Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Les civilités

Certains jours des gamins nous regardent jouer à la pétanque. Deux sont particulièrement intéressés. L’un, environ 12 ans, est passé plusieurs fois. Il m’a demandé s’il pouvait essayer. Je n’étais pas disponible, les équipes commençaient une partie.

 

civilités,apprentissage,transmission,pétanqueInconnu

Le terrain est dans un petit parc bien dégagé, près d’une route et d’immeubles. Des gens passent, des familles prennent le soleil à proximité. C’est très convivial.

Je m’entraîne parfois trente minutes avant de jouer. J’ai proposé à ce gamin, s’il le pouvait, de venir le samedi suivant. Je lui consacrerais mon entraînement. Je pense qu’il faut savoir répondre à l’intérêt de l’enfant et le nourrir. C’est ainsi que naissent parfois les vocations. On peut commencer très jeune à la pétanque. Pour mémoire le champion du monde 2019 en individuel est âgé de 23 ans.

Il n’est pas venu le samedi mais quelques jours plus tard, accompagné de sa mère. Une partie était engagée. Tout en jouant j’ai expliqué à cette mère que je montrerais volontiers quelques bases à son fils. Je le fais avec plaisir. De plus cette famille était visiblement d’origine extra-européenne. Je voyais une raison supplémentaire d’accueillir sa demande, une manière de tendre la main.

Pris dans la partie j’ai quelque peu bâclé mon entretien avec la mère. Après un moment elle et son fils sont partis. J’ai alors réalisé que je ne m’étais pas présenté! J’étais dans la partie, dans l’ambiance très naturelle du lieu et du moment. Aveuglé par ma spontanéité j’ai manqué aux plus élémentaires civilités: me présenter nommément, montrer où je réside. Je m’en suis même ouvert à un partenaire de jeu.

J’avais oublié que cette femme ne me connait pas – et moi pas plus. Quel parent confierait son enfant à un inconnu? Il y a toujours un discret « T’es qui, toi? » quand deux personnes se rencontrent pour la première fois.

 

 

civilités,apprentissage,transmission,pétanqueLeçon

Certes le lieu est en plein air sur un passage fréquenté, j’y suis connu, et j’invitais cette mère à venir voir son fils faire ses premiers pas en pétanque.

Mais ce qui nous paraît évident ou implicite ne l’est pas pour tout le monde. De plus, à notre époque, les hommes doivent éviter de se trouver seuls avec un enfant ou un adolescent. C’est comme ça. Il est contre nature de vivre dans la suspicion, mais le réalisme doit l’emporter sur l’idéal d’ouverture qui est le mien au départ.

Il faut considérer comme normal de donner des gages qui rassurent les parents, qui leurs laissent un contrôle sur la situation et sur leur enfant. J’avais zappé cette évidence. Quel idiot! J’ai encore bien des choses à travailler sur moi.

Je n’ai pas revu ce gamin. J’espère que ce n'est pas en raison de mon manquement. Passera-t-il pendant les vacances?

Le deuxième enfant, d’environ 8 ans, est venu plusieurs jours de suite avec sa mère. J’ai parlé avec elle, je me suis présenté. Je n’ai pas oublié les civilités. Elles facilitent les relations et représentent des balises entre les gens.

Comme je ne sais pas toujours garder ma réserve, je me suis avancé: en voyant l’intérêt très soutenu de son fils je lui ai demandé s’il voulait un jour essayer. Son visage s’est illuminé. Il en avait très envie et n’osait pas le dire. Je l’ai proposé devant la mère, qui a exprimé son accord.

Ils sont partis en vacances. Rendez-vous est pris pour la rentrée.

Je retiendrai la leçon. Avec ma fille je n’aurais certainement pas agi différemment de la première mère.

 

 

civilités,apprentissage,transmission,pétanque

 

 

 

Catégories : Philosophie, Psychologie, société 6 commentaires

Commentaires

  • Joli témoignage. Je pense cependant que le moteur est la motivation et si la curiosité de cet enfant s'arrête aux réticences de sa mère devant un manque de formalisme il faudra aussi en déduire que sa curiosité n'était que passagère et que sa destinée ne sera pas la pétanque.
    S'il est sain de se remettre en question dans nos comportements il faut aussi savoir faire la part des choses car nous ne sommes pas le centre du monde.

  • Il y a deux ou trois ans, dans la région de Taveyanne qui est en fait le terrain de mon travail de diplôme, j'avais par réflexe ramassé un petit cristal de silice sur le chemin que j'avais emprunté. Dans ces cristaux, il y a des inclusions gazeuses et donc des rapports isotopiques intéressants pour le géologue...
    Sauf que je ne savais pas quoi en faire, de mon petit cristal. Le temps des études est terminé...

    Sur la route, une mère et sa petite fille. Je demande à la mère si elle m'autorise à faire un cadeau à sa petite fille, elle n'a aucun problème avec ça. La petite avait fait une sorte de décor avec petites fleurs et cailloux jolis, vous voyez le genre. Elle a adoré le cristal. Je me suis abstenu de faire remarquer que dans quelques années, elle préférera le même, mais en carbone pur.
    Le cristal est le meilleur ami des petites filles...
    La mère et la fille étaient enchantées, j'ai réussi à ne pas donner dans mon cynisme habituel...

  • "Le cristal est le meilleur ami des petites filles..."

    J'aime bien quand vous écrivez comme ça.
    :-)

  • Vous pourriez écrire des histoires sur le mode de celle-ci, je trouve bien vu, il y a beaucoup dans peu de mots, c'est visuel et d'un état d'esprit original.

  • Que oui, très bonne suggestion, une belle histoire sur l’élevage des poules de race leghorn par exemple, ces poulettes pondeuses que les petits gars de chez vous tiennent en haute estime, si l’on en croit l’un de vos commentaires sur un autre blog. Une histoire naturelle à la Jules Renard, peu de mots et dans un esprit original.
    Ma grand-tante avait une poule savante, une rescapée de l’époque de marché noir, sauvée du sort funeste qui l’attendait par l’incapacité de mon tonton à lui tordre le cou… Elle venait à sa demande se lover sur son épaule pour un câlin duveteux… Il ne lui manquait que la parole à cette poulette, elle aurait pu tenir un blog si le réseau avait existé, elle n’aurait pas fait tache… Depuis, suis devenu circonspect sur la prétendue stupidité des gallinacés.

  • Les poules ne sont certes pas stupides mais assez cruelles, à vrai dire. Elles ne se font pas de cadeau et je vais m'abstenir de pondre sur le sujet, ce serait assez malséant...
    Misogyne ? Peut-être. Par force, en quelque sorte. Elles font tout pour, en tout cas...

Les commentaires sont fermés.