Éric Brion est journaliste. Il a dirigé pendant 14 ans une chaine hippique. Comme journaliste il a parfois croisé Sandra Muller, elle aussi journaliste. Dont un soir de 2012 à Cannes.
Un soir qu’il regrettera le reste de sa vie. Éric Brion et Sandra Muller, qui ne travaillent pas ensemble, visitent un marché de l’audiovisuel. Ce soir-là tous les journalistes sont conviés à une réception. Vers minuit, un peu alcoolisé, Éric Brion fait du plat sans finesse à dame Muller.
L’alcool rend con, et parfois violent, et ma foi nombre d’hommes et de femmes ont un souvenir de soirée alcoolisée dont ils ne sont pas fiers.
Sandra Muller montre clairement sa désapprobation, ce qui arrête l’homme, et l’on en reste là. Le lendemain matin il envoie un texto en présentant ses excuses.
Cinq ans plus tard la journaliste publie un tweet de combat. Elle invite les femmes à dénoncer publiquement et nommément les auteurs d’actes de harcèlement sexuel au travail dont elles auraient été victimes. Puis elle commence elle-même en dénonçant Éric Brion:
« Tu as des gros seins. Tu es mon type de femme. Je vais te faire jouir toute la nuit’ Eric Brion ex patron de Equidia #balancetonporc” »
M. Brion reconnaît sans hésiter la lourdeur de son propos. Il a déjà présenté ses excuses. Il décrit aussi un échange dont le ton est moins agressif que ce que le tweet laisse à penser. Sans le son, les mots ne montrent ni le contexte ni le langage corporel. Il est par ailleurs connu pour être attentif au problème du harcèlement au travail.
Le tweet de Sandra Muller a été dévastateur. Éric Brion a perdu ses mandats professionnels, des amis, et sa compagne. Il a été harcelé pendant deux ans par des messages anonymes injurieux ou menaçants.
Il est devenu la cible, le bouc émissaire. Pour une dizaine de mots lourds en fin de soirée arrosée, mots regrettés dès le lendemain matin. Le tribunal anonyme des rézos l’a laissé pour mort socialement. Les « gentils » qui défendent la bonne morale sont de vraies crapules, des salopards sans foi ni loi. Des blacks blocks de l’informatique.
Malgré la ruine subite de sa vie il trouve l’énergie de déposer une plainte contre Sandra Muller. Le procès a eu lieu le 29 mai et les juges ont rendu hier leur décision. Sandra Muller est condamnée pour diffamation. Condamnée à 15’000 € de torts moral, 5’000 de frais de justice et la publication du jugement sur son compte Twitter.
La première condamnation touche donc la créatrice du hashtag. Sandra Muller pour balancetonporc, Asia Argento pour metoo: les deux initiatrices des délations sont en mauvaise posture pour avoir elles-mêmes adopté un comportement controversé ou condamnable.
Madame Muller annonce qu’elle fera appel. Mais il lui sera difficile de faire modifier la sentence, pour deux raisons. D’une part elle accusait M. Brion de harcèlement sexuel sur son lieu de travail. Or ils n’ont jamais travaillé ensemble et leurs rencontres n’ont été que fortuites.
D’autre part la notion de harcèlement suppose une répétition d’un comportement. Combien de répétitions? Je dirais trois, mais cela dépend de la personne et des circonstances. En l’occurrence il est abusif de parler de harcèlement sexuel sur le lieu de travail quand il n’y a pas de lieu de travail, et pas de répétition des gestes.
Un homme qui fait des avances à une femme ne devrait pas avoir à craindre d’être poursuivi au pénal. Il tente sa chance. S’il est éconduit il doit renoncer.
Emmanuel Macron ne serait pas avec Brigitte s’il avait renoncé, puisqu’elle avait d’abord refusé toute relation avec le jeune homme.
La culture amoureuse assigne à l’homme de faire le premier pas, de se montrer. Les femmes restent davantage en arrière, elles attendent de voir si l’homme vaut le coup. Cette dissymétrie des comportements a un gros inconvénient dans le prisme notre époque: elle place automatiquement l’homme en position de harceleur et la femme dans celle de victime potentielle.
Pourquoi les comportements sont-ils dissymétriques? Pourquoi est-ce l’homme qui s’avance et la femme qui recule ou le tient à distance? Cela arrive aussi dans l’autre sens mais c’est moins fréquent, ou moins visible. Un décolleté attractif et un regard un peu insistant n’ont pas la même force que des mots prononcés puisque l’intention n’est pas divulguée.
Par ailleurs la moindre force physique (en moyenne) et les exigences de la maternité ont rendu les femmes attentives aux conséquences du désir, ce que l’homme perçoit moins. C’est ainsi depuis la nuit des temps et cela devrait encore durer. Il vaut donc mieux discuter ensemble, femmes et hommes, que de s’accuser.
Je compléterai prochainement ce billet, sur la réaction de madame Muller et de féministes. La vulgarité du hashtag n’est pas moindre que certains comportements masculins. Mais je reviendrai aussi sur le vécu d’Éric Brion et comment il analyse les raisons qui ont poussé madame Muller à cette diffamation, ou au moins à une dénonciation sans commune avec son comportement.
Cela aurait dû être réglé entre les personnes. Il semblait que c’était fait: elle a mis sa limite, il a présenté ses excuses. Pourquoi revenir cinq ans après? Que voulait-elle de plus?
Commentaires
Est-ce que nous pouvons aussi balancer nos truies?
Franchement, s'il n'avait pas été imbibé d'alcool, Eric Brion n'aurait probablement pas fait du grinche à la dame. Il ne faudrait quand même pas oublier les vertus de l'alcool. Il est vrai que tous les goûts sont dans la nature.
Plus sérieusement, oui, la nature est ainsi faite que c'est le mâle qui fait la cour à Madame, ce que nous appelons poétiquement les danses nuptiales. Certains y laissent d'ailleurs leur peau.
"Est-ce que nous pouvons aussi balancer nos truies? " Les hommes ne s'abaissent pas à ça, heureusement. Mais c'est vrai que quand je pense à tous les sales coups que m'ont fait les femmes de ma vie...
Bref..
J'ai détesté d'emblée le #balance... etc ... pour la simple raison que ce lien mettait tous les hommes dans le même paquet, ce qui est faux et trop facile comme j'ai détesté aussi la violence verbale qui lui a succédé !
En présentant ses excuses, Eric Brion avait fait le bon choix, celui de reconnaître des propos lourds de sens.
Or, Mme Muller en insistant n'a pas fait le bon choix !
"blacks blocks de l’informatique" > belle expression (quoique j'aurais écrit : "de l'internet")
La question est ; comment désamorcer la caisse de résonance des réseaux sociaux qui amplifie toutes les bêtises balancées de cette manière. Il y a une énorme complaisance de la presse à écouter la crétinerie ordinaire qui s'y propage. Un abrutissement général a contaminé l'air de rien toute la société.
Ici la justice a fait son travail. Mais je me demande si Eric Brion pourrait être en mesure d'attaquer aussi twitter pour colportage de propos diffamants.
@ Socrate: j'ai pensé comme vous après coup, mais j'étais indisponible pour changer le mot.
Maintenant je le laisse, sans quoi votre commentaire n'aurait plus de sens!
:-)
Pas plus qu'on ne peut attaquer twitter ou fb pour censures et violations de la liberté d'expression et d'information.
@ Aoki : la question est pertinente et peut-être possible pour autant que Eric Brion n'ait pas utilisé Twitter !
Un avocat spécialiste des réseaux pourrait y répondre en analysant les conditions d'utilisation de Twitter.
La solution miracle : les mariages arrangés, façon islamiste ! Ainsi, plus besoin de se demander qui fera le premier pas; aucun risque de se faire accuser de quoi que ce soit. Et les châtiments pour adultère sont suffisamment lourds pour que personne n'ait envie de bâtifoler (quoique, il y en a qui bénéficient de dérogations, mais bon..... ceci est un autre débat.
Blague à part, messieurs, un petit conseil: Si une femme vous plaît, évitez de lui dire "tes gros seins me font bander". C'est vulgaire et lourdingue et il y a de fortes chances que vous n'aboutissiez pas dans votre projet. Si toutefois vous appréciez la vulgarité (et les gros seins), allez donc faire un tour au Pâquis: l'avantage des rapports monnayés, c'est que tout est parfaitement clair. Là non plus, vous ne risquerez aucune poursuite en justice et tout le monde sera content.
Je précise que je fais du sarcasme. Comme Lise, tout ce tralalala autour de Balance ton machin est fatiguant, ne serait-ce que parce que tous les hommes passent pour des pervers et des lourdauds. Les gentils-normaux n'osent plus bouger le petit doigt. Attendons maintenant que le mouvement #meetoo contamine l'univers des LGBTIQ+ et autres non-binaires, qu'on rigole un peu (allusion au précédent texte de HL)
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