On en parle moins qu’Alep et pourtant la bataille est aussi brutale. Civils sans eau, presque sans nourriture, tués et blessés dans les raids de la coalition. Ville en ruines. Destructions par l’air et par la terre, tirs d’artillerie ou aériens quotidiens depuis plus de six mois.

Diaspora

Il y a une semaine la mosquée Al-Nouri a été détruite par des djihadistes en recul. Cette fois ce sont des forces irakiennes qui ont pris le site d’assaut. Cette mosquée était le symbole du Califat puisque le chef de l’EI, Abou Bakr al-Baghdadi, y avait annoncé sa naissance à l’été 2014.

La reprise de cette mosquée fait dire à des officiels irakiens que c’est la fin du Califat qui se joue en ce moment. Peut-être la fin de ses frontières auto-proclamées depuis trois ans.  Mais dire que la branche politique et militaire de l’islam cessera d’agir et de revendiquer un État, c’est peut-être prématuré.

La portion intégriste de l’islam n’a cessé de se renforcer et de croître depuis cent ans. Si elle n’éclôt pas en Syrie ce sera ailleurs. En Syrie-Irak elle a pu bénéficier de l’apport en hommes et en expériences des anciens militaires de Saddam, ainsi probablement que de réserves d’armes. Pétrole et trafic d’antiquité rapportant beaucoup l’administration mise en place a pu fonctionner. Cette région était une aubaine pour le djihadisme, tant par sa désorganisation et ses antagonismes que par sa richesse en pétrole, éléments dont Daesh a su tirer parti.

D’autres places sont prêtes pour accueillir l’armée de Daesh, soit vers le nord, le Caucase et l’Asie Mineure, soit vers le sud et l’ouest, l’Afrique maghrébine et subsaharienne. Il n’y a aucune raison que cette forme de guerre, terrorisme compris, cessent rapidement. La diaspora des soldats du djihad entretiendra et tentera de reconstituer le Califat.

Les musulmans majoritairement non subordonnés à Daesh, et qui ne partagent pas sa vision, devront encore, pendant longtemps, partager une religion aux pratiques contradictoires.

Légitimité

Il ne faut pas oublier que derrière cette sorte de révolte arabe et musulmane il y a une histoire ancienne. Le rejet de l’occident ne date pas du XXe siècle. Aujourd’hui les occidentaux se sont mis en tête que leurs valeurs sont universelles. Le problème est que les musulmans pensent de même de leurs propres valeurs. Qui a raison? Le plus fort.

Pour mémoire voici un rappel des raisons de la haine de l’occident. Elle s’expriment en six point:

– « Nous vous haïssons, avant tout, parce que vous êtes des mécréants; vous rejetez l’unicité d'Allah – que vous en ayez conscience ou non »;

– « Nous vous haïssons parce que vous êtes laïcs: les sociétés libérales autorisent précisément ce qu’Allah a interdit, tout en interdisant nombre de choses qu’il a permises: ce dont vous vous moquez, parce que vous séparez la religion et l’Etat, accordant ainsi l’autorité suprême sur vos caprices et vos désirs, via des législateurs que vous mettez au pouvoir par vos votes »;

– et en points suivants: « Les points suivant énoncent: les athées parce qu’ils ne croient pas en Dieu, les crimes commis envers l’islam, ceux commis envers les musulmans, et seulement en sixième position: «nous vous haïssons parce que vous envahissez nos terres». 

Le djihad militaire est donc légitime aux yeux d’une fraction des musulmans. La guerre, dont le terrorisme est un des aspects, n’a pas de raison culturelle de cesser.

Mossoul libérée, puis bientôt Raqqa, vont obliger l’organisation de l’État Islamique à se déplacer et se réorganiser. Mais l’idéologie demeure, ainsi que le rêve du Califat, qui représente l’indépendance, la liberté, l’espace protégé des valeurs et du mode de vie propres aux musulmans tels que revendiqué depuis les Frères musulmans jusqu’à Daesh.

Illustrations: 1: EI en 2014; 2: EI en janvier 2017.