Lentes à venir, les premières dénonciations de la vente de migrants par des libyens sont surtout due à des hommes. Et des hommes d’origine africaine, artistes et intellectuels principalement.
D’autres réactions ont ensuite été publiées, avec un surprenant retard, alors que la vente d’esclaves africains devrait être une alerte mondiale majeure au vu de son ampleur dans le passé et de sa proximité historique.
Jeune Afrique a publié hier un texte sévère de Thierry Amougou, économiste camerounais et professeur-chercheur à l’Université de Louvain en Belgique. Sa critique s’adresse aux africains eux-mêmes.
« L’idée de l’Union africaine, à notre humble avis, souffre dès ses origines d’un déficit d’un projet anthropologique fort. Depuis 1963, les textes fondateurs du panafricanisme exaltent la libération du continent, mais restent cois sur les droits inaliénables et les droits aménageables du nouvel Homme africain. La conséquence de cette aboulie anthropologique dans le panafricanisme, est qu’un continent qui a fait l’expérience de la traite arabe pendant sept siècles et celle du commerce triangulaire pendant cinq siècles, n’ait pas dans la charte de son projet de renaissance, des engagements sacro-saints qui interdisent de façon contraignante l’esclavage, et assortissent cette interdiction de dispositifs contraignants qui s’imposent de façon supranationale à tous les Etats. »
On notera que son propos mentionne la traite négrière arabe comme celle menée par des européens. C’est assez peu fréquent pour le souligner. Il ne manque que de désigner les premiers vendeurs d’esclaves: les rois et chefs africains eux-mêmes.
Il ajoute plus loin:
« L’Afrique en 2017 ne rend pas l’Africain fort de sa fierté d’être Africain, elle lui fait rêver sa vie ailleurs, et le force à payer cet ailleurs au prix fort. »
Si l’on compare la mobilisation mondiale pour les jeunes filles enlevées par Boko Haram au Nigeria (l’enlèvement de jeunes garçons n’ayant pas fait de bruit) et celle attendue pour dénoncer cette nouvelle vente d’esclave, il n’y a pas photo. D’accord, on n’allait pas attendre des organisations féministes de défendre des hommes. Le féminisme n’est pas un humanisme.
Pourquoi n’entend-on pas Michelle Obama, si prompte à sermonner tout ce qui ressemble à du racisme, et elle-même descendante d’esclaves? Ou Hillary Clinton, si fière et amusée d’apprendre à l’époque la mort de Kadhafi?
La première information sur cette vente de migrants à titre d’esclave est parue le 13 novembre sur le site de CNN. Je l’ai lue pour la première fois en français le 15. J’ai publié sur le sujet le 17. RFI Afrique en a parlé le 18, comme LCI. Libération le 20. L’express le 21. Emmanuel Macron dénonçait des crimes contre l’humanité le 22. La réaction de la « communauté internationale » ne s’est faite entendre que le 22.
Les reproches de Thierry Amougou envers les responsables d’Afrique subsaharienne et l’OUA visent la bonne cible.
Il ne sert à rien de culpabiliser encore une fois les occidentaux blancs. La solution, si elle existe, doit être cherchée en Afrique même.
Le mal-développement endémique, la corruption, l’absence de vision, la fuite des bras et des cerveaux vers ce qui ressemble à une nouvelle conquête de l’ouest doré, l’argent facile pour les filières mafieuses de passeurs bien installés en Libye, sont des problèmes majeurs à régler.
Chercher des solutions ailleurs c’est encore fuir les problèmes et alimenter la chaîne de la mort en Libye ou en Méditerranée, ou de la pauvreté en Europe. Et encourager au statu quo sur le continent noir.
Notre culpabilité n’y changera rien.
À propos de migration je souligne les propos d’Emmanuel Macron, qui répondait à une femme marocaine désirant s’installer en France, mais ne disposant pas du visa adéquat. Il remet la loi au milieu du village. À visionner ici:
Commentaires
Il me semble qu'il manque tout une face de cette sombre histoire:
Qu'il y ait des criminels qui kidnappent et vendent des gens comme esclaves c'est une chose, scandaleuse, mais pas si surprenante.
Par contre qu'il y ait une clientèle, et donc un cadre géographique, culturel, voir légal, qui s'y prête c'est beaucoup plus préoccupant. Et ça on n'en parle pas beaucoup.