la seconde contient un projet nouveau à l’initiative de citoyens.

 

 

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Le socialiste Jaurès, cité dans le cnrtl.fr, faisait déjà la distinction en 1901: « On parle, disait-il [Engels], de suffrage universel direct, de référendum et d’initiative populaire.  (Jaurès, Ét. soc., 1901, p. LXI). »

Quant à l’initiative populaire le cnrtl est aussi clair: « Pouvoir accordé aux citoyens de certains pays (Suisse, par exemple) de proposer au vote du corps électoral un nouveau texte constitutionnel ou législatif, ou la modification d’un texte existant (d’apr. Encyclop. univ. t. 15 1973, p. 521, s.v. Suisse). »

J’ignore qui, en France, a commencé à faire usage de cette expression. Je constate qu’aujourd’hui des hommes et femmes politiques la reprennent. Par mimétisme ils recyclent la même expression incorrecte.

Jean-Luc Mélenchon par exemple la cite dans la synthèse de son programme: «… au premier rang desquels le référendum d’initiative citoyenne » (chapitre 1 alinéa 3). Cela suggère qu’il n’a pas réfléchi par lui-même à la question. Il recycle la même confusion, malgré son intelligence et sa culture pourtant réputées.

 

 

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Dans le même ordre d’idées je découvre ce matin que François Fillon lui-même, pourtant précis dans son langage et doté à mon avis d’une solide architecture intellectuelle, a qualifié la récente rencontre entre Emmanuel Macron et Christian Estrosi à Marseille de républicaine. Pourquoi ajouter républicaine? Rencontre, ou éventuellement rencontre politique, ne suffisait-il pas?

Nous apprenons beaucoup des mots et de leur sens par mimétisme. Nous reprenons le langage de l’entourage. Cela ne pose pas de problème pour les mots et notions simples, ou dont le sens apparaît par l’expérience directe. Par exemple un enfant apprend très tôt ce que jouer veut dire: il le vit dans son corps avec ses parents ou avec d’autres enfants.

D’autres mots doivent être expliqués par une personne compétente ou étudiés dans un dictionnaire. D’autres encore suscitent une réflexion personnelle avant d’en saisir le sens.

On excuse volontiers une erreur de sens occasionnelle. Mais l’usage de cette expression n’est pas fortuit. Il est répété, revendiqué, écrit. Est-ce un instinct de caste qui fait plonger des dominants et des chefs politiques dans la marmite à confusion? Qui les pousse à reprendre sans réfléchir une notion comme le référendum d’initiative citoyenne, par simple mimétisme? Ou une paresse intellectuelle? Un manque de réelle curiosité des choses?

 

 

 

Catégories : Philosophie, Politique, Psychologie 6 commentaires

Commentaires

  • Il faut admettre que chaque état défini comme il veut une démarche qui peut devenir une vraie usine à gaz en ce qui concerne la France.

    Sarkozy l'avait promis en tant que candidat de 2007.
    A l'initiative d'un groupe définit, un projet de loi peut être soumis à un référendum. De toutes les façons c'était abusif, puisque le peuple n' avait pas de droit d'initiative dans ce projet qui devait être appliqué dans un dernier volet de la révision de la constitution ( art 11) de 2008.

    "
    L'initiative - qui ne peut porter que sur des sujets précis - doit notamment prendre la forme d'une proposition de loi présentée par au moins un cinquième des membres du Parlement ; être jugée recevable par le Conseil constitutionnel ; recueillir le soutien d'un dixième du corps électoral, soit 4,5 millions de personnes ; avant d'être publiée au Journal officiel.
    L'initiative devant venir en premier des parlementaires et non des électeurs, au fil du temps, le référendum "d'initative populaire" a d'ailleurs été renommé "référendum d'initiative partagée" ou "référendum d'initiative minoritaire".

    Hollande avait promis également de d'activer cette mesure ... on sait ce qu'il en a résulté.

    Voici encore une étude de législation comparée éditée par le service des affaires européenne du Sénat en 2002.
    Toutes les appelations se mélangent un peu

    https://www.senat.fr/lc/lc110/lc110_mono.html

  • Merci pour ce lien Aoki. Il y a bien un lièvre. Un gros.
    C'est pire que ce que je pensais.
    Les appellations se mélangent un peu... ou beaucoup. Les deux termes, initiative et référendum, sont utilisés chacun dans au moins deux sens différents. C'est digne de Pierre Dac.

    Sur le référendum d'initiative partagée c'est comme donner aux députés un tour de plus pour discuter entre eux.

    En tous cas les candidats qui aujourd'hui proposent l'élargissement du référendum ne savent pas vraiment de quoi ils parlent. Mélenchon pas plus que les autres. Mais il joue au chevalier blanc. Les cocus (les citoyens) le remercient.

  • Si on regarde de près notre langue, on voit qu'elle est complétement polluée par des contre-sens. Pédophilie au lieu de pédérastie (les homosexuels "visibles" étaient souvent amateurs de petits enfants, d'où la confusion...). C'est vraiment dommage, parce que de connaître les notions de "éros", "philia" et "agapè" des Grecs aide à vivre. Les Grecs s'y connaissaient en amour et tous les gens normaux sont pédophiles...

    Toujours à propos de l'homosexualité : la mort de l'artiste américain ayant créé le drapeau arc-en-ciel, symbole de l'altérité. Altérité ? Du latin "alter", signifiant "l'autre", "l'un et l'autre". En grec, hétéros...
    Le drapeau des homosexuels devrait par définition être monocolore, puisqu'ils n'aiment pas l'altérité.

  • "A l'initiative d'un groupe défini, un projet de loi peut être soumis à un référendum."
    Le début de la phrase n'est pas vraiment fait pour distinguer l'initiative du référendum.

  • Mère-Grand,

    Je pensais bien vous lire sur ce sujet!

    Le document mis en lien par Aoki est un modèle de confusion. On peut relever plusieurs petites phrases où les sénateurs font passer le mot « initiative » de la désignation d’un objet politique précis à celle d’une action de personnes, ou inversent et mélangent les deux termes comme s’ils avaient le même sens:

    « c’est-à-dire le référendum organisé à l'initiative d'une fraction du corps électoral... »

    « des référendums consultatifs peuvent être organisés, notamment à l'initiative des électeurs. »

    « visant à instaurer le référendum consultatif au niveau fédéral à l’initiative d'au moins... »


    et aussi ce sous-titre, délicieusement cocasse dans une étude intitulée « Référendum d’initiative populaire »:

    « a) L’initiative du référendum… »

    suivi immédiatement de cette phrase explicative: « Les promoteurs de l'initiative populaire… »


    ou celui-ci à propos de la Suisse:

    « a) L'initiative du référendum

    Un comité d'initiative, constitué par sept à vingt-sept électeurs, présente une demande de révision de la Constitution… »


    et encore:

    « 3) La pratique

    Depuis 1970, un peu plus de cent initiatives populaires ont donné lieu à référendum. »

    La votation sur une initiative populaire ne donne pas lieu à un référendum, elle ne vise pas à ratifier ou rejeter un texte ou projet déjà décidé par les autorités mais à introduire ou non une nouvelle proposition. Le fait de pouvoir, dans certains cas, accorder son suffrage à la fois à une initiative populaire et à un contreprojet des autorités, confirme qu’il ne s’agit pas d’un référendum.


    D’autres termes peuvent être utilisés par souci de clarté: des verbes sous une forme conjuguée ou non, des substantifs. Par exemple:

    introduire, proposer, présenter, inspirer, engager, promoteur, proposition.


    Plus encore que Pierre Dac, Raymond Devos aurait adoré ces confusions de sens.

  • Le mot économies, par exemple, n'annonce pas dès l'emblée moins de prestations sociales!

    Initiative citoyenne (France) pourquoi ne pas lancer le projet selon lequel l'élu/e à la présidentielle ne tenant pas ses promesses doit quitter son poste?

    Et pour le peuple en démocratie, souverain un droit de veto s'appliquant notamment à l'article constitutionnel 49.3?

    Entre autres...

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