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Marine Tagada : il n’y a pas de fascisme en France

La peur, la haine et le rejet extrêmement violent contre Marine Le Pen m’apparaissent comme stupéfiants, dans les deux sens du terme. Cet orgasme émotionnel agit comme un opium ou une drogue euphorisante par lesquels toute réflexion nuancée et personnelle est balayée ou annihilée.

 

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A minima il s’agit d’un symptôme d’un mal endémique en France: la guerre intellectuelle entre factions, l’absolutisme d’une pensée qui n’est plus pensée, l’incapacité à prendre en compte le pluralisme des opinions et courants de pensée. Ou encore la certitude que le débat et le dialogue se résument à des affirmations assénées les unes contre les autres par petites phrases ou grandes théories, sans aucune interaction entre les protagonistes. En France on ne dialogue pas, on fait du rapport de force permanent un simulacre de dialogue.

Les conséquences de cette culture politique sont déjà désastreuses. D’une part le pays semble voué à un durable clivage plus qu’à une simple alternance. Les uns et les autres n’existent que tant qu’ils s’opposent les uns aux autres. Des exemples? Les diverses oppositions catégorielles: patron-ouvriers, gauche généreuse-droite égoïste, société ouverte-société fermée, xénophile-xénophobe, entre autres. À cela s’ajoutent aujourd’hui les oppositions mondialistes-souverainistes, femmes-hommes, libéral-contrôlant.

Le clivage gauche-droite, plus prégnant en France que dans d’autres pays européens, en est un exemple bien visible. Cette animosité politique et sociale génère des divisions durables au sein de la nation française – et pourtant il y a des souverainistes et des mondialistes à droite comme à gauche. Ces attitudes décrivent un ADN politique autoritaire et intellectuellement centralisateur sur une seule idée. De ce point de vue la France est un obstacle à l’Europe et ne peut réellement être en phase avec l’Allemagne, pays habitué au fédéralisme. Le jeu de dominant-dominé ne cessera que quand il aura disparu de la culture française. Autant dire que ce n’est pas pour demain.

Aujourd’hui l’élection présidentielle propose un candidat qui se positionne comme ni gauche ni droite. Le propos est plus qu’opportuniste: il recèle de manière peu visible une tentation totalitariste. Le slogan ou la revendication ni droite ni gauche est considéré comme élément de pensée appartenant au fascisme, comme le soutient l’historien israélien Zeev Sternhell.

 

 

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Toutefois le fascisme ne saurait être réduit à ce seul paramètre. La philosophe Hannah Arendt a longtemps été la référence intellectuelle dans l’analyse du phénomène totalitariste. Elle a pourtant peu fait cas du fascisme, tel qu’il s’est développé en Italie en parallèle à la montée des nationaux-socialiste d’Adolf Hitler.

Depuis les années 1990 d’autres penseurs et historiens ont élargi l’approche du totalitarisme. Un article paru sur l’excellent site cairn-info et signé par Emilio Gentile, professeur d’histoire contemporaine, propose des repères pour comprendre le totalitarisme, le fascisme et la religion politique.

De ce long et riche article j’extrais sa définition du totalitarisme, théorie praxis politique que l’on retrouve aussi bien chez le Fasciste Mussolini que chez le Marxiste Georges Sorel (l’un des penseurs qui a introduit le marxisme en France au XIXe siècle).

« 1. Le totalitarisme est une expérience de domination politique mise en œuvre par un mouvement révolutionnaire et organisée par un parti à la discipline militaire.

2. Le totalitarisme se caractérise par une conception intégraliste de la politique et aspire au monopole du pouvoir ; après avoir conquis ce dernier par des voies légales ou non, il s’attache à détruire ou à transformer le régime préexistant pour construire un État nouveau, fondé sur le régime du parti unique.

3. L’objectif principal du totalitarisme est de réaliser la conquête de la société, c’est-à-dire la subordination, l’intégration et l’homogénéisation des gouvernés : l’existence humaine, qu’elle soit individuelle ou collective, est considérée comme intégralement politique et se voit interprétée selon les catégories, les mythes et les valeurs d’une idéologie palingénésique, elle-même sacralisée sous la forme d’une religion politique.

4. La religion politique tend à remodeler l’individu et les masses en provoquant une révolution anthropologique qui doit aboutir à la régénération de l’être humain et à la création d’un homme nouveau.

5. Cet homme nouveau est consacré corps et âme aux projets révolutionnaires et expansionnistes du parti totalitaire, dont le but ultime est alors la création d’une nouvelle civilisation supra-nationale. »

 

 

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Les antifascistes du XXe siècle ont posé la synthèse suivante. Dans le fascisme: « il y avait le rôle de la pensée mythique, la mobilisation des masses, le culte du chef, le parti unique, l’organisation de la culture ou encore les projets de régénération collective. »

Le fascisme est étatiste, dirigiste, aux mains d’un parti unique, anti-parlementaire, et les chemises noires subordonnées à un chef charismatique et mythifié, belliciste. Les citations suivantes de Benito Mussolini sont explicites:

« La clé de voûte de la doctrine fasciste est sa conception de l'État, de son essence, de ses fonctions et de ses objectifs. Pour le fascisme, l'Etat est absolu, les individus et les groupes relatifs. »

« Le fascisme est une religion. Le XXe siècle sera reconnu dans l’histoire comme le siècle du fascisme. »

« La transformation de l’instruction publique en éducation nationale est la plus fasciste de mes réformes. »

« Moi, je suis pour la discipline rigide. Nous devons nous imposer à nous-mêmes une discipline de fer, parce qu’autrement, nous n’aurons pas le droit de l’imposer à la nation. Et c’est seulement à travers la discipline de la nation que l’Italie pourra se faire entendre dans le concert des autres nations. La discipline doit être acceptée. Quand elle n’est pas acceptée, elle doit être imposée. … les fascistes de toute l’Italie (qui) doivent avoir un dogme portant un seul nom : discipline! »

Il y a d’évidentes similitudes entre la fascisme italien, le national-socialisme hitlérien et le communisme stalinien. Je rappelle qu’en France dans les années 1950, il était aussi mal vu de se déclarer communiste que lepéniste aujourd’hui. Le coco avait toujours le couteau entre les dents!

 

 

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Quel offre électorale se situerait aujourd’hui dans la mouvance fasciste en France? À mon avis aucune.

Tous les partis acceptent le parlementarisme et les élections. Il serait malhonnête de prétendre qu’il en serait autrement une fois au pouvoir. La démocratie représentative est un modèle politique ancré dans les esprits et personne ne préconise l’avènement du parti unique.

Les seuls mouvements qui se proclament révolutionnaires sont Force Ouvrière et le Nouveau Parti Anticapitaliste. Mélenchon appelle à une révolution sans la vouloir hors des urnes.

Le culte du chef charismatique existe avec Mélenchon et Macron. Jean-Luc Mélenchon se défend de tout culte de la personnalité en invoquant le fait que son programme est celui de la base. Mais dans les faits tout passe par lui dans les meetings et dans la médiatisation. C’est sa personne qui sert de référence et qui est adulée au point de provoquer une forte adhésion émotionnelle.

Emmanuel Macron a tout misé sur sa personne. Tout passe par lui. En principe un parti est l’émanation d’une sensibilité de citoyens et le candidat est choisi par ce parti. Avec Macron c’est l’inverse: il a créé un mouvement pour lui et par lui. Quand il dit qu’il a montré sa capacité à être un chef il cultive son image de leader. Il s’en convainc en même temps car sa jeunesse et son manque d’expérience et d’une base populaire le fragilisent. Il doit donc forcer. Ses envolées, ses cris même étranglés, participent à cette volonté de se montrer comme le seul chef à bord. Son ni droite ni gauche entre en résonance avec les anciens thèmes fascistes. Son ascension rapide n’est balancée par aucun garde-fou. Il se réclame d’une révolution. Il veut gouverner par ordonnances, sans les parlementaires. Cela ne signifie pas qu’il est fasciste mais il ne dédaigne pas une praxis autoritaire et utilise des mots connotés.

 

 

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Marine Le Pen n’est pas vraiment charismatique. Elle est l’émanation de son parti. Elle laisse régulièrement ses lieutenants intervenir dans les médias. Son patriotisme fait référence à un État idéalisé, et ceci est dans la tendance fasciste. La lutte contre une immigration vécue comme trop nombreuse ou de culture trop différente et qui relativise celle en place, n’est pas la désignation d’un bouc émissaire par l’État. On peut crier Marine fasciste, Marine raciste ou Marine Tagada, c’est un écran de fumée: on ne fait qu’évacuer le besoin de débat qui pourtant l’a portée au second tour.

Tous les pays du monde préservent leur propre culture et c’est normal. Les mélanges doivent être progressifs, mesurés et procéder par assimilation. La multi-ethnicité est un fait non-dérangeant, mais le multiculturalisme est la voie vers le communautarisme et l’affaiblissement des processus historiques qui ont constitué les nations. Imaginer comme je le lis parfois que le sourire de MLP cache un couteau qui doit sortir de sa bouche une fois élue et qu’elle interdira le parlementarisme et militarisera la société est un saut idéologique qui me paraît gravement excessif et irrationnel.

Si l’on analyse les candidatures à l’aune des définitions d’Emilio Gentile, il n’y a pas à craindre de renouveau du fascisme. Il reste dès lors une légitimité démocratique à discuter des programmes, mais c’est un autre débat. Un débat que malheureusement le brouhaha anti-Le Pen a tendance à neutraliser.

 

 

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Désigner le Mal par rapport au Bien dans cette campagne est un écran de fumée. Ce qui doit compter sont les programmes, les intentions affichées et l’organisation interne des partis en présence. De cela on peut déduire s’il y a ou non un risque de fascisme. Cela ne me paraît pas être le cas.

Pour ma part je ne suis partisan ni d’un souverainisme trop rigide ni d’une mondialisation où les citoyens perdent le contrôle de leur vie. Je ne crois pas au sens de l’Histoire comme une vague irrésistible et normative. Je ne crois pas plus qu’il y aurait une vocation naturelle d’une Europe ouverte.

Soyons lucides: cette ouverture, par exemple aux migrations numériquement très importantes et homogènes, et de cultures très différentes, répond au besoin économique de main d’oeuvre et non à un idéal humaniste. On ne se soucie d’ailleurs pas de la perte des ressources humaines pour les pays d’origine que produisent les grands mouvements migratoires. Quand l’immigration clandestine était déjà dénoncée par Le Monde en 2009 en Guyane, personne n’a crié au racisme ni au fascisme. Parce que les Guyanais ne sont pas très blancs?

Bien que libéral je ne suis pas libertarien, et je ne pense pas que tout peut se régler entre deux personnes. L’État sert donc de régulateur ou de médiateur, en plus de gérer les éléments collectifs d’une nation. Chaque pays est à la fois ouvert et contrôlant. Le curseur peut varier. La pose du curseur entre ouvert et contrôlant est fonction d’époques et de circonstances diverses.

Je n’ai pas d’idéologie figée à ce sujet. Je pense que les décisions doivent être prises selon chaque situation, de manière adaptée, en situation, dans un situationisme qui n’est pas celui de Guy Debord mais qui est le mien: celui d’une forme de sagesse politique, dans une époque où le politique ne doit plus faire rêver mais doit gérer le peu qui lui revient et laisser le reste aux citoyens. 

 

 

 

Catégories : Philosophie, Politique 11 commentaires

Commentaires

  • "le politique ne doit plus faire rêver mais doit gérer le peu qui lui revient et laisser le reste aux citoyens."

    De l'art d'accommoder les restes. Sauf que, le politique ne devrait qu'être le représentant des citoyens. En théorie.

  • En principe, oui... En France on peut dire qu'il le sera, mais dans quelles conditions! Faire élire à coup sûr Macron grâce au discours intimidant anti Le Pen.
    Je vais regarder le débat ce soir.

  • Tu seras déçu. Elle ne va pas le laisser parler, c'est son truc. Et lui va tenter un peu maladroitement de faire preuve de l'autorité dont on le soupçonne de manquer.
    Ce qui sera intéressant c'est la joute psychologique. Macron devra tenter d'éviter la victimisation et l'intimidation de sa rivale, il sera sous les feux nourris en position défensive par rapport à sa posture mondialiste. Je doute qu'il ait la capacité à renverser la vapeur et devenir l'agresseur qui lui donnerait la stature présidentielle qui semble lui faire défaut.
    Mais on n'en saura pas plus sur son programme.

  • "Sauf que, le politique ne devrait qu'être le représentant des citoyens. En théorie." Je ne suis pas vraiment d'accord avec cette définition, qui est plutôt celle d'un bon gestionnaire de la chose publique. On attend d'un politique autre chose, et on a ça sous les yeux en France actuellement. Je trouve bizarre que vous ne le voyez pas, parce qu'on en parle assez...

  • Je lisais cela chez je ne sais plus qui, que la politique ne fait plus rêver, n'enchante plus, et c'est tant mieux. En démocratie elle gère le peu. Ce sont les idéologies qui font rêver, comme le fascisme faisait rêver et acclamer le Duce.

    En France la croisade anti-MLP puise dans un rêve de république morale, pure. Et Macron joue fort cette carte.

    La politique aujourd'hui est une désillusion pour certains parce que justement elle ne doit plus décider de notre pensée. Comme vous le dites c'est le contraire qui se passe en France où l'on va intimement dire ce qui doit être voté en invoquant des "valeurs morales"...

  • J'essaie de vous suivre Géo.
    Un élu l'est en principe sur un programme, rarement sur une vision, comme cela semble être le cas avec Macron.
    Lorsque vous votez pour un candidat, vous ne lui donnez pas un chèque en blanc pour faire ce qu'il a envie. Et plus vous montez dans l'échelle de votre carrière politique, plus vous devenez l'esclave de ceux qui vous ont permis d'accéder à la fonction

  • Moi aussi, Pierre, je présuppose que ce sera en filigrane une lutte de pouvoir et de domination. Cela a aussi son intérêt car on peut ensuite les imaginer sous la pression une fois élu, et se demander: "Qui tiendra le mieux le coup?"

    Mais il y aura certainement des éléments à en tirer.

  • "Un élu l'est en principe sur un programme, rarement sur une vision, comme cela semble être le cas avec Macron."
    Macron étant l'homme de la mondialisation et du capitalisme triomphant, il a un programme. En fait, tout le monde le sait.
    Celui de MLP est moins clair. Mais il y aura moins de tolérance pour la voyoucratie, ce qui chagrine beaucoup les socialistes...

  • "Macron étant l'homme de la mondialisation et du capitalisme triomphant, il a un programme. En fait, tout le monde le sait."
    J'appelle ça une vision de société et s'il est si flou sur son programme c'est bien parce que cette vision implique des décisions inavouables qu'il a bien dû assumer auprès des licenciés de Whirlpool.

  • "Culture française"
    Le paragraphe est excellent. Le titre est évidemment doublement ironique, de par la médiocrité auquel il se réfère et par la prétention que ne cessent d'afficher bien des Français face à d'autres nations. En l'occurrence la France ne valait pas mieux que les USA, son repoussoir favori.
    Dans les deux cas, les gens de raison et de véritable culture, et il en existe dans les deux nations, se sont vu offrir des spectacles politiques (ou politiciens) dignes des combats hiérarchiques chez les chimpanzés ... et je ne fais pas référence aux bonobos, qui sont, de ce point de vue au moins, bien plus évolués.

  • Bien vu bien dit, Mère-Grand.

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