La République en marche a fait son show hier, avec un succès certain. Une première fournée de 426 candidats prêts à se faire dorer – ou carboniser – en place publique au mois de juin a été présentée. De la jeune pâte bio du jour, pas un vieux grain moulu et vermoulu.
Macron tient parole pour le premier arrivage. Ce levain de la nouvelle république est fait de plus de 80% d’inconnus, avec quand-même quelques têtes d’affiche. Il en faut pour être visible et crédible.
Et ça fermente dans les rédactions. Devant cette belle vitrine, dont le mathématicien extraterrestre Cédric Villani (image 1), certains étaient admiratifs, d’autres plus critiques. Oui, le renouvellement est en marche. Mais, se demandent les employés de presse, ces jeunots sauront-ils mener à bien les tâches de la députation? Un minimum d’expérience politique n’est-il pas souhaitable?
Réponse quand il vont commencer à crouler sous les dossiers, à siéger en commission, à apprendre les rouages du pouvoir. Et par exemple à relire tout ce qui s’est fait depuis trente ans sur l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, l’un des sujets brûlants, ou sur le nucléaire.
Hier on reprochait un certain carriérisme de la classe politique, aujourd’hui on constate qu’un encadrement par des connaisseurs et un peu d’expérience ne sont ni superflus ni dégradants. D’où probablement le wagon de 21 députés socialistes sortants. Face à cette jeunesse politique, les vieux briscards auront vite fait d’évoquer la Politique pour les Nuls et de reprocher un possible amateurisme, qui se révèlera ou non dans les débats.
Mais après tout, les boulangers amateurs qui font cuire leur pain complet à la maison ne sont pas tous des manches. Bah, faisons-leur confiance: la révolution, ça s’apprend.
La politique autrement
Autre critique: la commission d’investiture de LRM (La République en Marche) n’a pas analysé en détail l’origine du grain. Il fallait multiplier les candidats comme les pains. Sur plus de 15’000 offres de services, les bénévoles de cette commission en ont retenu quelques centaines sur la base d’entretiens téléphoniques et parfois d’une entrevue.
Ces bénévoles n’ont pas vérifié les CV un par un: pas eu le temps. Ils font confiance aux déclarations des nouveaux. En espérant que les casiers judiciaires soient bien tous vierges et qu’une fois l’élection passée le chant de l’Hyménée ne tourne pas en Requiem pour quelques nouveaux.
Pour construire sa majorité le Grand Boulanger Macron doit encore ajouter la part manquante, environ 150 candidats supplémentaires. La liste reste ouverte pendant quelques jours. Le temps de donner un gage à la droite, après celui donné à la gauche libérale par les 21 députés sortants du PS reconduits, et la fleur faite à quelques-uns – dont Valls – de ne pas leur opposer de candidat macroniste.
Le temps des calculs et négociations est donc de retour. Normal. Si l’on veut tenter l’expérience d’une république hors de ses clivages il faut doser les forces en présence, et donc discuter de qui viendra des autres partis. François Bayrou a commencé à mettre la pression. N’ayant pas assez de candidats Modem à son goût il ne donne pas son assentiment à cette première liste. L’épicier béarnais, pas avare en retournements de veste, veut tirer quelques bénéfices de son investissement macroniste et redresser son parti moribond.
On découvre que vouloir faire de La politique autrement est un bon slogan mais que la pratique ne peut se passer totalement des anciennes recettes.
Le Grand Boulanger a donc déjà mis une partie du PS dans sa poche. Il lui faut encore moissonner les plaines du centre et de la droite. On a vu Borlo avachi derrière la vitrine d’un café. On le dit très courtisé. Mais bon, si l’Emmanuel veut faire jeune, il y a plus frais que le Jean-Louis…
Mélenchon: la meilleure part
On sait encore peu de chose sur la sociologie de cette liste LRM. Les nouveaux venus, peu habitués au terrain politique et à la harangue, sauront-ils convaincre? Cela se jouera sur la confiance que les Français accorderont au nouvel élu et sur leur désir réel de changement. En principe sous la 5ème les législatives donnent une prime au président élu. À voir.
Le Grand Boulanger a donc quitté les volutes stratosphériques de la boulangerie cosmique pour entrer dans le cambouis des machines et le pétrissage de la matière première. Au-delà de son projet qui, si j’étais électeur, me laisserait partagé, l’expérience m’excite. Réussira-t-il son pari d’obtenir une députation qui lui soit favorable? Aura-t-il ce qu’il faut à un président pour imposer son courant? Au moins il sera débarrassé du mitron Hollande, qui ne cesse de le féliciter et d’être tout miel et levure avec son ancien ministre. Ce qui ne doit pas vraiment rendre service à ce dernier. En faire son héritier pour le saper dans l’esprit des français: est-ce le coup de pied de l’âne de Fanfrelande?
La bataille des législatives sera rude. À défaut d’être le nouveau Grand Boulanger Jean-Luc Mélenchon veut au moins diriger la grande surface de l’Assemblée Nationale. Il a commencé à vendre ses petits pains à Marseille, après avoir, dans le passé, postulé dans l’Essonne, à Hénin-Beaumont et à Toulouse. Le vieux briscard a justifié son choix itinérant: « La France est ma patrie, je suis partout chez moi. » Certes il connaît la France mais connaît-il le terroir où il va?
Il a surtout choisi la circonscription où il a le plus de possibilités de faire un bon score. Comme souvent le chef, intimement persuadé de son importance, s’attribue le meilleur morceau. La démocratie d’en bas attendra. C’est ce qui arrive quand l’appel au peuple sert davantage celui qui appelle que le peuple. On remarque aussi que le spice boy Mel E. a pris soin de n’avoir à ses côtés aucune forte personnalité susceptible de le concurrencer dans le PdG (Parti de Gauche). Au PdG il est le PDG et la concurrence est beurk (trad: capitaliste).
Mel E. se soucie d’ailleurs peu de ce qu’on pense de son parachutage, qui pour lui n’est que simple nomadisme: ses adeptes, hypnotisés par sa logorrhée, ne vivent qu’à travers lui. Comme les Marcheurs ne vivent qu’à travers le jeune Emmanuel. Le vieux moule du chef providentiel ne sera pas remplacé de sitôt. Et le nouvel élu aura bien besoin d’être ce chef fort pour casser les résistances idéologiques et corporatistes. Car la France n’est pas la Suisse: chez nos voisins on ne discute pas, on cogne jusqu’au KO.