Dans mon immeuble je croise parfois une jeune femme qui a ceci de particulier à mes yeux: elle ne sourit jamais. Elle semble même faire la tête et répond aux « Bonjour » de manière sèche et minimaliste, comme si c’était un gros effort. Jamais d’expression amicale ou bienveillante. Jamais quelques mots pour rien, pour dire qu’on habille le temps.
Hier nous étions dans l’ascenseur. Plutôt que de tenter quelques mots sur la douceur du jour et la montée du printemps, je reste silencieux et regarde vers le sol. Pendant ce temps je fais un petit travail intérieur.
D’abord je l’accepte comme elle est. Au fond je ne sais rien d’elle. J’ignore si elle-même se voit comme je la vois. Est-elle habitée de colère? Ou d’une blessure encore à vif? Je la vois parfois avec sa petite fille, mais jamais avec un homme.
Ou simplement n’a-t-elle pas envie de rapprochement avec les autres. Chacun sa nature et son caractère, après tout. Ou bien c’est moi: ma tête ne lui revient peut-être pas.
Ensuite je reste simplement dans cet accueil d’elle, accueil intérieur, en moi. Il est invisible pour elle: je ne la regarde pas et n’exprime rien de particulier. Je ne cherche surtout pas à l’influencer – si encore faire se peut. Elle est comme elle est. Le reste est entre moi et moi.
Mais peut-être sent-elle quelque chose qui lui convient, car en sortant de l’ascenseur à mon étage (elle habite plus haut), je lui ai souhaité un bon après-midi. Et là, elle m’a répondu: «Pareillement », avec un très léger sourire!
Eh bien! Voilà que je change ma perception d’elle, et je reçois un sourire.
Un très léger sourire. Presque rien. Ça ne changera pas le cours des guerres, et ça n’éteindra pas mon goût pour les débats et controverses.
Mais dorénavant je la regarderai autrement.
Commentaires
Votre récit semble le début d'une plus longue et belle histoire entre vous...
Bonne journée Homme Libre.
Bonjour Colette,
Vous êtes romanesque!
:-)
Ce serait alors une histoire simple, pas une histoire amoureuse – que je ne cherche pas.
Les histoires simples aussi peuvent être longues et belles... Mais nous nous croisons rarement, et il y a peu de matière à l'histoire. Notez qu'en faisant un petit pas chaque année, ce pourrait devenir un très long feuilleton!
:-D
Bon dimanche à vous aussi Colette. Ici c'est quasiment l'été. Un délice.
Je pense que Colette montre bien comment les femmes comprennent tout à côté. Arrivé à un certain âge, on n'ose saluer une jeune dame de peur de passer pour un obsédé sexuel. Mais comme vous le dites, c'est une question de pratique. Au bout du bout, vous finirez par arriver à la conclusion que cette jeune dame peut bien tirer la gueule, vous n'en avez pas grand chose à f..tre.
Laisser un brin de fraîcheur sensible au souffle d'une belle saison, joli moment Hommelibre.
@ Divergente: content que vous appréciiez ce moment.
@ Géo: Je ne le vois pas ainsi.
Colette me donne l'impression d'avoir prolongé une des virtualités de cette situation, et en relisant je pense qu'elle a vu le romanesque de ce moment.
Pour ma part je salue les femmes jeunes et les moins jeunes, (les hommes aussi!), je n'ai pas l'impression que l'on me prenne pour un obsédé sexuel. Mais cela dépend peut-être du cadre et du degré de connaissance mutuelle que nous avons. À vrai dire je n'ai pas creusé et je n'en sais rien.
Sur le dernier point, vous dites les choses crûment, et pourquoi pas, cela aussi a du bon. M'en f..tre peut en effet être la conclusion. Mais sans que cela soit rejetant ou méprisant pour l'autre.
je tenais à souligner 'votre' momentum, soit votre geste du moment Hommelibre. Un compliment poétique à votre égard, cela s'accepte, même si de moi :-))
Bien sûr, Divergente, nous sommes d'accord, et j'apprécie à sa juste valeur. :-)
@Homme libre, mon commentaire n'allait pas particulièrement dans le sens d'une romance ni d'une relation intime; il m'avait semblé que cette esquisse de sourire présageait, peut-être, un salut plus amical un de ces jours, une conversation intéressante un jour, qui sait?
Ayant moi-même 65 ans (cher Géo), je suis loin des idées que vous supposez. Comme Hl je salue tout le monde, je souris gentiment. Parfois, peu à peu, une conversation s'engage, une nouvelle relation s'est créée, même superficielle. Le sel de la vie. le soleil du printemps.
Je vis à peu près la même chose dans mon taxi qui est un peu comme un ascenseur horizontal. La seule différence c'est que nous avons un contact avec l'extérieur. Mais l'impression est la même.
Je suis passé par divers états d'esprit au fil des ans. Aujourd'hui je n'interviens que rarement, je laisse mes clients décider de ce qu'ils veulent. Je suis entièrement disponible mais sans attente.
Merci pour ces précisions Colette. J'en prends acte avec plaisir.
Le sel de la vie, oui.
Colette@ Les termes que vous utilisez : "le début d'une plus longue et belle histoire entre vous..." ne sont pas vraiment ambigus.
Une jeune femme... certaines ont l'âge de leur âge mental, d'autres, non... soit plus soit moins... il se peut que cette jeune femme ressente le travail intérieur la concernant et en soit touchée. Elle pourrait être habitée par un deuil intérieur qui la porterait à demander consolation avec rétablissement plus qu'aventure ordinaire, banale... suite à une confiance sienne mal accordée à quelqu'un, ou à d'autres. Les personnes les plus atteintes par les remous de l'existence, exactement comme dans les accidents de circulation, ne sont pas forcément celles qui crient le plus fort.
Parfois, les gens n'ont juste pas envie d'être trop ouverts avec leurs voisins, craignant trop de familiarités ou une sorte d'invasions de leur domaine privé. Comme si un salut pouvait déjà être l'équivalent de "donner le petit doigt" !
Ma voisine de palier qui habite l'immeuble depuis environ 15 ans a commencé à nous saluer il y a peut-être quatre ou cinq ans. Depuis, nous avons dû échanger sept ou huit phrases. Elle ne prend jamais l'ascenseur et on n'a donc pas été dans cette grande promiscuité, qui oblige un peu à donner des signaux de civilité minimale.
Il y a 15 ans, la situation était problématique, car nous avions appris à nos enfants de dire poliment bonjour aux personnes qu'elles croisaient et avec la voisine, elles se heurtaient à un comportement singulier et nous demandaient pourquoi elle ne répondait pas.
On a dit de quand-même la saluer, que c'était quand-même mieux, même si on ne savait pas pourquoi elle ne répondait pas. Elle était l'exception qui confirmait la règle, puisque tous les autres adultes répondaient volontiers aux enfants.
Stairway to heaven;) (suis jalouse)