Elles sont journalistes ou auteurs. Elles portent entre 25 et 40 ans. Elles ont l’esprit aiguisé et la parole forte. Elles ne sont pas membres d’un club mais une même quête de lucidité et de refondation intellectuelle les anime.
Ces femmes repensent notre société et ses fondements philosophiques et politiques. Les insoumises? C’est le bimestriel Éléments qui les surnomme ainsi. Insoumises à la doxa, à toute doxa.
Avec pourtant des champs d’appartenance: socialiste orwellienne, conservatrice, chrétienne, un peu anar, pas vraiment féministes, selon des configurations personnelles variables. Elles ont en commun de dénoncer l’illusion progressiste.
Leurs lectures vont de Péguy à Michéa. Autant dire que cette galaxie en plein développement a de quoi bousculer les ornières intellectuelles et les conforts de classe. Et que la dynamique de pensée est aujourd’hui revenue vers ce côté-là.
Comment mieux parler de ces femmes de tête qu’en leur laissant la parole? Voici quelques extraits du dossier que leur consacre l’excellente revue d’idées Éléments, qui est vendue en kiosque en France, et sur le site dédié.
Eugénie Bastié. Je l’ai déjà présentée succinctement. Elle est journaliste au Figaro et directrice de la revue Limites. Auteur de Adieu mademoiselle, La défaite des femmes. Un cerveau qui fonctionne à cent à l’heure. Toujours prête à voir nos références sociétales sous un angle inhabituel: la durée, les limites, la quête d’une certaine permanence.
« J’aime la formule « anarchiste-conservateur », en ce qu’elle place le conservatisme dans la soumission à un ordre qui n’est pas de ce monde. Ce n’est pas le conservatisme bourgeois de la droite digicode ni l’anarchisme stérile des casseurs de vitrines. Thibon en donne une bonne définition: « Nous opposons le même refus au matérialisme de la société de consommation et à la fausse mystique de la révolution. »
« Si être réactionnaire c’est, selon le mot de Maistre, vouloir « le contraire de la révolution », alors j’en suis, mais s’il s’agit de retourner en arrière, alors non. Pour retourner où? Dans les Trente Glorieuses mythifiées par Zemmour et Tillinac? Je ne les ai pas connues. La nostalgie n’est pas un regret du passé mais un rapport au monde. Je n’aime pas le mot droite car il est géographique et relatif, et je crois aux permanences. Disons conservatrice alors, ou bien de « droite buissonnière »…
« Je ne sais pas ce que signifie enfermée dans une condition féminine et je ne crois pas que les femmes avant les années 1960 l’aient été. Le féminisme est une idéologie progressiste qui consiste à vouloir délivrer les femmes d’un imaginaire complot multiséculaire. Je crois qu’on peut être sensible à la liberté des femmes sans leur proposer comme seule planche de salut l’imitation servile du modèle masculin. »
Ingrid Riocreux a écrit un essai dans lequel elle analyse le discours dominant médiatique et la fabrication du consentement: La langue des médias. Un ouvrage qui est utilisé aujourd’hui dans des universités, des lycées et même des collèges. Il est devenu une référence pour moi, tant son propos est à la fois vaste et précis. Un diamant intellectuel. Cette mère de 31 ans parle du progressisme:
« Progressiste ou réactionnaire par rapport à quoi? Ces concepts reposent sur une relecture faussée de l’histoire. (…) Le mythe du progrès perpétuel suppose une histoire linéaire. C’est absurde. Pour ma part je ne suis ni progressiste ni réactionnaire et je suis pire que conservatrice: je suis humaniste, c’est-à-dire consciente des permanences indépassables de la nature humaine. »
« Le progressisme (…) est une pensée qui aura toujours des adeptes parce qu’elle repose sur un raccourci tentant: du progrès technique, objectivement constatable, car cumulatif, on déduit un progrès moral, une évolution positive de la nature humaine selon un sens de l’histoire dont on prétend connaître le terme (telle chose irait dans le sens de l’histoire, telle autre non). Cette croyance perd en crédibilité dans les grands traumatismes collectifs. Durant la période révolutionnaire, Chamfort, homme de gauche, écrivait qu’il était idiot d’avoir éradiqué les religions pour leur en substituer une autre, celle du progrès, tout aussi irrationnelle et dogmatique. »
« Je ne pourrai jamais me considérer comme féministe dans un pays où 75% des gens qui se suicident sont des hommes. »
« Il est bon que les femmes puissent s’illustrer dans le champ de la pensée critique, mais y être présentes ne doit pas signifier le conquérir (la conquête est une obsession féministe). En tant que femmes nous pourrions nous réjouir de ce phénomène. Mais à mon sens, c’est le symptôme d’un mouvement négatif: s’il y a surféminisation, c’est qu’il y a dévirilisation. »
Natacha Polony est déjà bien connue pour avoir été chroniqueuse dans l’émission de Ruquier On n’est pas couché. Elle a écrit plusieurs livres sur les thèmes du souverainisme républicain ou de la critique du féminisme, comme L’Homme est l’avenir de la femme. Elle anime Polony TV que l’on peut suivre sur internet. À propos de féminisation de la société:
« … cela n’a pas grand chose à voir avec ce qu’Éric Zemmour appelle la féminisation de la société, selon une erreur de perspective majeure. La société ne se féminise pas, elle développe des processus maternants, ce qui n’est pas la même chose. Le consumérisme, qui repose sur l’instrumentalisation des pulsions par une puissance qui, comme la toute-puissance maternelle, enferme en comblant les désirs avant même qu’ils ne surgissent, en constitue la matrice. »
« Il n’est pas question de rejeter toute avancée humaine au nom de la foi en un âge d’or mythifié. La critique du progressisme, c’est-à-dire de cette idéologie qui consiste à déifier toute nouveauté au nom de la supériorité intrinsèque du présent sur le passé, doit s’appuyer essentiellement sur une haute idée de la dignité humaine… »
À les lire je ne sais plus comment me définir: parfois progressiste, parfois anarchiste-conservateur, parfois réactionnaire au sens d’Eugénie Bastié: ne pas croire au mythe de la révolution. Bref, un melting-pot typique de l’époque où j’ai grandi, porteur de toutes les contradictions possibles, entre ombre et lumière, hors-sol et enraciné, social et individualiste, rebelle et amoureux, mécréant et mystique, bienveillant et d’une lucidité assassine.
Il y a d’autres femmes formidables: Bérénice Levet, Élisabeth Lévy, Marion Maréchal le Pen (chic, j’en entend déjà qui grincent des dents!…). J’y reviens prochainement.
Des femmes auxquelles je trouve un même dénominateur: elles ne stigmatisent pas, ne se réfugient pas dans la paresse intellectuelle de se croire du bon côté du monde, n’ont pas réponse à tout, ne cherchent pas à embobiner par des postures morales-affectives ou des connivences toxiques, mais stimulent toujours la réflexion personnelle. Des femmes qui ont pris un sacré recul par rapport au besoin de pouvoir sur les autres.
Dans la nuit déraisonnable et sanglante où nous vivons, une nouvelle aube pointe.
Commentaires
Ingrid Rocrieux, la presse et les journalistes:
https://www.youtube.com/watch?v=2Rr5Vwqrokk
Un régal !
En effet. Juste un détail piquant : elle aussi utilise l'expression "pas de souci" pour "pas de problème"...
« elle aussi utilise l'expression "pas de souci" pour "pas de problème"»
alors c'est foutu... c'est que ça fait caissière de la Migros, frontalière...
Cela fait surtout bizarre de la part d'une personne qui souligne l'importance du langage et qui dans la foulée utilise une de ces formules fausses et typiques de personnes ne réfléchissant jamais à ce qu'ils disent et avec quels mots.
Mais j'ai utilisé le mot "détail", au cas où tu ne l'aurais pas vraiment bien lu.
Oui Géo, et pourtant son livre est aussi exemplaire sur le plan de la langue que de la pensée et de l'analyse du sujet, un régal.
Décidément, rien n'est parfait...
:-)
Ne prenez cependant pas ma remarque pour une critique. C'est un détail, un détail amusant.
Hier, horribile dictu, j'ai dit "au jour d'aujourd'hui". Je n'en suis pas encore revenu...
Je l'avais comprise ainsi Géo.
"Au jour d'aujourd'hui" est une des expressions les plus étranges que je connaisse. Je ne comprends pas d'où elle vient, comment elle a pu se former et se répandre au point d'être aussi connue.
Zemmour n'a pas tort de parler de la féminisation de la société. Je pense qu'il fait allusion aux politiques et humanistes qui n'ont plus assez de c... pour voir la réalité en face! Avant on parlait des hommes forts.... Ces femmes les ont remplacés!
Le vote des législatives demain...... Les médias suisses l'ont déjà élu! La macronite est plus suisse que française! Je comprends à présent comment à fonctionné la diabolisation de l'UDC! L'homme fort à la "queue de cheval" était à éliminer!
"Dans la nuit déraisonnable et sanglante où nous vivons, une nouvelle aube pointe"
La société est ainsi faîte que nous sommes différent. Vous cherchez à avoir une société comme vous les souhaitez, mais c'est tout simplement impossible.
C'est le grand problème des ultra conservateurs qui veulent contrôler la sociétés comme le comportement des gens à l'intérieur de celle-ci.
Une société ne doit pas être pris en otage par un mouvement, comme les conservateurs, mais doit être à l'image de la population, un compromis des tendances existantes.
Plus les personnes ont une orientation extrémiste, plus il trouve cela insupportable. C'est un comportement enfantin lié à leur égoïsme.
Les temps ancien où la femme restait à la maison, c'est terminé. Et si vous n'êtes pas convaincu, parlez à la jeunesse qui remplacera la génération existante.
Motus,
Je prêche la différence depuis toujours, sur ce point vous enfoncez une porte ouverte. Mais rien à voir avec ma phrase de conclusion. Les temps changent, vous devriez vous en apercevoir. Le progressisme est à bout de souffle.
Si vous ne l'avez pas remarqué, ce sont les "progressistes" qui veulent contrôler la société et la prendre en otage. Les conservateurs (ai-je parlé d'ultras? Non c'est vous) sont plus à même de concilier différentes tendances alors que les progressistes ne peuvent être que dans la confrontation par rejet du l'histoire. Ces femmes que je cite redéfinissent et rafraîchissent le conservatisme.
Que vient faire cette affaire de femme à la maison? Vous êtes obsédé. Rien à voir, en plus d'être un cliché débile sans lecture objective de l'Histoire. Lisez mon prochain billet, cela vous donnera une vue moins courbe.
Décidément, Motus, vous n'avez pas les idées très claires, ou assez étayées.
motus @ "C'est le grand problème des ultra conservateurs qui veulent contrôler la sociétés comme le comportement des gens à l'intérieur de celle-ci."
J'ai fait la copie de ce passage avant de lire le commentaire de HL. Ce sont plutôt les socialistes de la political correctness qui veulent tout contrôler, jusqu'au langage. Écoutez le lien de petard sur Ingrid Riocreux.
En fait, avant 1968, les conservateurs voulaient tout contrôler, et depuis ce sont les socialistes. L'an prochain, on fêtera les 50 ans de mai 68, à tout hasard...
"Zemmour n'a pas tort de parler de la féminisation de la société"
Si c'est cela, la féminisation de la société, on en redemande...
Géo:
"Si c'est cela, la féminisation de la société, on en redemande..."
Motus va devoir réviser ses stéréotypes sur les hommes... D'autant qu'on est déjà deux à en redemander.
HL@ En ce moment, il y a sur la 5 l'émission C l'hebdo. L'illustration parfaite de ce que dit Riocreux. Sonia Rolland, miss France 2001 d'origine rwandaise. On voit son père à l'époque qui dit que "deux races peuvent produire quelque chose de beau" et c'est repris dans la seconde d'après par l'animatrice A-E Lemoine, qui reprend la même phrase en remplaçant race par culture. Ce qui n'a aucun sens, vu que la beauté physique n'a pas grand-chose à voir avec la culture...
Plus loin. un jeune crétin qui fait partie de l'équipe, interroge Sonia R en commençant par : "suite au génocide au Rwanda provoqué par les colons belges..."
1. Il parle du génocide de 94...
2. Cette théorie est une connerie. Les Bantous et les Nilotiques n'ont pas eu besoin des Belges pour se haïr...
@Géo
Je parlais de la société française :)))))))))
Merci. Je viens de prendre, il reste 10', je verrai s'il y a une rediff.
@Géo
Les socialistes ont banni le mot race pour "ethnie"!
Les miss d'aujourd'hui sont plutôt cultivées rien à voir avec le sens de culture employé par l'animatrice :)
"Les socialistes ont banni le mot race pour "ethnie"!"
Ce qui représente probablement le meilleur exemple de tout ce qui a été énoncé plus haut. On remplace un fait scientifique* par une approximation fausse. Le concept "ethnie" ne recouvre pas sémantiquement parlant celui de "race"...
* Il n'existe pas de races au même titre qu'il n'existe pas des hommes et des femmes : il n'y a pas de limite claire et nette à l'interface. En attendant, M. et Mme Pygmée ne vont pas donner naissance à un bébé type viking...
Homme Libre @ J'ai recommandé votre billet à quelqu'un de plus pointu que moi et elle a tout de suite relevé ceci :
"Eugénie Bastié. Je l’ai déjà présentée succinctement"
"À les lire je ne sais plus comment me définir: parfois progressiste, parfois anarchiste-conservateur, parfois réactionnaire au sens de Maryse Bastié: ne pas croire au mythe de la révolution."
J'avoue ne pas comprendre et je ne l'avais pas remarqué. Comment l'expliquez-vous ? Le correcteur ? Votre subconscient ? C
Géo, alors là...
Je ne sais pas comment c'est venu là, ce Maryse Bastié, héroïne de l'aviation. Peut-être plutôt mon subconscient: j'ai refait un essai sur mon texte d'origine dans son application et le correcteur ne propose pas un autre prénom. À moins d'une manipulation erronée en collant le texte dans mon blog.
Merci pour avoir attiré mon attention. Je corrige!
:-D
« D'autant qu'on est déjà deux à en redemander.»
Trois, avec moi.
C'est la France de Hollande.... Géo:))))) Tout ce qui nous a été enseigné part en décrépitude!
" En attendant, M. et Mme Pygmée ne vont pas donner naissance à un bébé type viking..."
,MDR MDR MDRRRRRR Trop drôle!
J'en suis quatre depuis un petit moment la cinquième c'est très récent. Mme Riocreux publie quelques articles sur causeur également, pour Madame Bastié j'aime bien ses positions, les questions et les enjeux qu'elles évoquent, pour Madame Marechal-Le pen elle veut mener un combat culturel, beaucoup de monde aimerait qu'elles prennent plus d'importance maintenant sur la manière, l'agenda, les alliances et la recomposition politique ce n'est pas impossible mais pas évident